Question d'origine :
Bonjour,
J'aimerais retrouver le titre d'une film qui raconte l'histoire de deux
anthropologues britanniques , au 19° siècle (?), qui ramènent d'un voyage au bout du monde 2 (?) indigènes en vue de les étudier ; le film raconte les relations entre ces "savants" et ces "sauvages" qui sont, me semble-il, parqués dans des enclos.
Mes souvenirs sont bien maigres...
Bien cordialement
ac
Réponse du Guichet
bml_art
- Département : Arts et Loisirs
Le 21/12/2011 à 12h09
Vos bien maigres souvenirs nous laissent penser qu'il pourrait s'agir du film de
En 1870, le film raconte l’histoire d’un anthropologue britannique (un seul ?) qui capture et ramène d’Afrique un couple de pygmées, afin de confirmer ses théories sur le « chaînon manquant »...
Man to Man de Régis Wargnier commence comme un film d’aventures, une histoire que l’on nous a contée des centaines de fois.
une colonne de porteurs, menée par deux explorateurs blancs, est en chasse. Leur gibier, un mâle, une femelle, déploie toutes ses ruses pour leur échapper ; une fois acculés, ils se battent désespérément. On est content de les voir mis en cage plutôt qu’à mort. Ces deux chasseurs oeuvrent pour la connaissance, pas pour le sport. Les deux proies sont humaines, quoique de petite taille. Alors que l’expédition descend les rapides essentiels à ce genre de scénario, le captif tente d’entraîner son prédateur par le fond et le blesse grièvement. Déjà, les réflexes du spectateur, conditionnés par des décennies d’aventures équatoriales, sont mis à rude épreuve. Pour qui doit-on trembler ? Les valeureux explorateurs ? Leurs misérables victimes ?
Pendant cette exposition, Régis Wargnier retourne un genre cinématographique comme un gant, tout en en respectant les formes. Man to Man sera à la fois un film d’action et l’analyse des sales coups que ce genre cinématographique a servi à couvrir de Tarzan aux Mines du roi Salomon.
En revenant sur une période oubliée par le cinéma depuis des décennies la colonisation et choisissant d’en traiter l’un des aspects les plus négligés : son fondement pseudo-scientifique, Régis Wargnier et ses scénaristes, parmi lesquels le romancier écossais William Boyd, sont déjà assurés de ne pas rabâcher. La réussite de Man to Man tient à la fermeté avec laquelle ce parti pris d’originalité est tenu, et la résonance qu’il trouve avec la manière cinématographique grave, un peu emphatique de l’auteur du Maître du haut château.
On apprend bientôt que le chasseur veut rapporter ses captifs en Europe afin de prouver que ces Pygmées constituent le chaînon manquant entre le singe et l’homme. On est aux alentours de 1870, la diffusion du darwinisme est en pleine expansion, son application à l’apparition de l’homme sur la face de la Terre encore sommaire. Le docteur Jamie Dodd (Joseph Fiennes) est un idéaliste, sûr de son hypothèse, sans autres égards pour les deux Africains que ceux dus à des échantillons de laboratoire. Il se dispute avec sa compagne d’expédition, Elena Van Den Ende (Kristin Scott Thomas) qui ne voit dans l’affaire qu’une opération commerciale. Parce que Kristin Scott Thomas est parfaite en amazone endurcie par son séjour sous l’Equateur, parce que Joseph Fiennes est plutôt irritant avec sa rectitude morale mollassonne, le film choisit vite son camp : mieux vaut un colon animé par le lucre et l’esprit d’aventure qu’un missionnaire sûr de son bon droit.
APPAREILLAGE EFFRAYANT
Ce sont ces questions qui agitent un film conçu du seul point de vue européen. Lors de sa projection au Festival de Berlin, on lui a reproché de ne pas faire la part plus belle à ses deux personnages africains. Mais on a l’impression que c’est plus par modestie pour ne pas faire le film de l’autre à sa place que par présomption que Wargnier a procédé ainsi.
Une fois arrivé en Ecosse, le docteur Dodd doit partager ses Pygmées avec ses collègues, afin de mettre au plus vite sur pied une présentation à l’Académie écossaise des sciences. Mais ce processus, avec tout son appareillage effrayant (l’anthropométrie, l’observation minutieuse qui couvre un total aveuglement) évocateur des horreurs à naître des théories raciales, est pour le scientifique l’occasion d’une révélation : les Pygmées sont humains. Puisque jusqu’ici Régis Wargnier s’est tenu à distance des deux captifs, leur conférant une dignité certaine, mais leur gardant leur mystère, Man to Man était un film sans héros.
Maintenant que les yeux du savant se sont dessillés, les mécanismes dramatiques seront plus classiques.
L’affrontement entre le savant humaniste et les monstres froids emprunte alors les figures d’un autre genre : les récits fantastiques qui mettent en garde contre les excès de la science, Frankenstein ou Dr Jekyll et Mr Hyde. Avec, cette fois, une couleur très écossaise. Edimbourg fut, en 1830, le théâtre d’un grand scandale scientifico- criminel : un médecin réputé, le docteur Knox, se fournissait en cadavres, à des fins d’autopsie, auprès de deux profanateurs de sépultures, Burke and Hare, qui poussèrent le zèle jusqu’à l’assassinat. L’épisode a inspiré, entre autres, Robert Wise( Le Récupérateur de cadavres) ou Freddie Francis (The Doctors and the Devils).
Wargnier retrouve les accents victoriens de ces contes, mettant aux prises la raison et la barbarie, illustrant son propos de plans saisissants comme la figure de la jeune femme pygmée portant le deuil, déambulant dans un square, version noire de la veuve qui règne alors sur l’empire britannique.
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