Signification citation d'Oscar Wilde

Réponse du service Guichet du savoir

Extrait du Portrait de Dorian Gray :

"Vous avez un visage d'une extraordinaire beauté monsieur Gray. Ne froncez pas les sourcils, c'est un fait. Or la beauté est une des formes du Génie. Que dis-je? Elle surpasse même le Génie, n'ayant pas comme lui à se démontrer. Elle est une des réalités suprêmes de ce monde, comme l'éclat du soleil, comme l'éveil du printemps, comme le reflet dans une eau sombre de cette conque d'argent qu'on appelle la lune. La Beauté ne se discute pas. Elle règne de droit divin. Elle fait prince quiconque la possède.
Vous souriez? Ah! Vous ne sourirez plus, quand vous l'aurez perdue. On dit parfois que la Beauté est toute superficielle. Peut-être, Moins superficielle, en tout cas que la Pensée. À mon sens, la Beauté est la merveille des merveilles. Il n'y a que les esprits légers pour ne pas juger par les apparences. Le vrai mystère du monde est le visible est non l'invisible..."

Cette scène oppose de façon assez nette deux systèmes de valeur : l’esthétique et l’éthique. Or, la citation que vous nous proposez ne peut se comprendre que dans ce contexte, comme un art poétique et au-delà un art de vivre.
La fiction du Portrait de Dorian Gray n’est rien d'autre qu’un prétexte qui permet à l’écrivain de présenter une doctrine, celle du « mouvement esthétique » et plus généralement du dandysme qui marquent le triomphe du plaisant et de la sensation considérés comme ultime valeur et unique loi.
Oscar Wilde est bien ce que l’on appelle couramment un dandy, même si la définition de ce terme pose toujours problème – vous pouvez à ce titre consulter le brillant article de Robert Steuckers, Réflexions sur la figure esthétique et littéraire du “dandy”.

Le beau pour Wilde est un beau vindicatif, provocateur, efféminé. Wilde est à ses débuts fasciné par le peintre américain Whistler icône du genre en 1880, et il s'érige dès cette époque, comme apôtre de la beauté contre la société effroyable de conformisme qui l’entoure ; entre autres fait de gloire, et pour protester contre la laideur du vêtement contemporain, il parcourt le West-End portant des hauts de chausses, un pourpoint de velours vert, des bas de soie, une toque pittoresque et, à la main, un tournesol.

Le critique et journaliste Max Beerbohm écrivait à son sujet « La beauté existait longtemps avant 1880 et c’est Oscar Wilde qui agença ses débuts. Etudier la période, c’est admettre que la vogue sociale dont la beauté commençait à jouir lui est due pour une grande part »

Vous pouvez lire pour compléter notre réponse :
- Farmer (Albert-J.), Le Mouvement esthétique et décadent en Angleterre : 1873-1900, Champion, Paris, 1931.
- Schiffer (Daniel Salvatore), Philosophie du dandysme : une esthétique de l’âme et du corps, PUF, Paris, 2008.
Et bien sûr Wilde (Oscar), Le Portrait de Dorian Gray, Stock, Paris, 1991