Lesbianisme et fantasme masculin

Réponse du service Guichet du Savoir


La réponse pourrait simplement tenir dans cette citation qui introduit la quatrième idée reçue sur les lesbiennes de l'ouvrage de Stéphanie Arc : A croire que les lesbiennes sont une invention du porno - Anne et Marine Rambach, in La culture gaie et lesbienne, 2003. En voici quelques extraits qui expliquent que le fantasme masculin autour du lesbianisme n'est jamais qu'une forme de machisme et de lesbophobie :

Pourquoi les lesbiennes hantent-elles la sphère de la pornographie ? Incarneraient-elles le fantasme le mieux partagé par la gent masculine ?

Qu'ils soient poètes ou médecins, les hommes, il est vrai, ont souvent traité du sujet. Et pour cause... Pour eux, le mystère est de taille. Ils sont d'ailleurs longtemps les seuls, hors Sapho, à parler d'homosexualité féminine. Car les femmes n'ont pas voix au chapitre.(...) les principales représentations du lesbianismes sont masculines. Et... imaginaires, puisqu'aucun homme ne sait vraiment de quoi il s'agit. Paradoxe apparent, l'amour entre femmes tel qu'il est évoqué est généralement une projection des fantasmes masculins.
(...) c'est surtout de sexualité qu'il est question lorsqu'on parle des lesbiennes. Et les amours féminines sont quasi-systématiquement érotisées, c'est-à-dire mises en scène pour exciter le désir... masculin.
(...) Les lesbiennes occupent surtout une place de choix dans le domaine de la pornographie. Une majorité de films comportent ainsi au moins une scène entre femmes. Et les sites Internet proposant des clichés de lesbiennes font recette. Comme le souligne le Rapport sur la lesbophobie en France en 2000, la sexualité lesbienne y est utilisée "comme un objet de fantasme et de voyeurisme" à l'usage des hommes. (...) Un fait qui ne réclame guère d'explication : produite par les hommes, la pornographie reste largement consommée par ces derniers. Car il y a connivence entre les scènes majoritaires dans ces productions et la perpétuation, sur le plan des fantasmes sexuels, de la domination masculine.
Il en va de même pour la publicité, qui affiche, depuis peu, des couples de femmes suggestifs. Un signe de l'évolution des moeurs ? Lancée dans les années 1990, la vague du porno-chic puise son inspiration dans des codes porno-photographiques très machistes.(...)

Cependant, il ne s'agit pas pour autant du fantasme le mieux partagé parmi les hommes : il n'arrive qu'en sixième position du rapport Analyse des comportements sexuels en France (INED 1992). De fait, ce n'est pas réellement le lesbianisme qui est à la source du fantasme mais l'intervention masculine dans la relation entre deux femmes, comme l'explique Stéphanie Arc :

Ainsi, dans la plupart des scénarios qui incluent l'homosexualité féminine, l'homme se trouve présent, qu'il soit observateur ou acteur de la relation.(...) Les femmes mises en scène ne sont dont pas lesbiennes, puisqu'elles désirent l'intervention d'un homme. Or, par définition, les homosexuelles s'aiment plutôt... entre elles. C'est l'évidence, les hommes ne sont généralement pas présents dans leurs rapports amoureux. Pourtant, les supports pornographiques insistent sur le fait que c'est de "lesbiennes" qu'il s'agit.
Pourquoi ? Si beaucoup d'hommes sont fascinés par les amours féminines, ils s'avèrent parfois inquiets à l'idée que les femmes puissent éprouver du plaisir en leur absence. Voire plus de plaisir avec une femme. Synonyme d'une profusion flatteuse pour les hommes lorsqu'ils y sont conviés, l'homosexualité féminine peut être aussi vue comme un défi à leurs talents sexuels.

La sexualité féminine fantasmée n'est pas considérée comme complète : seul l'homme est indispensable au plaisir. De fait, le lesbianisme n'est pas réellement pris au sérieux, il s'agit juste d'un passage, ou d'une tocade, qui ne peut que s'effacer lorsque surgit l'homme véritable...