Les tapis volants
DIVERS
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Le 05/03/2008 à 15h35
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Question d'origine :
J'ai lu Les Mille et une nuits dans leur intégralité (traduction Bencheikh et Miquel, ainsi que traduction Galland, une amie à moi les a lues dans la traduction Mardrus). Nous n'y avons pas trouvé mention d'un seul tapis volant. Or, en Occident (du moins en France), quand on dit "Mille et une nuits", on pense toujours "tapis volant". D'où vient cette légende et surtout pourquoi l'associe-t-on sans raison aux Mille et une nuits?
Réponse du Guichet

En préambule, il nous paraît nécessaire de mentionner, par le biais du document de rfi.fr rédigé à l'occasion de la parution des «Mille et Une Nuits» dans la Pléiade, que le célèbre recueil de textes est, en fait, à "géométrie variable" :
Avant toute chose, il convient de rappeler qu’il n’existe pas une version d’origine des Nuits, unique et incontestée, mais bien plusieurs versions des contes des Mille et Une Nuits, et que cette variété tient à leur premier mode de transmission, par voie orale. Il n’existe pas non plus un manuscrit mais des manuscrits, pour la plupart perdus. Il n’existe pas, enfin, une traduction mais diverses traductions. Adapté pour le goût de l’époque, expurgé de ce qui pouvait choquer les puritains, le texte d’Antoine Galland -un érudit grand connaisseur de l’arabe, du turc et du persan- est très édulcoré. Parmi les plus connues, celle de Mardrus, au XIXe s., est plus chatoyante, et fait la part belle tant à l’érotisme qu’à l’exotisme. Celle de Jamel Eddine Bencheikh et André Miquel reste sulfureuse là où le texte l’est, mais avec le souci de ne pas faire de l’érotisme un argument commercial, soulignant bien toutefois dans la préface de l’édition que «les Mille et Une nuits ne sont pas le Kamasutra».
Les historiens s’accordent pour reconnaître que ces Nuits seraient nées en Inde et auraient été enrichies par des lettrés iraniens. Ayant atteints la Perse, ces contes auraient fait l’objet d’un premier recueil, le Hèzâr afsânè. Puis, propagés dans le monde arabe, entre autre grâce aux marchands, ils auraient été adaptés dans chaque contrée selon leur culture, leur religion et leur langue tout en gardant un fond commun d’éléments originaux, et ils auraient été augmentés d’histoires différentes selon les copistes, les scripteurs et les conteurs. Décriées, en raison de leurs origines diverses, et des fantasmagories qui les hantaient, considérées comme contraires à la religion, ces Mille et Une Nuits ont été considérées comme un ouvrage de seconde zone, et ont disparu un temps de la mémoire des lettres arabes tout en continuant à circuler en Egypte
Bref, pour s’y repérer dans la multitude de manuscrits anonymes existants -quelque 70 sont répertoriées dans les bibliothèques européennes-, on distingue ceux de Bagdad (écrits pendant le califat des Abbassides IXe –Xe s.), et ceux du Caire (Fatimides XIe-XIIe s.). Les auteurs de la nouvelle traduction ont choisi de travailler sur le manuscrit de Bûlâq (Caire), considérant qu’avec deux siècles d’existence cette version était née «en un pays dont on a dit le rôle dans la prévention du trésor, et enfin qu’elle a inspiré les traductions les plus marquantes».
[...]
L'utilisation du tapis volant est parfois attribuée à Aladin, comme dans le Dictionnaire des symboles, mythes et croyances : "dans les contes et les légendes, le tapis volant est l'attribut du héros, notamment d'Aladin, chez qui il sublime les qualités et marque la pureté du coeur et l'élévation de l'âme" ou dans le livre L'Islam au siècle des Lumières,
... mais est aussi souvent associé au personnage de Sindbad.
Quoiqu'il en soit, les traductions des Mille et unes nuits que vous citez (Galland, Mardrus et Bencheikh / Miquel) ne mentionnent pas, d'après vous, de tapis volants. Nous n'avons consulté que la traduction Mardrus, en survolant (si l'on ose dire) les chapitres consacrés aux aventures d'Aladin et de Sindbad.
Effectivement, si ces deux personnages parcourent beaucoup les airs, ils ne le font pas à l'aide d'un tapis volant mais tantôt grâce à un oiseau (et un turban), tantôt grâce à un efrit, soit dans un lit, etc.
Il faudrait vérifier d'autres versions (en dehors des trois citées) mais cela nécessiterait un travail que nous ne pouvons fournir.
L'étude de Les traductions françaises des mille et une nuits : étude des versions Galland, Trébutien et Mardrus aurait pu nous apporter certaines informations mais il n'est pas disponible au moment où nous vous écrivons.
Cependant, Mille et un contes de la nuit, qui aborde le thème des "objets magiques" des Mille et une nuits, apporte les indications suivantes :
Le manuscrit des Nuits compilé par Michel Sabbagh au début du XIXe siècle (B.N. n°4678-4679) donne une version de "Hasan de Basra" maladroitement écourtée de sa dernière partie à cause du pouvoir de déplacement instantané conféré au héros par son tapis magique. C'est l'exemple de ce qu'un bon conteur ne odit pas faire. Mais l'intérêt dramatique, qui conseille une consommation modérée des objets et auxiliaires magiques pour ménager au héros la possibilité de nouvelles aventures, fait ici cause commune avec le scrupule religieux.
[...]
Copié ou plutôt compilé par Michel Sabbagh au début du XIXe siècle, le manuscrit des Nuits n°4678-4679 de la Bib nat donne de "Hasan de Basra" une version différente de celle des autre manuscrits. Insérée dans "'Umar an-Nu'mân", cette histoire occupe les nuits 870 à 886. Tout nous porte à croire que cette version a été composée à partir du souvenir confus que le rédacteur ou son informateur avaient conservé d'une lecture du texte habituel : on y relève en effet peu d'ajouts intéressants, mais beaucoup de raccourcis. La dernière partie, qui se passe aux Wâq-Wâq sans mettre en scène les amazones, et le dénouement, qui abuse du tapis volant, paraissent particulièrement baclés.
Voir aussi :
- wikipedia / Les Mille et une nuits
- wikipedia / Sinbad le Marin
Quant à l'origine de ce fameux tapis volant, elle peut être, selon les sources, liée au phénomène de lévitation, ou à la légende du roi Salomon : un tapis magique de soie verte, pour le transporter dans l'air, avait été tissé pour lui ; sur ce tapis, il pouvait quitter la Syrie le matin avec tous ses bagages et atteindre le soir l'Afghanistan. (cf. Encyclopédie de l'Islam)
Pour essayer d'en savoir plus, vous pouvez peut-être utiliser l'encyclopédie Encarta qui propose un dossier (payant) sur le thème du "tapis volant" :
Le mythe du tapis volant provient de la littérature orientale médiévale. C'est un thème cher aux littératures perse, moyen-orientale, égyptienne, indienne et himalayenne. De nombreux récits des Mille et Une Nuits mettent en scène des tapis volants.
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