auteur auto dafé 2ème guerre mondiale
LANGUES ET LITTÉRATURES
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Le 16/04/2012 à 21h14
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Question d'origine :
bonjour,
Je souhaiterais savoir si Gustave Flaubert a fait partie des auteurs frappés par un auto dafé durant la seconde guerre mondiale ?
Quels ont été les auteurs français connus marqués par cette censure ?
D'avance merci !
Réponse du Guichet

Bonjour,
Tout d’abord nous souhaitons attirer votre attention sur un point : vous associez l’autodafé à la censure, or ce sont deux actions différentes qui, nous vous le concédons, vont souvent de pair, mais ne s’expriment pas pareillement.
Censure :
1) Examen d'une autorité décidant de ce qui peut être publié et diffusé (livres, journaux, films...).
2) Action de condamner quelque chose.
Autodafé : du portugais acto da fé, traduction du latin actus fidei : « acte de foi »
1) cérémonie au cours de laquelle les hérétiques condamnés au supplice du feu par l’Inquisition étaient solennellement conviés à faire acte de foi pour mériter leur rachat dans l’autre monde.
2) action de détruire par le feu
in Dictionnaire culturel en langue française, sous la direction de Alain Rey
Concernant votre interrogation sur Gustave Flaubert, nous n’avons trouvé aucune référence à un quelconque autodafé de ses œuvres durant la Seconde Guerre Mondiale, ni son nom figurant sur les listes des œuvres prohibées.
En revanche une partie de la Correspondance (plus de 4000 lettres) de Gustave Flaubert a été détruite par le feu par ses soins. Vous pouvez d’ailleurs consulter l’article d’Yvan Leclerc sur le site de l’Université de Rouen : « On sait que Flaubert était désireux de ne laisser à la postérité que ses œuvres, en cachant sa vie et en appliquant à sa biographie le principe d'impersonnalité qui régit l'écriture de la fiction. Il a donc lui-même organisé la destruction d'une partie des lettres qu'il avait reçues, en accord avec certains de ses correspondants, qui devaient de leur côté supprimer ses propres lettres. »
Quant aux auteurs français touchés par la censure: il n’y a quasiment pas eu de grands autodafés comme ceux qui se sont déroulés en Allemagne en 1933, c’était sporadique.
Les derniers grands autodafés connus en France ont été ceux organisés par l’Inquisition durant la répression des hérétiques, notamment les Cathares et les Vaudois, à la fin du Moyen-Age.
Les autodafés les plus violents et restés, malheureusement, dans la mémoire collective ont été ceux organisés le 10 mai 1933 à Berlin, suivi par ceux de Brême, Dresde, Francfort-sur-le-Main, Hanovre, Munich et Nuremberg. Les « listes noires » d’auteurs à éradiquer des bibliothèques et des librairies étaient composées en majorité d’Allemands, de confession juive ou d’idéologie communiste et antinazie. Vous avez un aperçu de la Liste noire de 94 auteurs établie par le bibliothécaire nazi Wolfgang Herrmann sur Wikipédia.
Parmi les auteurs français ne correspondants pas à « l’esprit allemand » figuraient, entre autres : André Gide, Marcel Proust, Romain Rolland et Henri Barbusse.
En ce qui concerne leur traitement sur le territoire français, on parle de censure et non plus d’autodafé.
La censure littéraire sous Vichy a touché aussi bien les éditeurs, qui pour la plupart ont fini par collaborer avec le régime nazi, que les auteurs de toutes les nationalités.
Ces auteurs ont été regroupés sur deux listes : la liste « Bernhard » et les plus connues, les listes « Otto ».
Liste Bernhard :
Datant de 1940, elle regroupait 143 ouvrages ne correspondant pas à « l’esprit allemand » ou n’ayant pu être lus par la Commission de censure. Par ailleurs figure sur cette liste Mein Kampf d’Adolf Hitler, parce que la traduction n’était composée que de morceaux choisis, et donc jugée comme « dévalorisant » les pensées du Führer.
Les listes Otto :
Ainsi nommée en référence à l'ambassadeur du Reich en France, Otto Abetz. Il y en a eu plusieurs, se complétant les unes les autres, entre septembre 1940 et mai 1943.
Vous pouvez consulter sur place les originaux de ces listes au fonds ancien de la BM de la Part-Dieu :
- Liste Otto : ouvrages retirés de la vente par les éditeurs ou interdits par les autorités allemandes
- Ouvrages littéraires non désirables en France. Liste des écrivains juifs de langue française
- La 1ère liste Otto de septembre 1940 est un document de 12 pages, et les ouvrages sont classés par éditeur. Elle comporte 1 060 titres. Les ouvrages concernés sont français et allemands, mais la liste est complétée par des ouvrages marxistes, des ouvrages de langue anglaise et russe (sauf les classiques), des ouvrages d’auteurs juifs ou des biographies sur des Juifs, comme le compositeur Offenbach.
Son application dans la zone occupée est suivie, quelques mois après, de celle dans la zone libre, à l'initiative du régime de Vichy.
- La 2nde liste Otto est classée par ordre alphabétique d’auteurs, et publiée en juillet 1942 avec un appendice datant de mai 1943. Elle contient 1 170 ouvrages et en annexe une liste de 739 « écrivains juifs de langue française ».
Voici quelques auteurs français connus figurant sur ces deux listes établies par la Censure : René Bazin, André Gide, André Maurois, Roland Dorgelès, Charles de Gaulle, Pierre Loti, Louis Aragon, Léon Blum, Paul Allard, Joseph Kessel, Paul Achard, Romain Rolland, Aristide Bruant, Henri Barbusse, André Malraux, Paul Claudel, Georges Duhamel.
Pour plus d’informations, nous vous invitons à consulter les ouvrages suivants concernant le monde littéraire sous l’Occupation en France :
L'édition française sous l'occupation : 1940-1944 de Pascal Fouché
Les intellectuels et l'Occupation, 1940-1944 : collaborer, partir, résister sous la dir. d'Albrecht Betz et Stefan Martens
La vie culturelle sous l'Occupation de Stéphanie Corcy
Le nazisme et la culture de Lionel Richard
La vie culturelle dans la France occupée d’Olivier Barrot et Raymond Chirat
Le Robert des grands écrivains de langue française sous la direction de Philippe Hamon et Denis Roger-Vasselin
Réponse du Guichet du Savoir à une question sur les listes Otto.
Nous conclurons avec cette citation prémonitoire d’Heinrich Heine, qui lui fit l’objet d’autodafé en Allemagne en 1933 :
« Là où on brûle des livres, on finit aussi par brûler des hommes » dans Almansor.
DANS NOS COLLECTIONS :
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