Au XVIIIe siècle, les gens buvaient ils leur chocolat dans les sous-tasses ?
Question d'origine :
Bonjour ,
C'est une information qu'on m'a donnée à l'oral il y a longtemps, aussi veuillez m'excuser si c'est très flou. Je voudrais savoir si c'est vrai mais je n'arrive pas à trouver de ressources. Merci pour votre aide.
J'avais entendu qu'à une époque (18e siècle ?) les gens buvaient leur chocolat dans les sous-tasses et non dans les tasses, c'est pour cela que les soucoupes étaient très creuses. Est-ce une légende ou bien une réalité ? A quelle époque et dans quelle partie de la société ? Était-ce vraiment répandu ?
Je vous remercie pour votre réponse .
Bonne journée,
Réponse du Guichet
La soucoupe, ou sous-tasse, est un ustensile apparu au 18e siècle en Europe avec l'arrivée du café, du thé et du chocolat, influencée par des objets venus notamment de Chine et d'Espagne. Elle pouvait aussi bien servir à stabiliser une tasse qu'à la prendre sans se bruler, à déposer une petite cuillère, mais aussi à faire refroidir un liquide en le versant dans ce contenant plus large et moins profond. Boire à la soucoupe est devenu une pratique répandue aux 18e et 19e siècle en France, en Angleterre ou en Suède pour des raisons autant pratiques qu'esthétiques, et surtout répandue dans les classes les plus aisées de la société.
Bonjour,
Oui, vous avez raison, la soucoupe ou la "sous-tasse" est un accessoire de table qui a fait son apparition en Europe au 18e siècle. Ce petit ustensile s'est invité sur les tables européennes à mesure que les empires importèrent de nouveaux produits exotiques issus de leurs comptoirs et colonies. L'arrivée du café, du thé et du chocolat ou du sucre ont bousculé les habitudes alimentaires des sociétés françaises, espagnoles ou britanniques et ont conduit à inventer (ou plutôt ajouter) de nouveaux objets venus garnir les services en faïence ou en poterie.
Christian Grataloup, ancien professeur d'histoire géographie à l'université Paris Diderot, s'est intéressé à l'histoire de cet objet dans un petit livre intitulé Cabinet de curiosités de l'histoire du monde (Armand Colin, 2020). Il situe son apparition dans la Chine de la dynastie Qing au début du 18ème siècle par l'association d'une tasse à thé avec un Bi, un mystérieux disque de jade percé d'un trou central (dont la fonction reste mystérieuse), qui eurent le mérite de s'emboîter parfaitement (p. 43).
Mais ce serait véritablement le marquis de Mancera, vice-roi de Nouvelle-Espagne de 1639 à 1648, qui serait l'inventeur de la soucoupe, celle dotée d'un creux central pouvant accueillir le pied d'une tasse ! Peu satisfait des récipients utilisés en Espagne (de gros gobelets en grès ou en faïence), sa mancerina s'est imposée comme l'accessoire idoine, permettant d'éviter les pertes tout en assurant la stabilité du récipient, car il faut remuer le chocolat avec pour former l'émulsion de ce précieux breuvage.
Le développement principal de l'histoire de la sous-tasse peut aussi se lire en ligne dans son article Boire quotidiennement la tasse (revue La Géographie, 2020, lisible sur Cairn).
Au 18ème siècle en France, une version encore plus "aboutie" du produit a vu le jour, la trembleuse, une soucoupe avec une dépression plus importante encore qui permit aux personnes atteintes de tremblements de boire sans risques leurs boissons. Le Musée d'art et d'histoire du Havre nous apprend qu'elle fut spécifiquement créée pour boire du lait fraichement trait dans la ferme de Marie Antoinette : Tasse trembleuse.
L'article de Sciences et Vie, Découvrez pourquoi la soucoupe accompagne toujours votre café chaud !, s'appuie sur une publication d'un article du média espagnol Xataka, qui reprend de nombreux éléments rencontrés dans nos lectures. Il explique les raisons de la mode de la dégustation du chocolat ou du café directement depuis la soucoupe :
Se estima que, a mediados de siglo se puso de moda en Inglaterra y Suecia beber el té en un platillo. Hay varias obras pictóricas de la época en la que se pueden ver a personas sosteniendo la taza con una mano mientras, en la otra, tienen el platillo con el líquido, llevándose este a la boca. Parece hasta algo antinatural, ya que, teniendo la taza, ¿por qué no beben directamente de la misma?
La respuesta tiene que ver con algo práctico: en la taza, el té estaba más concentrado, mientras que en el platillo la superficie de contacto era mayor. Esto permitía que el líquido tuviera más contacto con la porcelana, que actuaba como 'disipador' de calor, enfriando la bebida para que esos primeros sorbos no abrasaran la lengua. Eso se aplicaba al novedoso té, pero también al café y los platillos empezaron a convertirse en un accesorio perfecto para los juegos de té/café entre las clases pudientes.
On estime que boire du thé dans une soucoupe est devenu à la mode en Angleterre et en Suède vers le milieu du XIXe siècle. Plusieurs tableaux de cette époque représentent des personnes tenant une tasse de thé d'une main et, de l'autre, la soucoupe contenant le thé, qu'elles portent à leurs lèvres. Cela paraît presque contre nature, car, ayant la tasse, pourquoi ne pas boire directement dedans ?La réponse réside dans un facteur pratique : la tasse, le thé était plus concentré, tandis que sur la soucoupe, la surface de contact était plus importante. Cela permettait au liquide d’être davantage en contact avec la porcelaine, qui agissait comme un dissipateur thermique, refroidissant la boisson et évitant ainsi que les premières gorgées ne brûlent la langue. Ce principe s’appliquait au thé, alors une nouveauté, mais aussi au café, et les soucoupes devinrent rapidement un accessoire indispensable des services à thé et à café chez les plus aisés.
traduit avec Google.
Source : El motivo de peso por el que la taza de café se sirve con un plato debajo - Xanaka.
Nous pouvons aussi confirmer l'hypothèse qu'il s'agissait de faire refroidir un liquide en parcourant l'ouvrage Plaisir de la table : l'art de recevoir d'hier à aujourd'hui de Karly Denéchaud (Lattès, 2000) où il est expliqué :
Le mot "tasse" apparut dans la langue française vers 1150 mais l'objet resta rare, désignant sans distinction un gobelet ou un petit vase à boire, avec ou sans anse. C'est au début du 18ème siècle que naquit la tasse telle que nous la connaissons, souvent posée sur une soucoupe assortie. La soucoupe avait un usage précis : on y versait la boisson pour la faire refroidir avant de la boire avec une tasse plutôt cylindrique et assez haute pour le café, plus évasée ou arrondie pour le thé, vaste et pansue pour le chocolat. La "trembleuse", caractérisée par une soucoupe très creuse dans la quelle venait se loger le culot de la tasse était, très stable.
Source : Plaisir de la table : l'art de recevoir d'hier à aujourd'hui de Karly Denéchaud (Lattès, 2000) (p. 233-234)
Il faut s'imaginer des soucoupes beaucoup plus creuses que les sous-tasses que nous utilisons communément aujourd'hui dans les cafés, souvent plates et peu profondes. Le graveur, dessinateur et peintre français Louis-Marin Bonnet a bien immortalisée cette pratique surtout aristocratique avec son estampe "The woman taking cofee" (1774) :

"The woman taking cofee" - Bonnet, Louis-Marin (1743-1793). Graveur (1774) (Gallica)
Sur Facebook, une galerie de peintures représentant des femmes et des hommes buvant leur café à la soucoupe offre un autre aperçu de cette coutume, avec en prime une autre explication plausible de l'auteur du post : "Le café était préparé "à la turc". C'est-à-dire que l'on faisait bouillir de l'eau avec du café moulu. Pour refroidir le breuvage et éviter d'avaler le marc, on versait le café dans la soucoupe dont les rebords étaient très haut.".
Et pourquoi pas ?
Bonne journée.
Je pense que j’en aurai pas