Que sait-on des écluses (écloisons) rue Lafont aujourd'hui Joseph Serlin ?
Question d'origine :
Que sait-on des écluses (écloisons) rue Lafont aujourd'hui Joseph Serlin ?
Merci
Réponse du Guichet

Ces "écluses" étaient destinées à retenir les eaux du canal de communication entre le Rhône et la Saône. Il s'agissait en réalité de petites portes de barrages destinées à vidanger les différents bassins successifs du Rhône à la Saône.
Bonjour,
La rue Lafont a porté dans le passé le nom de rue des écloisons, "parce qu’il s’y trouvait des écluses destinées à retenir les eaux du canal de communication entre le Rhône et la Saône", nous dit le Dictionnaire des lyonnaiseries.
Cette rue a été dénommée rue des Écloisons de 1350 à 1810 où elle est devenue rue Lafont. Elle a ensuite changé de dénomination en 1945 pour s'appeler rue Joseph-Serlin.
Voir le fichier des AML consacré aux voies de Lyon.
Le mot « écloison » désignait des portes d'écluses permettant l’écoulement des eaux des fossés des Terreaux qui ne furent définitivement comblés qu’en 1578.
Source : Lyon pas à pas : son histoire à travers ses rues / Jean Pelletier
Voici quelques compléments d'information extraits de différents documents :
Place des Terreaux,
Un canal de communication du Rhône à la Saône subsistoit autrefois dans cet endroit. Terreaux , en langage populaire, signifie fossé ; ainsi le nom que porte la place rappelle son origine. Dans un contrat du mois d’avril 1312 , intervenu entre le roi et l’archevêque , sur la jurisdiction de la ville, ce canal est déjà nommé veterafossata à flumine Sangonae usque ad Rhodanum. Ce ne fut qu’en 165g que les religieuses de St-Pierre consentirent, au moyen d’une indemnité de 24,000 liv. pour leur directe , que l’emplacement des Terreaux fût converti en place publique. La rue des Ecloisons et celle du Bessard indiquent positivement la direction de l’ancien canal.
source : Description historique de Lyon, ou Notice sur les monuments les plus remarquables et sur tous les objets de curiosité que renferme cette ville / Nicolas-François Cochard
L'un de ces écloisons s'appelait effectivement le baissard. Il était situé dans l'actuelle rue Constantine, c'est-à-dire dans le prolongement de l'actuelle rue Lafont :
LAFONT (rue) ou des Ecloisons. L’ancien canal dont nous avons parlé à l’article place des Terreaux avait une écluse dans cette rue, d’où l’eau s’écoulait par un fossé qui allait vers la Saône en baissant ; on l’appelait le Baissard». Ce nom est resté à la rue qu’on a faite en cet endroit.
source : Nouvel indicateur des monumens et curiosités de Lyon /C.-J.-N. Fournier,1818
Voici ce qu'indique l'ouvrage intitulé Les défenses de Lyon : enceintes et fortifications de François Dallemagne en pages 32-33 :
[...] Le maître d'oeuvre inconnu qui, sous l'autorité des archevêques, conduisait les travaux, avait eu l'idée de mettre en eau le fossé de l'enceinte séparant le mur de la Lanterne de la douve. Cette disposition présentait l'avantage de renforcer sérieusement la défense de l'ouvrage en cas d'alerte, notamment en empêchant les travaux de mine, mais elle était délicate à mettre en oeuvre. Le Rhône à cet emplacement était plus élevé que le cours de la Saône d'environ 1,5 mètres. Si le fossé avait été ouvert du côté du Rhône, il aurait été en permanence inondé, l'eau s'écoulant vers l'exutoire de la Saône avec des variations importantes de niveau en fonction des crues et avec des risques d'endommager les ouvrages. Il fallait donc isoler le fossé du Rhône. Une porte d'écluse aurait été compliquée à réaliser et à faire fonctionner en cas de crue. L'enceinte le long du fleuve a donc été prolongée un peu en amont. Elle s'appuyait sur une tour (la Fretta ou la Tourette) et formait ainsi le barrage souhaité. L'alimentation en eau du fossé se faisait par un canal, dit canal de Neyron, latéral au fleuve avec une prise très en amont qui pouvait être ouverte en cas de besoin. Les eaux franchissaient en cascade un petit ouvrage édifié en bord de Rhône sur le mur de la Douve et s'écoulaient dans le fossé. Son remplissage imposait à cause de la pente du terrain la construction de barrages espacés d'une centaine de mètres environ perpendiculairement à son axe, formant ainsi une succession de bassins. Leur vidange vers la Saône s'effectuait en ouvrant des portes, des écloisons, aménagées dans les barrages.
Les arbalétriers puis les couleuvriniers s'exercent au tir dans le fossé jusqu'à la démolition complète de l'enceinte à partir de 1538. [...]
Fort épaisse, crénelée, la muraille était flanquée de dix tours rondes et de contreforts, et percée de deux portes à pont-levis, elle de la Pescherie ou de Chenevier et celle de la Lanterne, situées, l’une au bord de la Saône, à l’entrée de la rue de la Pescherie, l’autre en face de la rue de la Lanterne. En dehors de cette grande muraille, se trouvait un large terre-plein ou bas-port, qui servait de lieu d’exercice à la Compagnie des arbalétriers et à celle des arquebusiers, chacune d’elles ayant sa loge construite à demeure, la première du côté de la Saône, la deuxième du côté du Rhône. Au pied de la « douve », c’est-à-dire du mur de ce bas-port, était le canal, alimenté par les fontaines de Neyron, dans lequel coulait, de l’est à l’ouest, l’eau qui permettait de remplir le fossé en cas d’alarme. Enfin, les fossés étaient traversés, d’une tour à l’autre, par des écluses ou « escloisons » : de là le nom donné à la portion de l’ancienne ruelle qui touche au Rhône, et celui de rue des Basses-Ecloisons (rue Constantine}, attribué à la portion voisine de la Saône, où se déversaient les eaux du canal. Les vieux fossés des Terreaux, remis par le roi aux échevins en échange des terrains qu’ils avaient achetés pour élever les fortifications de la colline Saint-Sébastien, furent comblés d’abord, de 1538 à 1540, du côté de la Saône, afin d’y établir la Boucherie de la Lanterne, puis, vers 1556, sur l’emplacement du massif de maisons qui forme la façade occidentale de la place, entre la rue des Basses-Écloisons et celle (rue d’Algérie) qui, au nord, mène à la Boucherie. La place même des Terreaux fut remblayée en 1578. Quant à la partie orientale, située entre la rue des Écloisons et celle « tendant à la porte de l’abreuvoir du Rhône » (rue Puits-Gaillot), elle fut comblée en 1564, par les protestants, après l’édit de pacification ; ceux-ci ne pouvant plus avoir de temple dans l’intérieur de la ville, le maréchal de Vieilleville leur assigna cet endroit pour établir leur prêche.
source : Le Lyon de nos pères - Chapitre 5 / Emmanuel Vingtrinier, Bernoux, Cumin et Masson, 1901
Vous trouverez une représentation de la Perspective de la place des Terreaux en 1658 dans ce livre.
Voici ce qu'indique la Revue du Lyonnais série 3 n°12 dans l'article intitulé Les fossés de la Lanterne :
Entre le château de Miribel et Neyron, où la double galerie entre dans le Rhône, il y a une distance de trois à quatre kilomètres. Dans toute cette étendue, il n'y a aucune trace de souterrain. Il n'est pas supposable que cet ouvrage, dont la solidité est telle qu'il a résisté contre les actions atmosphériques et les assauts répétés du fleuve ait complètement disparu, précisément dans la partie où il était le moins exposé.
Ces galeries ne sont donc pas un chemin militaire qui aboutissait à Miribel, mais un aqueduc qui avait sa prise d'eau à Neyron, son embouchure dans les fossés de la Lanterne. Nous disons qu'il avait pour unique objet la défense de la ville. Envisagé à ce point de vue, le résultat obtenu justifiait amplement la sagesse du plan des ingénieurs, les dépenses de temps et d'argent qu'a dû coûter ce grand ouvrage.
En effet, la chute d'eau de deux mètres, qui avait si peu de valeur comme moteur hydraulique, ou comme moyen de distribuer l'eau à des fontaines jaillissantes, avait une importance capitale pour la défense des remparts, puisqu'elle permettait d'inonder les fossés en tout temps et leur assurait une profondeur d'eau de deux mètres, même pendant les grandes sécheresses.
Cependant, pour remplir les fossés, il fallait retenir l'eau par des barrages écluses ; quelque considérable que fût le volume de celle fournie par le double aqueduc, et nous ne doutons pas qu'on ne l'eût grossi en recueillant sur le parcours les eaux de source, notamment à la colline Saint-Sébastien, où l'on a rencontré plusieurs canaux dans cette direction, il n'aurait pu suffire pour couler à pleins bords dans d'aussi vastes fossés. On avait donc établi de distance en distance des barrages avec écluses pour retenir l'eau, de manière à former une suite de bassins dont le trop plein déversait de l'un dans l'autre, en descendant du Rhône vers la Saône. C'est pourquoi le chemin latéral au rempart s'appelait rue des Ecloisons dans la partie supérieure et rue des Basses-Écloisons, dans la partie correspondante à la rue de la Cage, noms conservés jusqu'au milieu du XVIIIe siècle.
N'hésitez pas à poursuivre vos recherches aux Archives municipales de Lyon.
Bonne journée.