Traitement hormonal sur mineur
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 09/12/2007 à 09h00
366 vues
Question d'origine :
Bonjour,
Y'a t-il des obligations juridiques avant d'engager un traitement hormonal sur un enfant mineur et prépubère, en vue d'un changement du genre sexuel, par le biais d'un médecin, suivit par un psychiatre et avec le consentement de ses parents, en France ?
Merci.
Réponse du Guichet

Il n'existe pas de législation en France sur le transsexualisme. Les seules règles formalisées sont celles énoncées par le Conseil de l'Ordre de médecins, elles s'appliquent à la fois à l'acte chirurgical et à l'hormonothérapie, en tant qu'action irréversible. Le principe général est que toute action en la matière ne peut être engagée sur un mineur et que ses parents ne peuvent substituer leur avis au sien (voir les articles 36 et 42 du Code de déontologie). On trouve l'ensemble de ces règles dans l'article 41 du Code de déontologie relatif à la mutilation, en voici un extrait :
L'amputation d'un membre, l'ablation d'un organe, sont lourdes de conséquences puisque irréversibles. Il va de soi que le chirurgien ne s'y décide qu'en cas de nécessité, parce que les lésions l'imposent, parce qu'agir autrement serait périlleux. Les interventions mutilantes ne sont pas seulement chirurgicales. D'autres thérapeutiques peuvent entraîner la privation d'une fonction majeure, par exemple une stérilisation à la suite d'un traitement médical ou d'une radiothérapie.
Dans tous les cas, le consentement du malade, sauf si son état ne lui permet pas de le donner, est indispensable, encore plus qu'en d'autres circonstances
[...]
3- Transsexualisme
Les interventions chirurgicales que réclament les rares sujets atteints de ce que l'on appelle "transsexualisme" sont des mutilations qui ont longtemps été considérées comme illégitimes et interdites.
Les spécialistes, qui ont étudié le transsexualisme, ont cependant reconnu qu'il s'agissait d'une anomalie psychique très particulière (et non d'une déviation endocrinienne). Ils ont admis la notion d'un "sexe psychologique" pouvant être différent du sexe morphologique, du sexe gonadique, du sexe génotypique. Certains considèrent que la transformation anatomique que les transsexuels demandent avec persévérance ne doit pas leur être refusée, et pourrait améliorer leur condition et leur comportement social (avec l'appoint d'un traitement hormonal permanent). Ces questions sont encore controversées, d'autres psychiatres restant sceptiques sur la valeur des résultats.
Avant d'accéder aux demandes des transsexuels, il est recommandé de prendre de grandes précautions :
- observation clinique très compétente, car il ne faut pas confondre le transsexualisme avec l'homosexualité, le travestisme, une idée délirante ou une idée parasite au cours d'un syndrome dépressif ;
- période probatoire d'au minimum une ou deux années et psychothérapie d'essai avec le concours d’un spécialiste expérimenté dans les cas de transsexualisme ;
- consultation de plusieurs spécialistes avant de retenir l'indication d'intervenir chirurgicalement.
En Suède et en Allemagne, des lois reconnaissent l'existence des transsexuels.
Le transsexuel demande toujours la transformation de son état civil et dans tous les pays la jurisprudence évolue (voir note 3).
Le magistrat ne se prononce qu'après une expertise menée par des médecins particulièrement compétents. Il accorde assez volontiers un changement de prénom. Les tribunaux n'ont accordé le changement d'état civil que dans des cas où le transsexualisme, après un recul suffisant, avait été dûment authentifié.
En définitive, il convient, pour les médecins, d'être particulièrement prudents devant les demandes d'hormonothérapie qui engagent l'avenir ; pour les chirurgiens, envisager de procéder aux mutilations demandées ne peut se concevoir qu'après une expertise psychiatrique et endocrinologique très complète et une observation prolongée. Il semble préférable que le chirurgien pressenti n'intervienne pas avant qu'une décision du tribunal ait accordé la possibilité de changer d'état civil. Le médecin ou le chirurgien doit argumenter soigneusement sa décision et prévoir d'avoir éventuellement à s'en justifier en cas de litige ultérieur.
Les obligations ne sont donc pas tant légales que médicales. La Faculté de médecine de Grenoble publie sur son site les conditions de prise en charge :
1. L'AVANT-CHANGEMENT DE SEXE
Les opérations chirurgicales chez les transsexuels sont autorisées par le Conseil de l'Ordre qui a publié une décision d'ordre général (en 1979) à ce sujet et remboursées par la Sécurité sociale, car considérées comme le seul traitement (palliatif) du syndrome transsexuel.
Cependant ces interventions par leur caractère très mutilant, peuvent faire mettre en cause les médecins qui y participent pour coups et blessures volontaires commis avec préméditation voire pour un crime de castration en cas d'absence de nécessité thérapeutique (arrêt de la Cour d'appel d'Aix en Provence du 23/04/1990).
En effet, toute intervention transsexuelle non causée secondairement par un impératif thérapeutique reste illicite (Code civil article 16-3) et ne peut permettre une modification d'acte d'état civil.
De plus, l'intervention ne doit pas avoir un caractère expérimental et doit correspondre à une réelle indication thérapeutique.
A cet effet, les médecins spécialistes ont défini, à défaut de loi, une procédure à suivre.
. elle doit être collective faisant intervenir des psychiatres, des endocrinologues et des chirurgiens.
. la première étape doit comporter une période d'observation d'au moins deux ans, avec un suivi tous les deux à trois mois, afin d'étudier l'existence d'une conviction transsexuelle réelle et d'un processus ancien et persistant.
. la deuxième étape passe par un traitement hormonal d'un an au minimum,
. la troisième étape passe par une intervention chirurgicale si nécessaire. Celle-ci est décidée par une commission de trois médecins compétents (dont un psychiatre).
Le conseil départemental de l'Ordre est informé de manière anonyme.
Enfin, dans la mesure du possible, le traitement doit s'effectuer en secteur public afin d'éviter toute polémique financière liée à cette thérapeutique.
. discordance entre les différentes composantes du sexe,
. difficultés psychosociales pour le sujet ne pouvant être résolu par une modification de l'état civil, seulement ;
. demande faisant suite à un processus ancien, persistant et évolutif,
. irréversibilité de l'évolution des caractères sexuels,
. état subi et non délibérément voulu,
. un traitement médical doit avoir été entrepris, la seule considération psychosociale n'étant pas suffisante pour justifier un changement chirurgical de sexe,
. le diagnostic doit être établi avec certitude absolu, il doit s'agir d'un syndrome transsexuel typique avec conviction inébranlable et fixée depuis l'enfance,
. le traitement médico-chirurgical doit pouvoir corriger ou prévenir les troubles d'adaptation du patient,
. le patient doit avoir atteint un degré de structuration psychologique adulte (au moins 21 à 25 ans).
Un consentement parfaitement éclairé du patient doit être obtenu, le sujet mineur étant exclu. Il est proposé l'établissement d'un contrat personnel et la remise d'un dossier guide (de même inspiration que celui utilisé en matière d'I.V.G.).
Ceux-ci doivent préciser les avantages et les inconvénients des séquences thérapeutiques mises en oeuvre, les risques de complication immédiates et tardives, les possibilités de répercussion psychologiques et des difficultés psychosociales que peuvent entraîner un changement officiel de sexe.
Cette procédure respecte globalement celle énoncée par l'Association Internationale Harry Benjamin pour la Dysphorie de Genre dans ce document : Standards de soins pour le traitement des troubles de l’identité de genre, sixième version, 2001. Il s'agit d'un collectif de médecins qui s'est attaché à définir un consensus sur l'encadrement médical du transsexualisme. Un chapitre est consacré à l'évaluation et la prise en charge des enfants et des adolescents (p.13), en voici un extrait qui limite les conditions de prises en charge des enfants prépubères et souligne l'importance cruciale d'une équipe pluridisciplinaire pour entourer le patient :
Interventions physiques. Avant d’envisager une quelconque intervention sur le plan physique, une exploration approfondie des problèmes psychologiques, familiaux et sociaux doit être entreprise. Les interventions physiques doivent être appropriées au contexte de développement de l'adolescent. Les problèmes d’identité de genre chez les adolescents peuvent évoluer de façon très rapide et inattendue. Un changement de l'adolescent vers la conformité de genre peut survenir principalement pour faire plaisir à la famille, mais peut ne pas refléter un changement durable de son identité de genre. Un adolescent peut exprimer des fermes convictions quant à son identité qui ont l’air si solides qu’elles donnent une fausse impression d’irréversibilité, alors
qu’elles peuvent très bien changer plus tard. Pour toutes ces raisons, des interventions irréversibles sur le plan physique doivent être repoussées le plus tard possible, tant qu’elles ne paraissent pas cliniquement appropriées. [...]
Les adolescents peuvent avoir droit aux hormones qui retardent la puberté dès que des changements physiques pubertaires ont commencé. Afin que l’adolescent et ses parents puissent prendre une décision en toute connaissance de cause, il est recommandé que l’adolescent puisse expérimenter le début de sa puberté dans son sexe biologique d’origine et parvienne au moins au stade 2 de Tanner. Si l’on pense, pour des raisons cliniques, qu’il est dans l’intérêt du patient d’intervenir plus tôt, cela doit être géré avec le conseil d’un endocrinologue pédiatrique et plus qu’un seul avis psychiatrique.
Deux raisons justifient cette intervention : a) gagner du temps pour explorer davantage l’identité de genre et d’autres problèmes liés au développement, par psychothérapie ; et b ) faciliter le changement de sexe au cas où l’adolescent poursuivrait son changement de sexe et de genre. Pour prescrire à un adolescent des hormones retardant la puberté, les critères suivants sont requis :
1. depuis l’enfance, l’adolescent a démontré une intense disposition à changer de genre et de sexe, et une aversion pour les comportements qu'on attend de son genre d’origine;
2. l’inconfort lié au sexe et au genre a significativement augmenté avec l’apparition de la puberté;
3. la famille consent et participe à la thérapie.
De fait, en l'absence de texte législatif, ce sont les médecins qui sont responsables du bien-fondé de la thérapie...
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Quelle formation est obligatoire après promotion interne...
Tout comprendre (ou presque) sur l’intelligence artificielle.
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter