Pouvez-vous m'apporter des précisions sur les aménagements du droit de vote ?
Question d'origine :
Bonjour,
je me permets de vous écrire car je souhaiterai avoir plus de précisions concernant : Les aménagements du droit de vote, le Droit de votes multiples et actions de préférences et les aménagements qui peut se faire et comment dans le cadre où les parts sociales n'existeraient pas).
Merci beaucoup
Réponse du Guichet
Le droit de vote peut être aménagé par les statuts des sociétés afin de créer des catégories d’actions avec des droits différenciés.
Bonjour,
Nous supposons, au regard de vos précédentes questions et des quelques éléments fournis ici, que vous parlez du droit de vote dans les assemblées de sociétés. Vous ne précisez pas le type de structure visé (SAS, SARL, SA,...).
Or, le droit des sociétés est très technique et peut considérablement varier d’une forme sociale à l’autre. Les dispositions légales se contredisent même parfois. Pourriez-vous nous préciser le type de société dans lequel vous souhaiteriez aménager ce droit de vote ? Cela pourrait peut-être nous aider à vous répondre plus précisément. Nous vous proposons toutefois quelques documents sur le droit de vote dans diverses sociétés, ainsi que des informations sur les actions de préférence.
" Le droit de vote est un droit attribué à chaque action ordinaire et qui confère à son détenteur le droit de voter lors de l’assemblée générale des actionnaires. Pour contrôler une société, il est nécessaire de détenir la majorité des droits de vote, une minorité de blocage (33%) pouvant parfois suffire.
Si les statuts de la société le prévoient, le nombre des droits de vote peut être différent du nombre d’actions grâce à la mise en place d’actions à droits de vote doubles conditionnées à une durée minimale de détention."
source : Glossaire de la finance
En droit français, le principe général est que le droit de vote est proportionnel à la quotité de capital que représente chaque action, et chaque action donne droit à au moins une voix. Cependant, la loi prévoit plusieurs aménagements à ce principe, notamment par le biais du droit de vote double et des actions de préférence. Les actions de préférence sont des titres qui permettent une grande flexibilité dans l'aménagement des droits de vote et autres droits particuliers. Le droit de vote double est une dérogation au principe "une action, une voix", permettant à certaines actions de conférer deux voix. Pour les structures où les parts sociales n'existent pas, les aménagements peuvent être définis librement par les statuts ou les règles internes, dans le respect des dispositions légales spécifiques à chaque type d'entité et de l'ordre public. Ainsi, les statuts sont le principal instrument pour définir les règles de vote, offrant une grande latitude pour adapter les droits de vote aux spécificités de l'organisation et aux objectifs de ses membres.
Voir les articles L 225-122, L 225-123, L 225-124, L 225-125 du Code du Commerce.
Quelques documents en ligne à consulter :
- L’aménagement statutaire du droit de vote dans la société anonyme / Valérie Debrut
- SAS : peut-on aménager les droits de vote des associés dans les statuts ? / Samuel Goldstein
- Les modalités d’exercice du droit de vote des associés de SCI / Thibaut Clermont - Le coin des Entrepreneurs
- Les aménagements pouvant être apportés par les statuts / Les Echos entrepreneurs
- Droit de vote de l’associé : des atteintes mesurées / Adeline Cerati-Gauthier
- Droit de vote et dividendes - Droits de vote double / Finance pour tous
Voici un court extrait du Fasc. 1803 : Actions de préférence du JurisClasseur Sociétés Traité, rédigé par Bastien Brignon, Georges-Albert Lucciard, Thierry Granier, Actualisé par Adeline Thobie :
Droits particuliers non financiers
Pluralité des aménagements envisageables
L' article L. 228-11 du Code de commerce met l'accent sur la question du droit de vote en indiquant qu'il peut être créé des actions de préférence " avec ou sans droit de vote ". Cette disposition ajoute que le droit de vote peut être aménagé pour un délai déterminé ou déterminable et qu'il peut être suspendu pour une durée déterminée ou déterminable.La liberté n'est pourtant pas totale, qu'il s'agisse de limiter, voire priver, une action de préférence du droit de vote , ou qu'il s'agisse de renforcer ce droit .
Par ailleurs, le droit de vote n'est pas le seul droit non financier à pouvoir être aménagé. Il en va ainsi du droit à l'information, du droit de représentation mais encore des droits et obligations relatifs à la transmission des actions.
De la limitation à la suppression du droit de vote
Plusieurs aménagements du droit de vote peuvent être envisagés, allant de sa limitation à sa suppression.Il est en effet envisageable de limiter l'exercice du droit de vote aux titulaires d'actions de préférence à certaines assemblées. De même, rien n'empêche d'exiger de cette catégorie d'actionnaires qu'ils détiennent leurs titres pendant un certain temps avant de leur accorder le droit de vote . Il est également possible de prévoir un droit de vote temporaire ou d'aménager sa suspension en fonction de certains évènements (V. JCl. Sociétés Traité, fasc. 1803-20, Actions de préférence convertibles, par A. Thobie).
De plus, le droit de vote peut être supprimé, comme l'indique expressément l'article L. 228-11, alinéa 2, in fine, du Code de commerce (Th. Massart, Les actions de préférence et la question du droit de vote , préc. n° 20. - M. Germain, Les actions de préférence, préc. n° 20. - J.-J. Daigre, L'aménagement du droit de vote , préc. n° 20. - J. Mestre, La réforme des valeurs mobilières, préc. n° 15, p. 14). Ce même texte ( C. com., art. L. 228-11, al. 3 ) édicte cependant une limitation pour l'émission de ce type d'action : elles ne peuvent représenter plus de la moitié du capital social dans les sociétés dont les titres ne sont pas admis sur un marché réglementé et plus du quart pour les autres. Toute émission qui ne respecte pas cette règle peut être annulée. La Cour de cassation est venue préciser récemment que seules les actions privées de tout droit de vote sont prises en compte pour le calcul des plafonds précités. Dès lors, sont exclues les actions dotées d'un droit de vote minime ou dérisoire ( Cass. com., 13 mars 2024, n° 22-12.205, F-B : JurisData n° 2024-002990 ; Dr. sociétés 2024, comm. 77 , note J.-Fr. Hamelin). Ainsi, les actions dont le droit de vote est seulement suspendu en raison d'une disposition législative prévenant les conflits d'intérêts (par exemple, en cas de convention réglementée) ou d'une auto-détention ne doivent donc pas être considérées comme des actions sans droit de vote au sens de l' article L. 228-11 du Code de commerce . Tel est également le cas des actions dont le droit de vote aurait seulement été aménagé ou suspendu conformément à l'article L. 228-11, alinéa 2, du même code. Une telle solution pourrait ouvrir la voie à un contournement facilité de la limite posée par l'article L. 228-11, alinéa 3, et s'avère par conséquent source d'insécurité juridique (J.-Fr. Hamelin, Dr. sociétés, 2024, comm. 77 , note ss Cass. com., 13 mars 2024, n° 22-12.205 . - En ce sens également Th. Bonneau et a., Droit financier : LGDJ, 2e éd., 2019, n° 751, p. 462).
On notera enfin que, si le droit de vote peut être supprimé, celui de participer, ne pourra, en revanche, pas l'être (D. Martin, H. Le Nabasque, R. Mortier, C. Fallet et A. Pietrancosta, Les actions de préférence : Actes prat. ing. sociétaire 2012, n° 36, dossier 6 ). La jurisprudence de la Cour de cassation est suffisamment affirmée sur ce point pour que l'on considère le droit de participer comme un droit irréductible, à la différence du droit de vote qui, quant à lui, est réductible jusqu'à sa suppression ( Cass. com., 9 févr. 1999, n° 96-17.661, Sté en commandite par actions du Château d'Yquem c/ de Chizelle : JurisData n° 1999-000568 ; Dr. sociétés 1994, comm. 67 , Th. Bonneau. - Cass. com., 31 mars 2004, n° 03-16.694, Hénaux c/ Filliette-Hénaux : JurisData n° 2004-023106 ; Dr. sociétés 2004, comm. 107 , H. Hovasse ; Bull. civ. IV, n° 70 . - Cass. com., 22 févr. 2005, n° 03-17.421, Gérard c/ Cts Gérard : JurisData n° 2005-027218 ; JCP N 2005, 1428, p. 1720 . - V. Mercier, La suppression du droit de vote du nu-propriétaire ou l'apparente dénaturation de l'institution d'usufruit : Journ. sociétés, oct. 2005, n° 25, p. 50 . - Cass. 2e civ., 13 juill. 2005, n° 02-15. 904, Roquelaure c/ Rebsomen : JurisData n° 2005-029464 ; Bull. civ. II, n° 194 . - Cass. 3e civ., 29 nov. 2006, n° 05-17.009, Lenaerts Candelot c/ Wautier : Dr. sociétés 2007, comm. 25 , Fr.-X. Lucas : JurisData n° 2006-036159 ; JCP G 2007, 2033 . - Cass. com., 23 oct. 2007, n° 06-16.537 , d'Hem c/ Lacquay : Dr. sociétés 2008, comm. M.-L. Coquelet : JurisData n° 2007-041010 ; D. 2007, p. 2726, obs. A. Lienhard. - CA Caen, 1re ch. civ., 19 févr. 2008, Rapeaud c/ Sté Plastholding : Dr. sociétés 2008, comm. 198 , note M.-L. Coquelet : JurisData n° 2008-362204 ; JCP E 2009, 1025 , note Y. Paclot. - Cass. com., 2 déc. 2008, n° 08-13.185, Sté Plastholding c/ Rapeaudc : Dr. sociétés 2009, comm. 46 , note M.-L. Coquelet : JurisData n° 2008-046126 ; JCP E 2009, 1450 , note A. Rabreau. - Cass. com., 10 févr. 2009, n° 07-21.806, Cadiou : JurisData n° 2009-046999 ; Dr. sociétés 2009, comm. 71 , R. Mortier ; JCP E 2009, 1287 , note H. Hovasse ; D. 2009, p. 560, obs. A. Lienhard ; D. 2009, p. 1512, note V. Barabé-Bouchard. - Cass. com., 3 mars 2009, n° 07-20.515, Gruaz c/ SA Ukoba : JurisData n° 2009-047307 ; Dr. sociétés 2009, comm. 94 , H. Hovasse).
Quant au droit préférentiel de souscription dont bénéficient les titulaires d'actions de préférence, il est par principe impossible de le supprimer statutairement. L' article L. 225-135 du Code de commerce n'autorise, en effet, la suppression de ce droit que pour une ou plusieurs augmentations de capital déterminées. Cependant, la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 a introduit dans l' article L. 228-11 du Code de commerce un nouvel alinéa 5, complété par l' ordonnance n° 2008-1145 du 6 novembre 2008 , selon lequel : " Par dérogation aux articles L. 225-132 et L. 228-91, les actions de préférence sans droit de vote à l'émission auxquelles est attaché un droit limité de participation aux dividendes, aux réserves ou au partage du patrimoine en cas de liquidation sont privées de droit préférentiel de souscription pour toute augmentation de capital en numéraire, sous réserve de stipulations contraires des statuts ". L' ordonnance du 6 novembre 2008 a ainsi ajouté, après l'expression " sans droit de vote ", les mots " à l'émission ", afin d'expressément indiquer que les actions de préférence émises à l'origine sans droit de vote ne disposent pas de droit préférentiel de souscription (DPS), même si elles récupèrent un droit de vote après leur émission. Autrement dit, les actions de préférence sans droit de vote à l'émission desquelles se trouvait attaché un droit financier limité ne récupéreront jamais de droit préférentiel de souscription (DPS). La loi Pacte du 22 mai 2019 a élargi cette exception. Sont désormais visées, sans référence à l'absence de droit de vote , " les actions de préférence auxquelles est attaché un droit limité de participation aux dividendes, aux réserves ou au partage du patrimoine en cas de liquidation ". Cependant, les auteurs du Lamy Sociétés commerciales, s'appuyant en cela sur Hervé Le Nabasque ( RD bancaire et fin. 2008, n° 6, p. 55 ), estiment, d'une part, que la clause statutaire contraire visée à l'article L. 228-11, alinéa 5, in fine, du Code de commerce, peut restaurer le droit préférentiel de souscription de toutes les actions de préférence sans droit de vote et comportant des droits limités de " participation financière " ; ou uniquement celui qui serait attaché à certaines actions de préférence (à déterminer), auquel cas il s'agirait d'un nouveau droit particulier attaché à cette catégorie d'actions, entraînant l'obligation de respecter la procédure de vérification des avantages particuliers si le titulaire est dénommé ; d'autre part, qu'il suffit qu'une action de préférence comporte des droits limités par rapport à une action ordinaire sur l'un quelconque des trois postes visés par la loi pour perdre automatiquement son droit préférentiel de souscription, sauf clause contraire des statuts, d'où la conséquence qu'une action de préférence sans droit de vote qui confèrerait des droits " limités " aux dividendes par exemple mais majorés sur le boni de liquidation et/ou les réserves (ou toute formule équivalente de " panachage ") entre dans le champ d'application dudit texte (J. Mestre, D. Velardocchio et A.-S. Mestre-Chami, préc. n° 4732. - V. également A. Couret, H. Le Nabasque, M.-L. Coquelet, Th. Granier, D. Poracchia, A. Raynouard, A. Reygrobellet et D. Robine, Droit financier : Dalloz, coll. Précis, 3e éd., 2019, n° 475. - H. Le Nabasque, Réforme des actions de préférence : RD bancaire et fin. 2008, comm. 186, p. 55 , n° 6. - H. Le Nabasque, La réforme des actions de préférence : JCP E 2008, 2445 ). La Chancellerie a également donné son avis sur la question. Selon la direction des affaires civiles et du Sceau, l' article L. 228-11, alinéa 5, du Code de commerce visant expressément la privation de DPS pour les actions nées sans droit de vote , il en résulte, sauf stipulations contraires des statuts, les conséquences suivantes : d'une part, les actions de préférence émises sans droit de vote sont dépourvues de DPS, même si elles recouvrent un droit de vote au cours de leur existence ; d'autre part, les actions de préférence émises avec un droit de vote conservent un DPS, même si elles sont privées du droit de vote au cours de leur existence, sauf application de l'article L. 225-135 qui permet la suppression du DPS pour des augmentations de capital déterminées (Lettre du ministère de la justice du 7 mai 2012 au président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes : Bull. CNCC, p. 304 , n° 166 ; Rev. sociétés 2012, p. 606 ). Pour d'aucuns, l'affirmation selon laquelle les actions de préférence émises sans droit de vote sont dépourvues de DPS même si elles recouvrent le droit de vote au cours de leur existence est conforme à la lettre du texte, la stipulation contraire des statuts permettant en outre de rétablir ce DPS. En revanche, l'affirmation que les statuts peuvent prévoir de supprimer le DPS pour les actions de préférence émises avec droit de vote et qui en seraient privées au cours de leur existence paraît contraire à la lettre de l'article L. 228-11, alinéa 5. Celui-ci prive de DPS seulement les actions émises sans droit de vote , par dérogation au principe de l'existence du DPS posé par l' article L. 225-132 du Code de commerce . Comme toute dérogation, celle-ci doit être interprétée de manière restrictive. En l'absence de disposition spécifique, les actions de préférence émises avec droit de vote sont soumises aux dispositions générales sur les augmentations de capital ; or, l' article L. 225-135 du Code de commerce n'autorise la suppression du DPS que pour une ou plusieurs augmentations de capital déterminées (BRDA 17/2012, inf. 4). Au-delà, le DPS est un droit important, de sorte que l'ordre du jour d'une assemblée appelée à approuver une augmentation de capital réservée à certaines personnes ou catégories de personnes (des salariés par exemple) doit indiquer la suppression du droit préférentiel de souscription. À défaut, la résolution d'assemblée sera nulle ( Cass. com., 25 sept. 2012, n° 11-17.256 , F-PB), Sté Lioser c/ Sté ITM région parisienne : Dr. sociétés 2013, comm. 5 , M. Roussille. - Sur la franchise participative V., Br. Dondero, L'instrumentalisation du droit des sociétés : la franchise participative : JCP E 2012, 1671 . - Cass. com., 30 mai 2012, n° 11-18.024, Sté Lioser c/ Sté ITM région parisienne : JurisData n° 2012-011526 ; JCP E 2012, 1641 , " Coup dur pour la franchise participative ! ", note B. Dondéro ; J.-Fr. Hamelin, L'usage de la technique sociétaire : l'exemple de la franchise participative : CDE 2022, dossier 16, n° 3).
Les aménagements du droit de vote dans les sociétés cotées sont ensuite développés. Nous vous invitons à consulter ce fascicule dans son intégralité. Peut-être pourrez-vous le trouver dans la bibliothèque de votre établissement scolaire ou dans une bibliothèque universitaire proche de chez vous ?
" Les actions de préférence sont des actions ordinaires pouvant ouvrir certains avantages tels que le droit à un dividende majoré ou un droit de contrôle spécifique sur la gestion de l’entreprise, etc. Elles regroupent les actions de priorité, les actions à dividende prioritaire sans droit de vote et les certificats d’investissement." (source : La finance pour tous)
Quelques documents pour en savoir plus sur les actions de préférence :
- Les actions de préférence : mode d’emploi / Pierre Facon - Le coin des entrepreneurs
- Les actions de préférence / Banque de France
- L’action de préférence / Samuel Goldstein
N'hésitez pas à consulter les manuels de Droit des sociétés et à consulter des bases juridiques que vous pourrez trouver dans votre bibliothèque universitaire si vous êtes étudiant.e
Bonne journée.
L’affaire Nevenka