Question d'origine :
Bonjour,
Auriez-vous s'il vous plaît quelque information concernant les premiers pas de l'empereur Claude à Lugdunum et son lieu de naissance exact ? Villa Juliana ?
Réponse du Guichet
L'empereur Claude serait né dans une sorte de palais sur la colline de Fourvière, probablement dans le praetorium ou palais du gouverneur construit sur le plateau de la Sarra.
Ses premiers pas furent difficiles car il était sans doute atteint de la maladie de Little, forme de paralysie cérébrale infantile touchant ses membres inférieurs, son élocution, lui provoquant des tics nerveux et des spasmes. Ses proches répugnaient donc à le savoir près d'eux sauf, peut-être son grand oncle Auguste qui, selon Suétone, se souciait qu'il ne soit pas trop moqué. Il fut battu par son précepteur. Malgré ses handicaps, Claude était intelligent et rêvait de participer à la vie publique.
Bonjour,
Claude vit le jour le 1er août de l'an 10 avant J.-C. et serait né dans une sorte de palais sur la colline de Fourvière selon Isabelle Cogitore (professeure de langue et littérature latines à l’université de Grenoble Alpes) dans l'épisode Claude de Lyon, empereur romain du 30 janvier 2019 de La Marche de l'histoire sur France inter :
Probablement sur la colline de Fourvière, parce qu'on sait qu'il y a là, c'est l'archéologie qui nous l'a montré récemment, une très grande demeure qui pouvait être celle du gouverneur et il est logique de penser que c'était ce qui abritait la maison impériale en déplacement.
En effet, à cette date, la capitale des Gaules servait alors de base arrière à son père Drusus l'Ancien, lancé à la conquête de la Germanie, et sa mère Antonia la Jeune y séjournait d'après les auteur·ices du livre Rome, cité universelle : de César à Caracalla : 70 av. J.-C.-212 apr. J.-C, 2018. La ville est alors en plein développement ; entourée d’une enceinte honorifique elle se dote de grands monuments (théâtre) tandis que l’habitat se structure selon un plan rigoureux (Lyon, musée des Baux Arts : Claude (Lyon, 10 av. J.-C. - Rome, 54 ap. J.-C.) un empereur au destin singulier, exposition du 1/12/18 au 4/3/19).
Dans La véritable histoire des douze Césars, 2019, Virginie Girod précise qu'il serait probablement né dans le praetorium situé au sommet de la colline de Fourvière dont le plateau accueille en 43 av. J.-C. la colonie romaine fondée par Lucius Munatius Plancus (Lyon pendant l'Antiquité, Lugdunum, Wikipédia).
Le premier visage de la cité
Les fouilles menées depuis les années 1970, notamment sur les différents sites du plateau de la Sarra, ont permis de retrouver les niveaux originels de la colonie. Il s'agissait d'un établissement modeste, aux maisons de terre et de bois ; certaines demeures disposent toutefois d'éléments décoratifs comme des enduits peints du deuxième style pompéien. Elle est parcourue de rues régulières, comportant des trottoirs larges réservés aux piétons et une chaussée centrale en cailloutis damé. La chaussée est bombée pour laisser écouler les eaux de ruissellement vers des fossés progressivement remplacés par des égouts, dès l'époque augustéenne. Les trottoirs sont surmontés de portiques en bois plantés ou fichés sur une maçonnerie. Les trottoirs ont systématiquement une déclinaison plus légère que la chaussée, ce qui entraine régulièrement des différences de niveau importantes.
Les îlots initiaux sont des carrés de 120 pieds romains par 120, soit environ trente-six mètres de côté, quelquefois rassemblés en un rectangle de 120 par 240 pieds. L'ensemble forme un réseau hippodamique qui s'adapte aux irrégularités du terrain. Ces dimensions sont à rapprocher de celles des colonies contemporaines de Nyon (Noviodunum en Suisse) et Augusta Raurica, toutes les trois destinées à l'accueil des légions de vétérans. Desbat estime sa superficie initiale à une quinzaine d'hectares en 2005, estimation évaluée par la suite entre vingt et vingt-cinq hectares.
Source : Lyon pendant l'Antiquité, Lugdunum, Wikipédia
Voici sur le plan de Lyon actuel où se situe grossièrement le plateau de la Sarra :

Une reconstitution hypothétique du Palais du gouverneur a été réalisée pour l'exposition au musée des Beaux-Arts de Lyon, Claude, un empereur au destin singulier, de décembre 2018 à mars 2019 :

Maquette du Palais du Gouverneur 01.jpg © CC BY-SA 4.0
Les premiers pas de celui qui allait devenir l'empereur Claude furent compliqués.
... Claude n'assuma aucune fonction publique ni avant 37, ni après. Il fut montré le moins possible, comme si sa famille en avait honte. Il boitait, sont corps était disgracieux et ses mouvements corporels mal contrôlés. Il était gêné par un défaut d'élocution. Le tout était probablement dû à une paralysie cérébrale de naissance.
Source : Rome, cité universelle : de César à Caracalla : 70 av. J.-C.-212 apr. J.-C / Patrice Faure, Nicolas Tran, Catherine Virlouvet, 2018
Ceci est corroboré par Virginie Girod dans La véritable histoire des douze Césars , 2019 :
L'accouchement est difficile. Prématuré peut-être. Après de longues heures de travail, l'enfant naît enfin. C'est un garçon ! Heureuse nouvelle. Le bébé pleure pendant que les sages-femmes décapent le vernix au gros sel. Il est vivant et cette idée soulage Antonia. Mais bien vite, celui qu'on appelle Tiberius Claudius Drusus déçoit sa mère. Cette fois, la joliesse du visage n'est pas en cause, car on ne peut pas reprocher au petit garçon d'être laid. Il a bien d'autres tares, de celles qui obscurcissent le jugement d'une mère trop orgueilleuse des fruits de son utérus. Dès la petite enfance, en effet, les jambes de Claude se révèlent faibles, au point que souvent elles se dérobent. Il se déplace en claudiquant quand ses jarrets daignent le porter. Ses mots se forment avec peine dans sa bouche et, lorsqu'ils en sortent, le son de sa voix blesse les oreilles. Le petit garçon bégaie et bave. Il a souvent de l'écume aux coins des lèvres, détail scabreux dont l'impitoyable Juvénal fera bien plus tard ses délices de satiriste. À cette apparence déjà ridicule s'ajoutent des tics nerveux. Sa tête, propulsée par des spasmes irrépressibles sur le côté, semble mener une vie propre. Le stress accroît ces symptômes. Face à sa famille, il paraît plus débile que jamais. De surcroît, sa santé fragile achève de le rendre haïssable. La fièvre le ronge régulièrement ; les douleurs intestinales le torturent. Les historiens considèrent aujourd'hui que Claude souffrait d'une pathologie neurologique ‒ la maladie de Little est celle qui correspondrait le mieux à son tableau clinique. Des lésions cérébrales dues à un accouchement difficile sont probablement à l'origine des ces problèmes moteurs. Les troubles occasionnés par cette encéphalopathie apparaissent dans les premiers mois de sa vie. Si les sujets atteints ont l'aspect et le maintien de personnes que l'on qualifierait volontiers de malades mentaux, leur intelligence n'est que rarement affectée. Or Claude est doué d'une intelligence normale, voire supérieure, mais son apparence suscite les a priori dans une société où les anomalies physiques sont la preuve de la vindicte des dieux. Il a beau exceller dans les études, pour l'exigeante Antonia il est "une caricature d'homme, un avorton à peine ébauché par la nature".
Claude grandit en portant sur ses frêles épaules le poids de la honte de sa mère. Elle, la matrone parfaite, a fait un enfant imparfait, une créature qui égratigne douloureusement sa fierté. Faut-il que quelque chose en elle soit corrompu pour qu'elle accouche d'un fruit pourri ? Elles se hait peut-être de l'avoir engendré, alors elle l'insulte à l'envi sans reconnaître ses qualités. Elle critique sa stupidité apparente et ne craint pas de dire qu'une personne "est plus bête que son fils Claude" quand elle agit sottement. Devenue veuve un an après la naissance de son benjamin, Antonia n'a pas le courage de solliciter un tuteur parmi ses proches pour son poupon défectueux. Elle le place sous tutelle d'un précepteur, un ancien inspecteur des haras. L'homme est violent. Il rudoie son pupille et le bat souvent pour le châtier d'être différent. Ainsi grandit le petit Claude. Dans la faiblesse de son corps et le dégoût que sa vue procure aux autres. Livie, sa grand-mère, le déteste ; Auguste le méprise. Les autres membres de la "Domus Augusta" l'ignorent superbement.
La bibliothèque est le seul refuge du petit boiteux. Là, il se soustrait aux regards des autres. Il sait que sa famille n'aime pas qu'on le voie. La célébration de sa prise de la toge virile a même lieu en pleine nuit pour que personne ne rie de ses expressions d'attardé mental. Un cas inédit. Malgré ces mauvais traitements, l'adolescent de quinze ans, désormais citoyen, rêve de participer à la vie publique.
pp. 173-176
Qu'Auguste, grand oncle de Claude, ait été méprisant avec lui n'est pas confirmé par Pierre Renucci dans Claude, l'empereur inattendu, 2012. Au contraire, il se serait intéressé à lui, se serait interrogé sur sa maladie dont il n'est pas sûr qu'elle lui interdise tout avenir public écrit Renucci. L'auteur précise que grâce à Suétone, qui sera un siècle plus tard le secrétaire chargé de la correspondance d'Hadrien et aura ès qualités accès aux archives impériales, nous savons qu'Auguste se montrait protecteur envers Claude. Suétone retrouva des lettres écrites à Livie au sujet de son petit neveu et dans lesquelles il exprime que si l'enfant a bien des capacités physiques ou mentales diminuées, il ne doit pas être moqué.
Vous pouvez retrouver les textes de Suétone en ligne :
SUETONE - Vie de Claude, Bibliotheca Classica Selecta
SUÉTONE : VIES DES DOUZE CÉSARS ~ VIE DE CLAUDE ~, Universités de Grenoble Alpes
COURTE BIBLIOGRAPHIE
En ligne
Baroin Catherine. Claude ou l’absence de contrôle de soi.. In: Dialogues d'histoire ancienne, vol. 48, n°1, 2022. pp. 41-70
En livre
Claude : le premier empereur romain ? / Jérôme Kennedy, 2025. En commande à la BML.
Privé de carrière publique pendant les deux premières décennies de sa vie à cause de son infirmité, Claude devient malgré tout le quatrième empereur de Rome en 41. L'auteur s'intéresse aux trois aspects de sa personne : l'homme, l'empereur et le personnage historique. Au regard de ses actions politiques, il met en lumière son rôle dans le renforcement des liens entre Rome et l'empire.
Claude : Lyon, 10 avant J.-C.-Rome, 54 après J.-C : un empereur au destin singulier : [exposition, Lyon, musée des Beaux-Art, 1er septembre 2018-4 mars 2019] / [catalogue] sous la direction de François Chausson et Geneviève Galliano ; avec des photographies de Ferrante Ferranti, 2018
Cette exposition consacrée à l'empereur romain Tiberius Claudius Drusus s'attache à présenter des faits nouveaux, au-delà des représentations l'associant aux destins de ses épouses Messaline et Agrippine et de son fils Britannicus. Ses réformes administratives sont rappelées, notamment l'accession des Gaulois au sénat romain, ainsi que ses conquêtes et sa politique de grands travaux. © Electre 2019
Vous pourriez aussi lire le dossier pédagogique en ligne consacré à cette exposition.
Claude, l'empereur inattendu / Pierre Renucci, 2012
Eclipsé par ses prédécesseurs et successeurs, maltraité par les historiens anciens, Claude est sans doute le moins connu des cinq empereurs julio-claudiens. Ainsi, après un Tibère sadique et vicieux, un Caligula fou et monstrueux, et avant un Néron qui sera tout cela à la fois, les sources nous présentent Claude le crétin. Or, le successeur négligé de Caligula se révéla un grand homme d'Etat et un politique talentueux, qui n'hésita pas à s'aliéner la classe politique traditionnelle en confiant de hauts postes administratifs à d'anciens esclaves, en intégrant des provinciaux et des fils d'affranchis au Sénat, en promouvant une législation favorable aux femmes et aux esclaves. A sa mort en 54, il laisse un empire, agrandi de la Bretagne, pacifié et opulent, doté d'une administration plus efficace et d'une justice performante. Son drame aura été d'avoir épousé deux femmes à l'ambition dévorante et qui ne cessèrent de se mêler des affaires de l'Etat : Messaline et, surtout, Agrippine, dont il y a tout lieu de penser qu'elle l'assassina.
Claude / Barbara Levick ; trad. de l'anglais par Isabelle Cogitore, 2002
Réévalue complètement le règne de Claude, et remet en cause les buts et les activités de l'empereur, quant au développement constitutionnel, politique et économique de Rome. Enquête aussi sur les limites du pouvoir impérial et les intrigues politiques et domestiques qui ont pu l'entraver.
Bonne journée
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