Question d'origine :
Bonjour cher Guichet,
Ayant d'une part des amis excellents cuisiniers, et d'autre part une vieille tante très à cheval sur l'étiquette, j'adapte mon comportement aux convives qui partagent mon repas : raclant avec délectation jusqu'à laisser une assiette immaculée dans un cas, c'est avec dépit que je m'efforce de dédaigner pain, jus et sauces dans un autre.
Et à chaque fois que je suis en compagnie de ma tante me vient cette question lancinante : pourquoi, mais pourquoi ne pas saucer ?!?
Réponse du Guichet

Bonjour,
Oui vous avez raison pourquoi ne pas saucer … il faut rechercher son origine dans l’établissement de normes de savoir-vivre. Et il importe de revenir sur un certain nombre d’exemples pour comprendre cette évolution, peut-être nécessaire. Ainsi, Jean-Claude Lebensztejn dans Manières de table (p. 18) publie divers traités dont celui de Jean-Baptiste de la Salle, Les Règles de la Bien-seance et de la civilité chrestienne qui explique que c’est une chose tres-contraire à la Bien-seance de se moucher avec deux doigts et puis de jetter la morve à terre, et d’essuyer ensuite ses doigts avec ses habits ou encore que l’ on doit avoir beaucoup d’égard de ne jamais cracher sur ses habits , ni sur ceux des autres. Cela laisse rêveur !!
En outre Alain Montandon explique que l’espace de la table pouvait être un lieu de « promotion sociale ». Dans les romans de chevalerie tardifs, il arrive que la table soit un lieu de mise à l’épreuve sociale des convives. (…) La valeur d’épreuve du repas en société va en se renforçant à mesure que l’urbanisation progresse entre le XII et le XIVe siècle (selon les pays) car l’enrichissement et la promotion sociale de la bourgeoisie passent par l’appropriation, mais également par l’adaptation au présent des valeurs aristocratiques (..) Aux XVe et XVIe siècles, un mode de vie nouveau s’élabore autour de familles enrichies dans le négoce et les finances, qui gouvernent les riches Etats italiens à la renaissance et donnent des leçons de raffinement aux autres pays d’Europe. Les bonnes manières contribuent alors à mener à bien une carrière de courtisan. Les banquets, surtout romains et florentins, ravissent les observateurs étrangers. Les codifications des pratiques qu’ils mettent en ouvre touche à tous les domaines (…) dans les traités de savoir-vivre, qui se multiplient à partir des modèles italiens, attitudes, gestuelles, expressions du visage sont au centre de l’attention.
Source : Dictionnaire raisonné de la politesse et du savoir-vivre : du Moyen âge à nos jours, p. 670-671.
Parmi les personnalités qui ont établi les bonnes manières de la civilité classique, il faut citer Erasme. Dans la Civilité puérile, 1530, traduite en français dès 1537, il enseigne aux enfants comment se tenir convenablement à table et situe la convivialité de table dans un rapport d’individu à individu. Erasme puise sa matière dans la littérature classique (Aristote, Cicéron), dans la production médiévale (XII-XVe siècles) et dans les proverbes et les fables pour codifier les comportements de l’homme en prescrivant des normes et des interdits constitutifs de la civilité classique, du type : il y a des gens qui, à peine assis portent la main aux plats. C’est ressembler aux loups […] s’ingurgiter d’un coup de gros morceaux est le fait des cigognes et des goinfres [.. ;] lécher à coup de langue le sucre ou toute autre friandise restée attachée à l’assiette ou au plat, c’est agir en chat, non en hommes …
Source : la table des français : une histoire culturelle (XVe-début XIXe siècle), p. 104-105.
Par ailleurs, la naissance et l’essor de la gastronomie française ont été accompagnés d’une progressive complexification occidentale des manières de la table. De nombreuses règles perdurent encore aujourd’hui …. dont le fait de saucer son assiette.
Saucer ou ne pas saucer telle est la question ?
Bien évidemment tous les guides de savoir-vivre et leçons édictées par les plus éminent(e)s représentant(e)s des bonnes manières, de Nadine de Rothschild à madame de Fontenay, vous expliqueront que vous ne pouvez pas saucer mais ils vous diront aussi qu’il ne faut surtout pas :
-mordre à pleines dents dans son morceau de pain, ni le découper avec son couteau
- détailler le pain
- tremper son pain. ;
ou encore qu’il ne faut toucher son pain qu’après le potage terminé ou l’entrée commencée
Evidemment, si vous souhaitez briller en société, vous appliquerez ces préceptes et d’après Olivier Cechman, si vous avez prévu de servir du caviar et si vous ne voulez pas passer pour un pingre, prévoyez 25 à 30 g par convive … pour que chacun puisse se servir, disposez une cuillère en corne, en os ou en ivoire !!
Source : le guide du nouveau savoir-vivre, p. 176.
Enfin, pour compléter ces premières références, nous vous conseillons les lectures suivantes :
* Les Français et la table : alimentation, cuisine, gastronomie du Moyen Age à nos jours / Alain Drouard; sous la direction de Jean-Pierre Zarader, 2005.
* Les rituels du savoir-vivre / Dominique Picard, 1995.
Oui vous avez raison pourquoi ne pas saucer … il faut rechercher son origine dans l’établissement de normes de savoir-vivre. Et il importe de revenir sur un certain nombre d’exemples pour comprendre cette évolution, peut-être nécessaire. Ainsi, Jean-Claude Lebensztejn dans Manières de table (p. 18) publie divers traités dont celui de Jean-Baptiste de la Salle, Les Règles de la Bien-seance et de la civilité chrestienne qui explique que c’est une chose tres-contraire à la Bien-seance de se moucher avec deux doigts et puis de jetter la morve à terre, et d’essuyer ensuite ses doigts avec ses habits ou encore que l’ on doit avoir beaucoup d’égard de ne jamais cracher sur ses habits , ni sur ceux des autres. Cela laisse rêveur !!
En outre Alain Montandon explique que l’espace de la table pouvait être un lieu de « promotion sociale ». Dans les romans de chevalerie tardifs, il arrive que la table soit un lieu de mise à l’épreuve sociale des convives. (…) La valeur d’épreuve du repas en société va en se renforçant à mesure que l’urbanisation progresse entre le XII et le XIVe siècle (selon les pays) car l’enrichissement et la promotion sociale de la bourgeoisie passent par l’appropriation, mais également par l’adaptation au présent des valeurs aristocratiques (..) Aux XVe et XVIe siècles, un mode de vie nouveau s’élabore autour de familles enrichies dans le négoce et les finances, qui gouvernent les riches Etats italiens à la renaissance et donnent des leçons de raffinement aux autres pays d’Europe. Les bonnes manières contribuent alors à mener à bien une carrière de courtisan. Les banquets, surtout romains et florentins, ravissent les observateurs étrangers. Les codifications des pratiques qu’ils mettent en ouvre touche à tous les domaines (…) dans les traités de savoir-vivre, qui se multiplient à partir des modèles italiens, attitudes, gestuelles, expressions du visage sont au centre de l’attention.
Source : Dictionnaire raisonné de la politesse et du savoir-vivre : du Moyen âge à nos jours, p. 670-671.
Parmi les personnalités qui ont établi les bonnes manières de la civilité classique, il faut citer Erasme. Dans la Civilité puérile, 1530, traduite en français dès 1537, il enseigne aux enfants comment se tenir convenablement à table et situe la convivialité de table dans un rapport d’individu à individu. Erasme puise sa matière dans la littérature classique (Aristote, Cicéron), dans la production médiévale (XII-XVe siècles) et dans les proverbes et les fables pour codifier les comportements de l’homme en prescrivant des normes et des interdits constitutifs de la civilité classique, du type : il y a des gens qui, à peine assis portent la main aux plats. C’est ressembler aux loups […] s’ingurgiter d’un coup de gros morceaux est le fait des cigognes et des goinfres [.. ;] lécher à coup de langue le sucre ou toute autre friandise restée attachée à l’assiette ou au plat, c’est agir en chat, non en hommes …
Source : la table des français : une histoire culturelle (XVe-début XIXe siècle), p. 104-105.
Par ailleurs, la naissance et l’essor de la gastronomie française ont été accompagnés d’une progressive complexification occidentale des manières de la table. De nombreuses règles perdurent encore aujourd’hui …. dont le fait de saucer son assiette.
Bien évidemment tous les guides de savoir-vivre et leçons édictées par les plus éminent(e)s représentant(e)s des bonnes manières, de Nadine de Rothschild à madame de Fontenay, vous expliqueront que vous ne pouvez pas saucer mais ils vous diront aussi qu’il ne faut surtout pas :
-mordre à pleines dents dans son morceau de pain, ni le découper avec son couteau
- détailler le pain
- tremper son pain. ;
ou encore qu’il ne faut toucher son pain qu’après le potage terminé ou l’entrée commencée
Evidemment, si vous souhaitez briller en société, vous appliquerez ces préceptes et d’après Olivier Cechman, si vous avez prévu de servir du caviar et si vous ne voulez pas passer pour un pingre, prévoyez 25 à 30 g par convive … pour que chacun puisse se servir, disposez une cuillère en corne, en os ou en ivoire !!
Source : le guide du nouveau savoir-vivre, p. 176.
Enfin, pour compléter ces premières références, nous vous conseillons les lectures suivantes :
* Les Français et la table : alimentation, cuisine, gastronomie du Moyen Age à nos jours / Alain Drouard; sous la direction de Jean-Pierre Zarader, 2005.
* Les rituels du savoir-vivre / Dominique Picard, 1995.
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