Question d'origine :
Bonjour.
La succession, difficile, de mes parents est en cours de règlement. Difficultés accentuées par le décès d'une de mes sœurs. Les enfants de la défunte deviennent donc les héritiers de leurs grands parents.Hors un de ses enfants vient de décéder. Sa veuve, prétend faire partie de la succession, en a t'elle le droit? Son notaire dit que oui, le notre soutien le contraire.
Merci pour votre réponse.
Cordialement.
Réponse du Guichet
Une lecture du règlement de votre succession pourrait conduire la veuve de votre neveu à hériter, indirectement, de vos parents en vertu de l'article 732 du Code civil qui accorde une place dans l'ordre de succession au conjoint survivant. A condition seulement que les époux aient été mariés et non divorcés au moment du décès. Une autre interprétation, par le biais de l'article 757-3 du Code civil, pourrait sortir les biens hérités par votre neveu de l'héritage de son épouse (et seulement ces bien là) afin de ne pas les voir échapper à la famille d'origine. Comment statuer en revanche si ces biens n'ont pas été transmis concrètement de son vivant à votre neveu ? Nous n'en savons guère....
Bonjour,
Nous vous rappelons que le Guichet du savoir est un service de question/réponse alimenté par les bibliothécaires de la bibliothèque municipale de Lyon. Par conséquent nous n'avons ni les compétences ni la légitimité à trancher dans un conflit de succession. Encore davantage lorsque des professionnels du droit se contredisent dans leurs conclusions...
Mais puisqu'il n'est pas dans nos coutumes de nous dérober, nous allons enfiler notre robe de juriste le temps d'une réponse, pour nous essayer à quelques hypothèses (peut-être bien maladroites...).
Pour commencer, nous pensons tout d'abord devoir mobiliser la notion de représentation successorale, constitutive du droit des successions en France. Dans le manuel L'essentiel du droit des successions de Corinne Renault-Brahinsky (Gualino, 2023), nous apprenons que la représentation successorale est une "fiction juridique", une exception au principe de degré, qui "favorise l'égalité des souches". Voir à ce titre l'article 743 du Code civil qui dispose : "Dans tous les cas où la représentation est admise, le partage s'opère par souche : si une même souche a produit plusieurs branches, la subdivision se fait aussi par souche dans chaque branche, et les membres de la même branche partagent entre eux par tête."
En somme, l'idée est de faire entrer les descendants d'un héritier décédé dans les droits de ce dernier. Car comme l'indique l'article 752 du Code civil, dans le droit successoral français : "La représentation a lieu à l'infini dans la ligne directe descendante." En d'autres termes les enfants de votre sœur décédée prennent bien la place de leur mère dans l'ordre de succession de l'héritage de vos parents. C. Renault-Brahinsky précise même que : "La personne peut venir à la succession quel que soit le nombre de degrés qui la séparent du de cujus à condition qu'il n'y ait pas de coupure dans la parenté."
Pour résumer : votre sœur aurait dû hériter d'une part égale, comme vous même (et vos autres frères et sœurs si il y en a), de l'héritage de vos parents. Malheureusement celle-ci est décédée... Le droit français prévoit alors que "vienne en sa représentation" ses descendants à savoir vos neveux. Vous nous dites à présent que l'un d'entre eux serait également décédé, suscitant convoitise sur l'héritage de la veuve de ce dernier.
Une chose est sûre, si les décès se sont bien succédé les uns aux autres, au moment de son décès votre neveu avait un droit dans la succession de ses grands-parents. Ce droit faisait alors partie de son propre patrimoine.
Maintenant, si l'on se réfère à ce dépliant explicatif du site Service Public, et plus particulièrement à la place occupée par l'époux dans les successions, nous pouvons lire :
Place particulière de l'époux
L'époux survivant hérite dans tous les cas. Toutefois, sa part sur la succession varie en fonction des situations suivantes :
- Présence d'autres héritiers au jour du décès, en particulier si le défunt avait ou non des enfants (communs ou pas)
- Régime matrimonial des époux (communauté réduite aux acquêts ou contrat de mariage).
À noter
l'époux bénéficie également d'un droit particulier sur son logement.
A condition donc que votre neveu et sa femme se soient bien unis par les lois du mariage, l'épouse survivante pourrait hériter indirectement d'une part de l'héritage de vos parents. En effet, en tant que conjointe survivante non divorcée elle devient "conjointe successible", comme le dispose l'article 732 du Code civil : "Est conjoint successible le conjoint survivant non divorcé."
De ce point de vue, cette femme ne peut être qualifiée d’héritière directe de vos grands-parents et n'a aucune place dans l'ordre succession. Elle pourrait en revanche toucher indirectement cet héritage en tant que veuve non divorcée de votre neveu selon la règle du conjoint successible de l'article 732 du Code civil.
Nous vous laissons prendre connaissance de ces précisions du Dictionnaire juridique glanées à l'entrée "Conjoint survivant" :
Le conjoint successible est appelé à la succession, soit seul, soit en concours avec les parents du défunt. Si l'époux prédécédé laisse des enfants ou descendants, le conjoint survivant recueille, à son choix, l'usufruit de la totalité des biens existants ou la propriété du quart des biens lorsque tous les enfants sont issus des deux époux et la propriété du quart en présence d'un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux. A défaut d'enfants ou de descendants, si le défunt laisse ses père et mère, le conjoint survivant recueille la moitié des biens, tandis que l'autre moitié est dévolue pour un quart au père et pour un quart à la mère. Quand le père ou la mère sont décédés, la part qui serait revenue à l'un ou à l'autre, échoit au conjoint survivant. En l'absence d'enfants ou de descendants du défunt et de ses père et mère, le conjoint survivant recueille toute la succession. Sous réserve que la demande soit faite dans les douze mois qui ont suivi le décès, lorsqu'il (ou elle) recueille la totalité ou les trois quarts des biens, les ascendants du défunt, autres que les père et mère, qui sont dans le besoin bénéficient d'une créance d'aliments contre la succession du prédécédé.
Pourtant tout n'est pas réglé et une question demeure : faut-il appliquer l'article 757-3 du Code civil dans cette situation comme mentionné dans le site Notaires.fr ? A savoir une conservation dans la famille d'origine de l'héritage des ascendants en répartissant aux frères et sœurs du défunt et à leurs descendants les biens reçus par succession (si votre neveu n'avait pas d'enfants) :
Par dérogation à l'article 757-2, en cas de prédécès des père et mère, les biens que le défunt avait reçus de ses ascendants par succession ou donation et qui se retrouvent en nature dans la succession sont, en l'absence de descendants, dévolus pour moitié aux frères et sœurs du défunt ou à leurs descendants, eux-mêmes descendants du ou des parents prédécédés à l'origine de la transmission.
Faut-il alors considérer que votre neveu n'était pas encore en possession véritable de l'héritage de ses grands-parents lorsque qu'intervint son décès et donc ne pas appliquer l'article ? Nous ne sommes pas assez compétents pour répondre et nous ne trouvons pas d'explications ou de jurisprudences sur le sujet...
Pour rappel, ces hypothèses n'engagent que nous. Notre interprétation de votre succession familiale n'a aucune valeur juridique, et il convient de continuer de vous entourer de professionnels du droit des successions pour obtenir le meilleur jugement de votre situation.
En vous exprimant nos condoléances les plus sincères.
Bonne journée.
Vichy et la justice