La famille "Saxe de Bourville" a-t-elle vraiment existé et quelle est son histoire ?
Question d'origine :
Bonjour,
Nous avons vu la pièce "Le Porteur d’Histoire" d'Alexis Michalik au Théâtre Comédie Odéon, de Lyon. La famille "saxe de bourville" est au centre de l'intrigue - en lien (dans la pièce) avec Alexandre Dumas. "De saxe de bourville" est-elle une invention purement fictionnelle de la part de l'auteur de la pièce (i.e., de Michalik)? Ou la famille est-elle inspirée d'un fait historique, une rumeur etc.?
En vous remerciant par avance de votre réponse!
Réponse du Guichet

La famille Saxe de Bourville n’existe pas : elle a été inventée par Alexis Michalik pour servir le récit du Porteur d’Histoire. Ce nom fictif illustre la manière dont la pièce mêle réalité et imagination pour questionner la nature même de l’Histoire.
Bonjour,
Le Porteur d'Histoire est une pièce de théâtre d'Alexis Michalik, représentée pour la première fois en 2011 dans la cadre des Off d'Avignon, mais qui, par son succès, continue depuis à être jouée régulièrement en France et à l'étranger. Malicieusement sous-titrée "Chasse au trésor littéraire", cette pièce lance un fil d'Ariane entre les siècles, en convoquant tour à tout sur scène des personnages et des périodes historiques réels mais aussi... fictifs. Cette trame narrative en poupée russe, et cette mise en scène récompensée d'un prix lors de l'édition 2014 des Molières, font la réputation de la pièce et se joue allègrement de la matière historique, prenant toutes les libertés avec le réel, pour "explorer le pouvoir du récit et de l’imaginaire" (4ème de couverture de l'édition Livre de Poche, 2021). Ainsi, le mystérieux trésor de la famille Saxe de Bourville aurait notamment justifié l'invasion de l'Algérie par les autorités françaises en 1830...
Vous trouverez de nombreux éléments d'explication de la pièce, ainsi que des commentaires de son auteur sur la naissance de l’œuvre, dans ce dossier pédagogique confectionné par le théâtre Jean Vilar à destination des enseignants pour préparer leurs élèves à la représentation.
Le caractère fictionnel de la famille Saxe de Bourville semble confirmé par l'absence de référence complète à son sujet, aussi bien sur internet que dans nos collections. Ce nom, qui ressemble à un canular, mélange de la dynastie Saxe-Cobourg et du célèbre chanteur et comédien français, aurait été inventé par le metteur en scène. Ce petit extrait, issu du blog du journal Le Monde en résume très bien la démarche artistique et philosophique, citant l'une des tirades d'ouverture d'un des personnages de la pièce :
Tout le spectacle repose sur l’idée que même l’Histoire « avec un grand H » n’est qu’une grande fiction foisonnante – et dangereusement floue, a-t-on envie d’ajouter. « Chaque pays, chaque continent, chaque ville a sa propre vision de l’histoire (…). Et dans tout récit historique, il y a, comme son nom l’indique, une part de récit. (…) L’Histoire est subjective. Ce qui veut dire que tout ce qui nous définit, notre identité, notre passé n’est qu’un récit », affirme d’emblée l’un des personnages de cette pièce qui promet de revisiter l’Histoire sous le signe de la plus pure fiction. Ainsi, la conquête de l’Algérie, décidée par l’État Français en 1830, serait le simple résultat d’une « histoire » de trésor caché par une aristocrate royaliste plus ou moins légendaire, Adélaïde Saxe de Bourville, dont le nom sonne d’ailleurs comme un canular bien plus que comme le mythe fascinant qu’il prétend résumer.
Source : La guerre d’Algérie sur un plateau : Le Porteur d’Histoire - Le Monde.
Alexis Michalik expose lui aussi sa réflexion sur le récit, l'historique et le fictif pour monter sa pièce, dans le dossier pédagogique cité plus haut :
Le Porteur d’histoire est une réflexion sur la part du récit dans nos vies et sur son importance. Comment explorer, à travers un spectacle, une multitude de modes de narration ? Pour ce faire, j’ai choisi cinq acteurs : trois hommes et deux femmes ; cinq tabourets, un plateau nu et deux portants chargés de costumes. Les cinq acteurs incarnent un nombre illimité de personnages fictionnels ou historiques. Au fil du récit, ils deviennent moteurs et instruments narratifs. En premier lieu, j’ai commencé par raconter l’histoire que j’avais en tête à chacun des acteurs, perpétuant ainsi la tradition orale du conte et du récit. Ce faisant, j’élaborais moi-même mon histoire au fil des entrevues.
Source : Dossier pédagogique - Le Porteur d'Histoire.
Enfin, Eric-Herson Macarel, qui a joué dans la pièce entre 2011 et 2014, rapporte dans une interview publiée sur ce blog sa surprise ou son amusement que des spectateurs soient allés chercher sur internet si la famille Saxe de Bourville existait vraiment après avoir vu la pièce...
Bonne journée.