Combien a coûté aux USA l'effort de guerre franco-anglais en 14-18 ?
Question d'origine :
Bonjour Cher Guichet,
Serait-il possible de connaître l'ampleur du financement de l'effort de guerre franco-anglais par les USA en 14-18 ainsi que le sort des «réparations» contenues dans le traité de Versailles vis à vis de la République de Weimar ?
Réponse du Guichet
La Première Guerre Mondiale aurait couté autour de 32 milliards de dollars (valeur contemporaine, soit 17 milliards sur la base des prix de 1913) aux américains.
Le montant des réparations dues par l’Allemagne aux Alliés ont été fixées à 132 milliards de marks-or en 1921 mais seuls 20 milliards ne seront finalement remboursés.
Bonjour,
Si les Etats-Unis sont restés longtemps à l’écart du premier conflit mondial, le réalisme économique a eu raison de leur isolationnisme. Il sont devenus les principaux fournisseurs (notamment en armes) et créanciers de la France et de la Grande-Bretagne. De septembre 1915 à avril 1917, les banquiers américains ont prêté environ 1,8 milliards de dollars aux Français et aux Britanniques. Seuls des partenaires vainqueurs pouvaient rembourser cette dette. L'engagement militaire américain devenait indispensable.
Mais quel a été le coût réel de l'effort de guerre américain ?
La première guerre mondiale aurait couté autour de 32 milliards de dollars (valeur contemporaine) aux américains.
Rockoff estime le coût total de la Première Guerre mondiale pour les États-Unis à environ 32 milliards de dollars, soit 52 % du produit national brut de l'époque. Il détaille le financement de l'effort de guerre américain comme suit : 22 % par les impôts, 58 % par des emprunts publics et 20 % par la création monétaire. La loi sur les recettes de guerre de 1917 imposait les « profits excédentaires » – les profits dépassant un montant déterminé par le taux de rendement du capital sur une période de référence – à un taux variant de 20 à 60 %, et le taux d'imposition sur les revenus supérieurs à 50 000 $ passa de 1,5 % entre 1913 et 1915 à plus de 18 % en 1918. Parallèlement, le secrétaire au Trésor, William Gibbs McAdoo, sillonnait le pays pour promouvoir les bons de guerre, allant jusqu'à solliciter l'aide de stars hollywoodiennes et de scouts. La prédominance des thèmes patriotiques a créé une pression sociale incitant à l'achat des « obligations de la Liberté » (et, après l'armistice, des « obligations de la Victoire »), mais dans les faits, les nouveaux détenteurs d'obligations n'ont pas consenti de sacrifice personnel tangible en achetant des obligations de guerre, car les rendements de ces titres de créance étaient comparables à ceux des obligations municipales classiques de l'époque. Comme le souligne Rockoff, « les motivations patriotiques n'ont pas suffi à modifier les cours des actifs sur le marché pendant la guerre ».
source : L'économie de la Première Guerre mondiale / par le chercheur Hugh Rockoff / Carlos Lozada
Lire aussi :
Costs of Major U.S. Wars and Recent U.S. Overseas Military Operations / Daggett, Stephen & Serafino, Nina M. October 3, 2001 qui avance des chiffres similaires.
Until it's over, over there : The US Economy in World War I par Hugh Rockoff NBER Working Paper n°10580, 2004 / Christian Chavagneux - Alternatives économiques
Vous lirez avec profit le chapitre XVI (pages 449 - 476) du livre intitulé La Première Guerre mondiale. 02 [Livre] : Etats publié sous la direction de Jay Murray Winter et du Comité directeur du Centre international de recherche de l'Historial de la Grande Guerre. Il est consacré aux Finances et est rédigé par Hans-Peter Ullmann. Lui aussi avance les mêmes chiffres et détaille ceux des autres pays. En voici quelques extraits :
Le financement de l'effort de guerre industrielle
[…] La capacité de l’État à lever des impôts, à emprunter des capitaux intérieurs et étrangers, et à rediriger les dépenses d’une production de paix vers une production de guerre, fut le levier financier de cet effort. […]
Il est impossible d’estimer le coût total de cet effort, de même qu’il est difficile d’établir une distinction entre coûts directs, indirects et secondaires du conflit, ou de convertir des valeurs nominales en valeurs concrètes et des monnaies nationales en unités standardisées. Les calculs existants varient, mais permettent tout de même de donner un ordre de grandeur. Entre 1914 et 1919, sur la base des prix contemporains, l’ensemble des belligérants dépensa à peine moins de 209 milliards de dollars pour la guerre, les Alliés en déboursant 147 milliards et les Puissances centrales 62. Les dépenses de l’Allemagne arrivent en tête (47 milliards) suivies par celles de la Grande-Bretagne (44 milliards), des États-Unis (36 milliards), de la France (28 milliards) et de l’Autriche-Hongrie (13 milliards). Donc sur la base des prix de 1913, le coût total de la guerre s’éleva à 83 milliards de dollars: 58 milliards pour les Alliés, 25 pour les Puissances centrales. La Grande-Bretagne (21 milliards) et l’Allemagne (20 milliards) étaient presque au coude à coude, suivies par les États-Unis (17 milliards), la France (9 milliards) et l’Autriche-Hongrie (5 milliards). Autrement dit, en prix de 1913, la guerre engloutit chaque année 37 % du revenu national britannique, 32 % celui de l’Allemagne, 26 % de celui de la France, 24 % de celui de l’Autriche-Hongrie et 16 % de celui des États-Unis.
Si vous lisez s'anglais, nous vous engageons également à consulter l'Encyclopédie internationale sur la Première Guerre Mondiale. En voici un court extrait traduit via Google :
Entre 1914 et 1918, l'Entente contracta un emprunt extérieur total de 16 milliards de dollars. Ce montant était colossal, équivalent à la totalité du stock de capitaux étrangers britanniques avant-guerre. Les États-Unis furent le principal créancier en temps de guerre, avec des prêts s'élevant à 7 milliards de dollars, dont 3,7 milliards à la Grande-Bretagne, 1,9 milliard à la France et 1 milliard à l'Italie. La Grande-Bretagne arrivait en deuxième position avec un total de 6,7 milliards de dollars, principalement à la Russie (2,5 milliards), à l'Italie (1,9 milliard) et à la France (1,6 milliard). La France prêta 2,2 milliards de dollars, dont près de la moitié (955 millions) à la Russie, 535 millions à la Belgique et le reste à des alliés de moindre importance. La Grande-Bretagne et la France étaient donc à la fois d'importants prêteurs et emprunteurs, même si le bilan britannique présentait un équilibre beaucoup plus marqué entre dettes et actifs. Étant le seul gouvernement à n'avoir jamais eu à se financer par l'endettement extérieur, les États-Unis ont constitué le dernier rempart de cette pyramide de crédit mondiale.
source : War Finance By Nicholas Mulder - Encyclopédie internationale sur la Première Guerre Mondiale
La première Guerre mondiale a placé les États-Unis sur la voie de la prospérité. En effet, l'aide financière et économique qu'elle a apporté aux alliés l'a faite passer du statut de débiteur de l’Europe au statut de créancier.
Lire : Atlas des Etats-Unis: les paradoxes de la puissance de Philippe Lemarchand pour en savoir plus.
Concernant les réparations dues par l’Allemagne aux Alliés. Elles ont été fixées à 132 milliards de marks-or en 1921 mais l’Allemagne n’en paiera que 20,6 milliards (soit 5 milliards de dollars). Elles ont été principalement financés par des prêts étrangers.
Voici deux extraits de documents qui pourront vous intéresser :
À la suite des dommages causés pendant toute la durée de la guerre dans le nord de la France et en Belgique, l'Allemagne — considérée comme principale responsable de la guerre — doit payer de fortes réparations aux Alliés. Le montant à payer estimé après plusieurs évaluations est fixé à 132 milliards de marks-or. Au taux de conversion de 1914, c'est-à-dire un mark-or pour 0,358 425 g d'or fin, ces 132 milliards de marks-or correspondent à 47 312,1 tonnes d'or, lesquelles vaudraient, au cours d'avril 2014, environ 1 420 milliards d'euros, 1 960 milliards de dollars américains, 2 160 milliards de dollars canadiens ou 1 730 milliards de francs suisses.
La Commission des réparations et la Banque des règlements internationaux estiment que l'Allemagne a payé au total 20,6 milliards de marks-or de réparations. La France toucha au total un peu plus de 9,5 milliards de marks-or, au lieu des 68 prévus. Les seules dépenses pour la reconstruction des régions dévastées se sont élevées à 23,2 milliards de marks-or.
source : Wikipedia
Le Traité de Versailles, s’il a pour objet de définir les conditions de paix, est aussi la condamnation d’un pays, en l’occurrence l’Allemagne qui en tant que nation, et implicitement peuple, est obligée de reconnaître sa responsabilité dans le déclenchement de la guerre (art. 231).
Les réparations (art. 232) sont un élément-clé du traité et ont déjà été mises en balance lors de l’acceptation par les Alliés de l’armistice demandée par l’Allemagne.
[…]
Ce traité ne fixe pas le montant des réparations mais l’article 233 de la « Partie VIII - Réparations » prévoit la création d’une Commission des réparations (CDR) et fixe au plus tard au 1er mai 1921 la date à laquelle devra être notifié aux Allemands le montant des dommages.
[…]
Une des premières réunions les plus importantes où un accord est obtenu est celle de Spa le 16 juillet 1920. Elle fait suite à de nombreuses discussions sur la façon de répartir le montant des réparations (dont on ne connaît pas encore le montant précis). Cet accord établit la répartition suivante des montants que l’Allemagne devra payer : France (52 %), Empire britannique (22 %), Italie (10 %), Belgique (8 %) et autres pays (8 %).
Après de nombreuses discussions et une Allemagne inquiète et opposée à l’idée de payer un montant trop élevé, la commission des réparations fixe, le 27 avril 1921, le montant total des dommages à 132 milliards de marks-or. Pour donner une idée sur son poids en or, il est intéressant de rappeler qu’un mark-or pèse officiellement 0,358425 gramme, alors 132 milliards, cela équivaut à un poids d’or de l’ordre de 47 315 tonnes, une masse qui va bien au-delà des réserves actuelles des banques centrales au niveau mondial (35 219 tonnes d’après le World Gold Council en 2021). L’Allemagne ne dispose pas d’un tel stock et elle devra payer en ponctionnant, chaque année, une partie de sa valeur ajoutée. Elle peut payer en monnaie ou en nature (biens, machines, charbon, main-d’œuvre, etc.).
Ce chiffre élevé présente en réalité trois niveaux d’obligations. Les deux premiers sont de type A (12 milliards) et B (38 milliards) pour un total de 50 milliards (actualisation d’un versement de 3 milliards par an pendant 36 ans au taux de 5 %). Le troisième niveau, dit de type C, est fixé à un montant de 82 milliards. Le paiement de ces obligations est reporté à une date à déterminer après que l’Allemagne aura été capable de payer les deux premiers niveaux. En pratique, la vraie obligation porte sur les obligations de type A et B. L’obligation de type C a une valeur plutôt politique, voire « théorique ».
[…]
Onze années après la fixation du montant en mai 1921, les Alliés vont renoncer définitivement à faire « payer » l’Allemagne qui s’enfonce dans une terrible crise économique au début des années 1930.
source : Revue de l’OFCE, 171 (2021/1) « L’ALLEMAGNE PAIERA » (1918-1932) Chronologie d’un échec et essai d'analyse cliométrique contrefactuelle de l’impact générationnel des réparations allemandes / Vincent Touzé
Bonne journée
Les Mayas n’ont pas disparu