Question d'origine :
Bonjour,
Henri IV et Marie e Médicis ont eu un fils mort assez jeune que certains historiens ont nommé Nicolas. D'après ce que j'ai compris cet enfant n'a pas vraiment de prénom puisqu'il n'aurait pas été baptisé complètement. Est-ce que cet usage était fréquent tant dans la noblesse que pour le peuple? Et si oui, comment, au quotidien et dans l'intimité, appelait-on ces enfants qui n'avait pas de prénom?
Réponse du Guichet
gds_alc
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 24/09/2012 à 10h23
Bonjour,
A cette époque on parlait non pas de prénom mais de nom de baptême et le prénom était choisi en fonction d’un registre religieux (sur ce point voir en particulier Sociologie des prénoms). En outre, l’enfant n’était considéré que s’il avait été baptisé sinon il était damné. D’où l’importance du baptême.
Ainsi, comme le rappellent Stéfan Tzortzis et Isabelle Séguy dans leur article « Pratiques funéraires en lien avec les décès des nouveaux nés », (Socio-anthropologie, n°22 | 2008) :
Dans l’Europe médiévale et moderne, majoritairement catholique, le baptême était le principal rite qui conférait un statut au nouveau-né. Son importance et sa finalité ont évolué au cours des siècles, dans le souci de plus en plus pressant d’assurer le salut spirituel des enfants, êtres dont les chances de survie ne progressent qu’après le difficile passage des toutes premières années de l’existence. Cette inquiétude, qui allait de pair avec une dramatisation de la mort et de l’au-delà, explique les préoccupations constantes des autorités religieuses catholiques à faire baptiser les nouveaux-nés le plus tôt possible. Alors que ce sacrement intervenait généralement dans la première semaine au XVIe siècle, le baptême intervient la plupart du temps le jour même de la naissance à partir du XVIIe siècle. En modifiant peu à peu sa finalité première essentiellement tournée vers la vie et l’intégration à la communauté, le baptême apparaissait désormais comme une garantie pour l’au-delà chrétien (…) Non baptisés, les nouveaux-nés n’avaient pas reçu de nom, n’avaient pas de parents spirituels, ils n’appartenaient ni à la communauté des vivants ni à celle des morts. Véritables âmes en peine, ils ne pouvaient pas être inhumés en terre consacrée.
(…) Si les parents pouvaient accepter l’idée de la mort du nouveau-né, son exclusion de la communauté des chrétiens et la rupture avec la chaîne des générations que cela représente leur étaient en revanche intolérables. Cet ostracisme se manifestait en premier lieu par l’exclusion du cimetière paroissial. C’est pour éviter de perdre une seconde fois leur enfant qui, privé de la vie terrestre, allait l’être aussi du salut éternel, que les parents ont développé des pratiques de substitution avec la complicité des autorités religieuses locales, à défaut de l’aval de la hiérarchie épiscopale ou papale (…) L’Europe chrétienne a ainsi reporté sur les enfants morts sans baptême, la malédiction antique qui pesait sur les ahori, les enfants morts avant l’heure. Tout comme les larvae (les enfants décédés avant les rites de présentation) ne pouvaient franchir le Styx, les morts-nés non baptisés ne pouvaient pas entrer au Paradis. La doctrine de Saint Augustin, qui impose la nécessité du baptême comme condition du salut a toujours été réaffirmée. Les âmes des enfants morts sans baptême étaient condamnées sans doute possible à l’Enfer.
En outre, dans l’étude « Images du petit enfant mort dans l'histoire », Marie-France Morel (voir Études sur la mort , 1/2001 (no 119), p. 17-38, http://www.cairn.info/revue-etudes-sur- ... age-17.htm.) s’intéresse également aux principes du baptême et relate :
Qu’il ait vécu quelques minutes ou quelques mois, le bébé mort baptisé a un avenir de gloire: il va directement au paradis, où il devient un petit ange, proche de Dieu et de ses saints. S’il n’a pas eu cette chance, son avenir et celui de ses proches est bien triste.
4 C’est pourquoi, les naissances d’autrefois sont souvent des moments dramatiques, où se pose le problème du baptême à tout prix. Quand l’accouchement est difficile, quand le bébé se présente mal ou risque d’être mort-né, on essaie d’abord de le baptiser in utero, à l’aide de canules de formes variées, en faisant attention de ne verser l’eau que sur la tête, seule partie noble du corps. Si la mère meurt avant d’accoucher, c’est un des rares cas où un chirurgien a le droit de faire une césarienne, dans l’espoir (bien illusoire) que l’enfant survive quelques instants au décès de sa mère. Si l’enfant arrive à naître, et s’il a un souffle de vie, on l’ondoie au plus vite, pour que les gestes et les paroles du baptême aient un effet sur lui, tant qu’il vit. L’Église refuse en effet absolument le baptême des enfants morts (…) Mais si, malgré tous les efforts, le bébé n’a pu être baptisé avant de mourir, c’est le drame: il n’a pas reçu de nom et n’est intégré ni à la communauté des vivants, ni à celle des morts. Comme tous ceux qui sont morts trop tôt ou brutalement, il reste une âme insatisfaite, errante, qui revient sans cesse tourmenter les vivants. Son corps n’a pas droit à une sépulture en terre consacrée et il peut être enterré n’importe où, comme un animal, au pire dans un champ où son corps servira à «engraisser les choux», au mieux dans le jardin familial ou dans un coin non consacré du cimetière paroissial. La mort des nouveau-nés non baptisés est donc une situation impossible à vivre pour les parents.
Par ailleurs, dans Les enfants des limbes: mort-nés et parents dans l'Europe chrétienne Jacques Gélit décrit toutes les cérémonies permettant à l’enfant d’être baptisé.
Pour finir, aux XVIe et XVIIe siècles, l’enfant non baptisé n’était pas « considéré » et au mieux, le désignait-on par l’idée d’enfant des limbes. les enfants non baptisés étaient alors rarement inscrits sur les registres paroissiaux.
Pour approfondir cette question, vous trouverez sur internet, en version Pdf une étude d’Isabelle Séguy et Michel Signoli qui abordent cette thématique et essayent de quantifier le nombre d'enfants mort-nés: « quand la naissance côtoie la mort : pratiques funéraires et religion populaire en France au Moyen Age et à l’époque moderne ».
A cette époque on parlait non pas de prénom mais de nom de baptême et le prénom était choisi en fonction d’un registre religieux (sur ce point voir en particulier Sociologie des prénoms). En outre, l’enfant n’était considéré que s’il avait été baptisé sinon il était damné. D’où l’importance du baptême.
Ainsi, comme le rappellent Stéfan Tzortzis et Isabelle Séguy dans leur article « Pratiques funéraires en lien avec les décès des nouveaux nés », (Socio-anthropologie, n°22 | 2008) :
Dans l’Europe médiévale et moderne, majoritairement catholique, le baptême était le principal rite qui conférait un statut au nouveau-né. Son importance et sa finalité ont évolué au cours des siècles, dans le souci de plus en plus pressant d’assurer le salut spirituel des enfants, êtres dont les chances de survie ne progressent qu’après le difficile passage des toutes premières années de l’existence. Cette inquiétude, qui allait de pair avec une dramatisation de la mort et de l’au-delà, explique les préoccupations constantes des autorités religieuses catholiques à faire baptiser les nouveaux-nés le plus tôt possible. Alors que ce sacrement intervenait généralement dans la première semaine au XVIe siècle, le baptême intervient la plupart du temps le jour même de la naissance à partir du XVIIe siècle. En modifiant peu à peu sa finalité première essentiellement tournée vers la vie et l’intégration à la communauté, le baptême apparaissait désormais comme une garantie pour l’au-delà chrétien (…) Non baptisés, les nouveaux-nés n’avaient pas reçu de nom, n’avaient pas de parents spirituels, ils n’appartenaient ni à la communauté des vivants ni à celle des morts. Véritables âmes en peine, ils ne pouvaient pas être inhumés en terre consacrée.
(…) Si les parents pouvaient accepter l’idée de la mort du nouveau-né, son exclusion de la communauté des chrétiens et la rupture avec la chaîne des générations que cela représente leur étaient en revanche intolérables. Cet ostracisme se manifestait en premier lieu par l’exclusion du cimetière paroissial. C’est pour éviter de perdre une seconde fois leur enfant qui, privé de la vie terrestre, allait l’être aussi du salut éternel, que les parents ont développé des pratiques de substitution avec la complicité des autorités religieuses locales, à défaut de l’aval de la hiérarchie épiscopale ou papale (…) L’Europe chrétienne a ainsi reporté sur les enfants morts sans baptême, la malédiction antique qui pesait sur les ahori, les enfants morts avant l’heure. Tout comme les larvae (les enfants décédés avant les rites de présentation) ne pouvaient franchir le Styx, les morts-nés non baptisés ne pouvaient pas entrer au Paradis. La doctrine de Saint Augustin, qui impose la nécessité du baptême comme condition du salut a toujours été réaffirmée. Les âmes des enfants morts sans baptême étaient condamnées sans doute possible à l’Enfer.
En outre, dans l’étude « Images du petit enfant mort dans l'histoire », Marie-France Morel (voir Études sur la mort , 1/2001 (no 119), p. 17-38, http://www.cairn.info/revue-etudes-sur- ... age-17.htm.) s’intéresse également aux principes du baptême et relate :
Qu’il ait vécu quelques minutes ou quelques mois, le bébé mort baptisé a un avenir de gloire: il va directement au paradis, où il devient un petit ange, proche de Dieu et de ses saints. S’il n’a pas eu cette chance, son avenir et celui de ses proches est bien triste.
4 C’est pourquoi, les naissances d’autrefois sont souvent des moments dramatiques, où se pose le problème du baptême à tout prix. Quand l’accouchement est difficile, quand le bébé se présente mal ou risque d’être mort-né, on essaie d’abord de le baptiser in utero, à l’aide de canules de formes variées, en faisant attention de ne verser l’eau que sur la tête, seule partie noble du corps. Si la mère meurt avant d’accoucher, c’est un des rares cas où un chirurgien a le droit de faire une césarienne, dans l’espoir (bien illusoire) que l’enfant survive quelques instants au décès de sa mère. Si l’enfant arrive à naître, et s’il a un souffle de vie, on l’ondoie au plus vite, pour que les gestes et les paroles du baptême aient un effet sur lui, tant qu’il vit. L’Église refuse en effet absolument le baptême des enfants morts (…) Mais si, malgré tous les efforts, le bébé n’a pu être baptisé avant de mourir, c’est le drame: il n’a pas reçu de nom et n’est intégré ni à la communauté des vivants, ni à celle des morts. Comme tous ceux qui sont morts trop tôt ou brutalement, il reste une âme insatisfaite, errante, qui revient sans cesse tourmenter les vivants. Son corps n’a pas droit à une sépulture en terre consacrée et il peut être enterré n’importe où, comme un animal, au pire dans un champ où son corps servira à «engraisser les choux», au mieux dans le jardin familial ou dans un coin non consacré du cimetière paroissial. La mort des nouveau-nés non baptisés est donc une situation impossible à vivre pour les parents.
Par ailleurs, dans Les enfants des limbes: mort-nés et parents dans l'Europe chrétienne Jacques Gélit décrit toutes les cérémonies permettant à l’enfant d’être baptisé.
Pour finir, aux XVIe et XVIIe siècles, l’enfant non baptisé n’était pas « considéré » et au mieux, le désignait-on par l’idée d’enfant des limbes. les enfants non baptisés étaient alors rarement inscrits sur les registres paroissiaux.
Pour approfondir cette question, vous trouverez sur internet, en version Pdf une étude d’Isabelle Séguy et Michel Signoli qui abordent cette thématique et essayent de quantifier le nombre d'enfants mort-nés: « quand la naissance côtoie la mort : pratiques funéraires et religion populaire en France au Moyen Age et à l’époque moderne ».
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