Quel est le nombre de féminicides à l'échelle de l'Europe voire du monde ?
Question d'origine :
Bonjour
Le nombre de féminicides en France est absolument insupportable et interroge la masculinité toxique.Cependant un chiffre est toujours à situer dans un contexte.Connaît on donc le nombre d'homicides dus à des femmes?Par ailleurs quel est le nombre de féminicides à l'échelle de l'Europe voire du monde?
Merci pour la qualité de votre travail.
Réponse du Guichet
Le 25 novembre dernier se tenait la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes. D’après noustoutes.org, collectif féministe de référence en France, au 27 novembre 2025, on dénombrait 153 féminicides depuis le début de l’année. Il s’agit, en moyenne, d’un décès tous les deux jours.
Bonjour,
En effet, il est alarmant de constater que les féminicides sont toujours aussi nombreux d’année en année, en France et partout dans le monde.
Pour commencer, revenons rapidement sur la définition de féminicide :
Pour cela, nous nous appuierons sur un ouvrage publié en 2025 par les éditions Dunod : En finir avec les féminicides, Etat des lieux, prises en charge et interventions par Karen Sadlier et Ernestine Ronai. Ce document est empruntable dans notre département Société au deuxième étage de la Bibliothèque de La Part-Dieu sous la cote SOC 424 VIO.
Dans la préface, il est mentionné que :
« L’Organisation mondiale de la Santé a défini en 2012 quatre types de féminicides :
• Féminicide non intime
• Féminicide lié à la dot
• Féminicide ou crime d’honneur
• Féminicide intime
En France, c’est cette quatrième définition qui est majoritairement retenue.
Il s’agit d’un meurtre ou d’un assassinat d’une femme commis par un partenaire intime (mariage, pacte civil de solidarité, concubinage, rencontres occasionnelles…) dans le cadre d’une relation hétérosexuelle ou entre personnes de même sexe.
Il faut attendre 2014 pour que la commission générale de terminologie et néologie publie (journal officiel du 16 septembre 2014) la définition du féminicide : « homicide d’une femme, d’une fille, d’une enfant en raison de son sexe ». »
C’est dans les années 1990 que ce terme a été créé, d’abord par la féministe et anthropologue mexicaine Marcela Lagarde, puis il a été popularisé par Diana Russel, universitaire et militante féministe sud-africaine.
Comme vous le mentionnez, une donnée statistique se situe effectivement dans un contexte et est liée à une définition. En cela, vous pouvez constater que le nombre de féminicides n’indique pas simplement l’assassinat d’une femme, mais bien l’homicide d’une femme en raison de son genre.
Pour aller plus loin, dans le livre écrit par Karen Sadlier et Ernestine Ronai toujours, on peut lire la chose suivante :
« Le crime de féminicide est commis par quiconque prive une femme de sa vie pour un motif fondé sur le sexe. On considère qu'il existe un motif fondé sur le sexe lorsque l'une des circonstances suivantes est avérée :
• La victime présente des signes de violence sexuelle, quelle qu'elle soit.
• Avant ou après la privation de la vie, la victime a subi des blessures, des mutilations ou tout autre acte portant atteinte à la dignité humaine, ou des actes de nécrophilie.
• Il existe des antécédents ou des données établissant que l'auteur a exercé, avant la privation de la vie, des violences physiques, psychologiques, économiques, patrimoniales ou de toute autre nature à l'encontre de la victime, que ce soit dans le cadre familial, professionnel, communautaire, politique, scolaire ou autre, indépendamment de l'existence d'une plainte ou du fait qu'elle ait été portée à la connaissance d'une autorité quelconque.
• Il existe ou a existé entre l'auteur et la victime un lien de parenté par consanguinité ou affinité ou un lien sentimental, affectif, de travail, d'enseignement, de confiance ou tout autre lien qui révèle une inégalité ou un abus de pouvoir entre l'agresseur et la victime.
• La victime a été mise au secret, quel que soit le temps écoulé avant la privation de la vie.
• Le corps de la victime est exposé, jeté, déposé ou exposé dans un lieu public.
• L'auteur a contraint la victime à exercer une activité ou un travail ou a exercé sur elle une forme quelconque d'exploitation. »
Concernant le nombre d’homicides engendrés par des femmes, nous pouvons nous appuyer sur l’article suivant :
Morts violentes au sein du couple, féminicides : 138 victimes en 2024 | vie-publique.fr, publié le 7 octobre 2025 par le site de référence du gouvernement français :
On peut voir, via le schéma suivant, un comparatif entre le genre des victimes et des auteurs et autrices :

Notons aussi que : « La proportion d'hommes reste la plus élevée : 111 auteurs d'un homicide sont des hommes (80%) et 27 sont des femmes mais, parmi ces dernières, 17 avaient été déjà victimes de violences de la part de leur partenaire. »
Les féminicides s’inscrivent donc dans la continuité des violences sexistes, sexuelles et misogynes à l’égard des femmes partout dans le monde. Ce sont des formes de violences extrêmes ancrées dans des rapports de dominations systémiques.
À l’échelle internationale, toutes les dix minutes, une femme ou une fille est tuée par un proche. Cette statistique des Nations Unies a été dévoilée ce mardi 25 novembre pour l'année 2024. L’ONU précise que ces chiffres "ne suggère pas une véritable baisse" et déplore l'absence de véritable progrès dans la lutte contre les féminicides.
Dans le chapitre 1 : « Féminicide : état des lieux. Un long chemin vers la reconnaissance des féminicides » du livre cité précédemment, on peut lire que :
« En 2020, L'ONU recense 47 000 femmes tuées dans le contexte familial et/ou conjugal. En 2021, 56 % des femmes tuées dans le monde l'ont été par leur partenaire intime ou un membre de leur famille. Cependant, les données sur les féminicides sont encore difficiles à obtenir au niveau international. Les déclarations sont souvent sous-estimées du fait de l'absence de protocole pour comptabiliser les femmes tuées. En Europe. Selon le dernier rapport de l'Eurostat de 2017, c'est en Allemagne que l'on compte le plus de victimes tuées par un conjoint ou ex-conjoint, soit 189 femmes tuées. La France vient en second avec 130 femmes, puis la Roumanie avec 83 femmes tuées, le Royaume-Uni avec 70 femmes, l'Italie avec 65 femmes. L'Espagne est le pays où on observe le moins de femmes tuées dans une relation de couple : 54. Si l'on compare le nombre de féminicides par région du monde, en 2017, on observe que l'Asie arrive en tête avec 20 000 femmes assassinées, devant l'Afrique (19 000), le continent américain (8 000), l'Europe (3 000), et l'Océanie (300). Mais avec un taux d'homicides conjugaux/familiaux de 3,1 pour 100 000 femmes, l’Afrique est la région où les femmes ont le plus de risques d'être tuées par un partenaire intime ou un membre de la famille. L'Europe est, quant a elle, le continent où le risque est le plus faible (0,7 pour 100 000 femmes), bien après le continent américain (1,6), l'Océanie (1,3) ou l'Asie (0,9). »
Pour aller plus loin, nous vous invitons à consulter les sites suivants :
Le site institutionnel gouvernemental dédié aux violences faites aux femmes : Les chiffres de référence sur les violences faites aux femmes | Arrêtons les violences
La rubrique « Questions de société, Droit des femmes » du site toutel’europe.ue : [Carte] Dans l'UE, les femmes deux fois plus victimes d'homicide volontaire que les hommes - Touteleurope.eu
Le site officiel du collectif NousToutes, notamment la rubrique Comprendre les chiffres : Comprendre les chiffres - #NousToutes
Voici d’autres références récentes sur ce sujet, disponibles dans nos bibliothèques :
Féminicides : une histoire mondiale / dirigé par Christelle Taraud
La culture du féminicide : histoire d'une structure de pensée / Ivan Jablonka
La nuit au coeur / Nathacha Appanah
Le commun des mortelles : faire face au féminicide / Margot Giacinti
Féminicides / réal. et scénario de Lorraine de Foucher et Jeremy Frey
Enfin, nous tenons à rappeler ici, les numéros d’urgences que vous pouvez utiliser si vous êtes victime ou témoin de violences psychologiques, de harcèlement sexuel, de coups ou de viol :
17 Police nationale (en cas d’urgence)
3919 Violences Femmes Infos
0 800 05 95 95 Viols Femmes Infos
119 Enfance en danger
Si vous ne pouvez pas parler, vous pouvez envoyer un SMS au 114.
Vous pouvez également utiliser le dispositif Angela, si vous vous trouvez dans une situation de harcèlement, qu’il soit sexuel, en rapport avec l’identité, le genre, les convictions religieuses, le handicap… vous pouvez pousser la porte d’un établissement arborant le sticker « Ici demandez Angela » sur sa vitrine. À l’intérieur, il suffit de « demander Angela » pour être pris.e en charge, se voir offrir une chaise, un verre d’eau, un conseil pour appeler la police… Les bibliothèques municipales de Lyon sont des structures adhérentes. Grâce à l’application https://umay.fr/, vous pouvez trouver la liste des établissements partenaires.
Aussi, dans les bus lyonnais dès 22h jusqu’à la fin du service, vous pouvez descendre entre deux arrêts sur votre ligne : https://www.tcl.fr/se-deplacer/offre-de-nuit/la-descente-a-la-demande
Le gouvernement propose également une plateforme dédiée aux violences et y liste toutes les structures et associations habilitées à vous accompagner en France : Liste des associations | Arrêtons les violences
La rubrique « Venir en aide à quelqu’un » du site du collectif NousToutes regroupe de façon extrêmement claire les comportements à adopter : Venir en aide à quelqu'un - #NousToutes
Nous vous remercions pour votre question et espérons y avoir répondu avec le plus de clarté possible, pour vous et toutes autres personnes voulant se documenter à ce sujet,
Bien cordialement.
De chair et de fer