Question d'origine :
Bonjour
j'ai entendu parler d'une marque ou d'un signe (sorte de tatouage) que l'on apposait sur la peau des prostituées au moyen-age et qui avait pour but de les identifier. à quoi ressemble cette marque et avec quoi était-elle inscrite ?
Réponse du Guichet
Le 02/12/2006 à 09h08
Quelques extraits de l’ouvrage le plus complet sur la question : la prostitution médiévale
Les autorités s’efforcent de faire observer certaines règles sanitaires (on ferme en temps pestifère le prostibulum et les étuves), religieuses (afin de respecter les interdits, limités d’ailleurs à la Semaine sainte et à la Nativité), morales (afin que des spectacles scandaleux ne se déroulent pas aux abords des églises ou dans les rues patriciennes), vestimentaires (pour que l’on puisse distinguer les femmes « d’estat » des autres et que la trop riche parure de ces dernières n’incite point de pauvres et pures jeunes filles à se perdre), fiscales enfin, de manière à ce que le « secteur privé » ne ruine pas le monopole urbain.
Contraintes vestimentaires et obligation pour les prostituées publiques de porter une « enseigne » ; ordonnances renouvelées fréquemment et partout (en 1441, 1458 à Avignon, 1468 et 1475 à Lyon…). Mais il faut noter qu’en dehors de la marque (l’aiguillette) les interdits vestimentaires prenaient place dans le cadre d’ordonnances somptuaires générales s’appliquant à toutes les catégories sociales et qui n’étaient d’ailleurs jamais respectées.
Il faut pouvoir la reconnaître pour aussitôt s’en écarter. C’est pourquoi lui est imposée une large marque, extérieure, bien visible. Auparavant, les municipalités se bornaient à lui interdire la coiffe ou le voile des femmes honnêtes (à Arles, dans les dernières années du XIIe, toute femme honnête rencontrant une prostituée voilée pouvait – et théoriquement devait – lui arracher son voile) ; désormais elle doit porter une aiguillette à la couleur tranchante, tombant de l’épaule, en signe d’infamie – cette aiguillette aura bientôt une seconde fonction - , harmonique de la rouelle des juifs et de la crécelle des lépreux.
Parfois battues, ou enlevées par un groupe d’individus qui entendaient se servir d’elles sans payer, elles étaient cependant en spéciale sauvegarde et efficacement protégées ; à cet égard, « l’enseigne » qu’elles portaient n’était pas seulement marque d’infamie mais garantie contre d’éventuelles violences.
PS : Aiguillette : petit cordon ou ruban ferré aux deux extrémités, servant à fermer ou garnir un vêtement. (in Le nouveau petit Robert)
Les prostituées les plus aisées tentent de ressembler à des bourgeoises en revêtant la même tenue vestimentaire, malgré la législation qui leur enjoint de porter un costume spécial. A Paris, au début du XVe siècle, il leur est interdit d’avoir sur leur robe et leur coiffure des boutonnières d’argent ou dorées, des perles, des ceintures d’or et d’argent, des cottes hardies, manches de létisse, houppelandes fourrées de petits-gris, de menu vair ou d’écureuil, ainsi que des boucles d’argent à leurs souliers. Peine perdue, si l’on en juge par les ordonnances qui se succèdent.
In La femme au Moyen-âge par Jean Verdon (pp. 111-115)
Voyez aussi :
Histoire des femmes en Occident Tome 2 (pp.320-323)
Dictionnaire encyclopédique du Moyen Age Tome 2 (p. 1266)
Un autre ouvrage parle d’une marque mais sans plus de précision : Signes d’identité : tatouages, piercings et autres marques corporelles
L’inscription judiciaire, en apposant un signe d’infamie visible aux yeux de tous sur le corps, dépossède l’individu de toute souveraineté, elle en fait la chose de quelqu’un d’autre, un maître ou un état. On la rencontre en France, au XIVe siècle, sous la forme d’un stigmate (la lettre M) imprimée sur le front des mendiants professionnels condamnés à la prison. La flétrissure est une marque au fer rouge sur l’épaule du condamné, la fleur de lys et les lettres GAL signalant le passage par les galères royales aboutissent à une reconnaissance immédiate de celui que l’on entend bien rejeter au ban de la société. Les voleurs sont punis d’une fleur de lys avec un V. Les prostituées sont également marquées.
Pour finir, voici un extrait d’un ouvrage paru en 1899, Du tatouage chez les prostituées :
C’est par un tatouage infamant que la justice désignait autrefois les coupables ; elle a renoncé à ce moyen : la société récompense la bravoure par une étoile qu’elle se réserve d’arracher à celui qui voudrait la ternir : rien n’est définitif, aucune marque indélébile ne doit jamais être gravée qui ôte à l’homme les plus précieux attributs de son individualité : l’indépendance et la liberté.
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