Question d'origine :
On parle souvent d'instinct maternel, aussi bien chez l'homme que chez l'animal, pour expliquer un comportement protecteur et bienveillant de la mère...visiblement expliqué par un "instinct".
Mais est-ce vraiment prouvé scientifiquement ?
Réponse du Guichet

Bonjour,
La notion d’instinct maternel est loin de faire l’unanimité et le débat entre ce qui serait inné ou acquis est encore d’actualité. De nombreuses personnalités féministes comme Simone de Beauvoir dans le Deuxième Sexe démontrent en effet que la condition féminine n’est définie que par la société et la culture et l’idée d’instinct maternel ne serait donc qu’une création culturelle destinée à rejeter la femme dans son statut de mère nourricière.
Sarah Blaffer Hrdy qui se démarque de ces positionnements féministes s’est aussi interrogée sur la notion d’instinct maternel et a travaillé sur les différentes théories avancées jusqu’alors. Son travail est présenté dans un numéro de scienceshumaines.com consacré à l’instinct maternel. Voici donc ce qu’en dit Jean François Dortier :
Sarah Blaffer Hrdy revisite les thèses de la sociobiologie et du culturalisme. Pour l'une, les gènes programment les mères à aimer leurs petits. L'autre voit dans l'instinct maternel une pure construction sociale.
Quoi de plus attendrissant qu'une mère allaitant son enfant ? Qu'une chatte appelant désespérément ses petits disparus ? Charles Darwin partageait cette conviction. En témoignent ces propos du professeur Whewhell, qu'il cite dans La Filiation de l'homme : « Lorsqu'on lit les exemples touchants d'affection maternelle, rapportés si souvent au sujet des femmes de toutes les nations, et des femelles de tous les animaux, comment douter que le mobile de l'action ne soit le même dans les deux cas ? » Et ce mobile, c'est l'instinct maternel. Et Darwin de citer le chagrin des guenons lorsqu'elles perdent leur bébé ou le zèle qu'elles peuvent mettre parfois dans l'adoption de petits singes orphelins : « Une femelle babouin avait un coeur si grand qu'elle adoptait non seulement les jeunes singes d'autres espèces, mais volait aussi de jeunes chiens et chats, qu'elle emportait partout avec elle. » Fort de ces ressemblances évidentes entre les comportements des mères dans de nombreuses espèces animales et humaine, Darwin en concluait que l'affection maternelle faisait partie des instincts sociaux les plus puissants, et qu'elle poussait les mères humaines et animales à nourrir, laver, consoler et défendre leurs petits.
Contre cette évidence de l'instinct maternel, Elisabeth Badinter avait écrit en 1980 un livre choc, L'Amour en plus (Flammarion). Loin d'être une donnée naturelle, un instinct inscrit dans les gènes des femmes, l'amour maternel serait profondément modelé par le poids des cultures. Son dossier - bien ficelé - était de nature à ébranler les certitudes. Reprenant les travaux sur l'histoire de l'enfance, l'auteur en concluait que l'idée d'un amour maternel était une idée relativement neuve en Occident, qu'elle datait précisément des environs de 1760. Auparavant, du fait du nombre d'enfants qui mouraient en bas âge, des contraintes économiques qui pesaient sur la femme et, surtout, du peu de considération que l'on portait aux enfants (qu'on jugeait comme une sorte d'ébauche grossière d'être humain), l'attention apportée aux petits n'était pas si forte. De fait, le nombre d'enfants abandonnés ou laissés en nourrice montrait que beaucoup de mères n'étaient pas attachées à leurs petits. La littérature révèle aussi un nombre important de mères distantes et parfois brutales. Pour E. Badinter, ce n'est qu'à la fin du xviiie siècle que le rôle de mère a été valorisé et que le regard sur l'enfance a changé. C'est alors que l'on a enfermé les femmes dans le rôle de mère nourricière exigeant un dévouement total à sa progéniture.
Voilà le dossier sulfureux de l'instinct maternel qu'ouvre de nouveau Sarah Blaffer Hrdy. L'auteur est iconoclaste. Sociobiologiste, elle appartient à ce courant de pensée qui veut que les comportements sociaux (soins parentaux, conduites grégaires, altruisme) sont profondément ancrés dans les dispositifs biologiques des espèces animales. (…) Dans Les Instincts maternels, S. Blaffer Hrdy défend une thèse qui se démarque à la fois du déterminisme implacable des gènes et de la thèse culturaliste, qui fait de l'amour maternel une pure « construction sociale ». Pour l'auteur, il ne fait aucun doute qu'il existe des mécanismes biologiques qui attachent la mère à son petit. Mais ces mécanismes ne sont pas des pulsions aussi implacables que le besoin de manger ou de dormir. Pour passer de la prédisposition à l'amour maternel effectif, il y a une cascade de logiques qui s'enchaînent. Et c'est la complexité de ces mécanismes qu'elle entreprend de décrire…
Ce dossier reprend les diverses expériences menées par les scientifiques pour déterminer les processus qui pourraient stimuler l’instinct maternel. Néanmoins, Odile Fillod dans son article sur l’Instinct maternel, science et post-féminisme se montre très critique vis à vis du dossier et des thèses défendues par Hrdy. En effet cette jeune chercheuse (voir la présentation de son sujet de thèse portant sur La naturalisation des différences psychiques entre hommes et femmes par les sciences biomédicales contemporaines) analyse les publications en neurosciences, psychiatrie, neurologie, sciences comportementales et psychologie qui tendent à montrer les différences cérébrales, cognitives, psychologiques ou comportementales entre les sexes.
Pour compléter cette première approche et comparer les analyses, parfois controversées, des uns et des autres :
* La relation mère-enfant : instinct ou intuition ? / Marie-Dominique Amy, 2012 : L'auteure analyse ce qu'elle nomme l'utopie de l'instinct maternel et les dégâts que celle-ci peut provoquer chez de nombreuses mères. Se fondant sur son expérience de psychologue et psychanalyste et sur de nombreux cas cliniques, elle entame une réflexion sur les dérives et les avatars de la maternité et de la parentalité. Elle explique ainsi que l'amour maternel n'est pas donné à toute femme.
* Le conflit. La femme et la mère / Elisabeth Badinter, 2010 : Trente ans après « L'Amour en plus », il se livre une véritable guerre idéologique souterraine, dont on ne mesure pas encore pleinement les conséquences pour les femmes. Le retour en force du naturalisme - qui remet à l'honneur le concept bien usé d'instinct maternel - constitue le pire danger pour leur émancipation et l'égalité des sexes. À force d'entendre répéter qu'une mère doit tout à son enfant, son lait, son temps et son énergie, il est inévitable que de plus en plus de femmes reculent devant l'obstacle….
* Tout sur la mère [Revue] : les bonnes, les mauvaises et les autres / sous la dir. d'Olivier Postel-Vinay, 2011 : Qu’est-ce aujourd’hui qu’une bonne mère ou une mauvaise mère ? Jusqu’où peut, doit, aller son investissement dans ses enfants ? Pourquoi est-elle si couramment désignée comme coupable, voire haïe ? La mère absente, est-ce un drame ? Comment la tension entre travail et foyer est-elle vécue d’un pays à l’autre, d’une classe sociale à l’autre ? Quel est le bon âge pour devenir mère ? La femelle humaine reste-t-elle finalement proche de son état de mammifère et de primate, ou bien lui tourne-t-elle résolument le dos ? Doit-elle allaiter un peu, beaucoup, passionnément, pas du tout ?
* 9 mois, et caetera, Sophie Marinopoulos, Israël Nisand, 2007 : Les auteurs échangent et confrontent leurs avis sur la maternité, la paternité, la filiation, la reproduction, la famille. Les questions abordées révèlent la complexité des enjeux actuels autour de la naissance : qu'est-ce qu'une mère ? L'instinct maternel n'est-il pas un leurre ? Pourquoi un enfant à tout prix ? Le père se construit-il comme la mère ?
* Les instincts maternels / Sarah Blaffer Hrdy; trad. de l'américain Françoise Bouillot, 2002 : Qu'est-ce qu'un instinct maternel ? Existe-t-il plusieurs types d'instincts ? Convoquant l'éthologie, la biologie, l'histoire et l'anthropologie, cet ouvrage est un essai sur le comportement de la femme en situation de maternité.
* A.P. Wolf, « Maternal sentiments: How strong are they ? », Current Anthropology, vol. XLIV, n° 5, décembre 2003.
Moins scientifique mais tout aussi intéressant psychologies.com s’intéresse aussi à cette thématique et invite une psychologue, une psychanalyste, une anthropologue et une neurobiologiste à donner leur avis. À l’unanimité et sans hésitation, toutes ont eu la même réponse : l’instinct maternel n’existe pas. Car il n’est pas inné, mais se construit, ou non, au fil de l’histoire de chaque femme.
bonnes lectures
La notion d’instinct maternel est loin de faire l’unanimité et le débat entre ce qui serait inné ou acquis est encore d’actualité. De nombreuses personnalités féministes comme Simone de Beauvoir dans le Deuxième Sexe démontrent en effet que la condition féminine n’est définie que par la société et la culture et l’idée d’instinct maternel ne serait donc qu’une création culturelle destinée à rejeter la femme dans son statut de mère nourricière.
Sarah Blaffer Hrdy qui se démarque de ces positionnements féministes s’est aussi interrogée sur la notion d’instinct maternel et a travaillé sur les différentes théories avancées jusqu’alors. Son travail est présenté dans un numéro de scienceshumaines.com consacré à l’instinct maternel. Voici donc ce qu’en dit Jean François Dortier :
Sarah Blaffer Hrdy revisite les thèses de la sociobiologie et du culturalisme. Pour l'une, les gènes programment les mères à aimer leurs petits. L'autre voit dans l'instinct maternel une pure construction sociale.
Quoi de plus attendrissant qu'une mère allaitant son enfant ? Qu'une chatte appelant désespérément ses petits disparus ? Charles Darwin partageait cette conviction. En témoignent ces propos du professeur Whewhell, qu'il cite dans La Filiation de l'homme : « Lorsqu'on lit les exemples touchants d'affection maternelle, rapportés si souvent au sujet des femmes de toutes les nations, et des femelles de tous les animaux, comment douter que le mobile de l'action ne soit le même dans les deux cas ? » Et ce mobile, c'est l'instinct maternel. Et Darwin de citer le chagrin des guenons lorsqu'elles perdent leur bébé ou le zèle qu'elles peuvent mettre parfois dans l'adoption de petits singes orphelins : « Une femelle babouin avait un coeur si grand qu'elle adoptait non seulement les jeunes singes d'autres espèces, mais volait aussi de jeunes chiens et chats, qu'elle emportait partout avec elle. » Fort de ces ressemblances évidentes entre les comportements des mères dans de nombreuses espèces animales et humaine, Darwin en concluait que l'affection maternelle faisait partie des instincts sociaux les plus puissants, et qu'elle poussait les mères humaines et animales à nourrir, laver, consoler et défendre leurs petits.
Contre cette évidence de l'instinct maternel, Elisabeth Badinter avait écrit en 1980 un livre choc, L'Amour en plus (Flammarion). Loin d'être une donnée naturelle, un instinct inscrit dans les gènes des femmes, l'amour maternel serait profondément modelé par le poids des cultures. Son dossier - bien ficelé - était de nature à ébranler les certitudes. Reprenant les travaux sur l'histoire de l'enfance, l'auteur en concluait que l'idée d'un amour maternel était une idée relativement neuve en Occident, qu'elle datait précisément des environs de 1760. Auparavant, du fait du nombre d'enfants qui mouraient en bas âge, des contraintes économiques qui pesaient sur la femme et, surtout, du peu de considération que l'on portait aux enfants (qu'on jugeait comme une sorte d'ébauche grossière d'être humain), l'attention apportée aux petits n'était pas si forte. De fait, le nombre d'enfants abandonnés ou laissés en nourrice montrait que beaucoup de mères n'étaient pas attachées à leurs petits. La littérature révèle aussi un nombre important de mères distantes et parfois brutales. Pour E. Badinter, ce n'est qu'à la fin du xviiie siècle que le rôle de mère a été valorisé et que le regard sur l'enfance a changé. C'est alors que l'on a enfermé les femmes dans le rôle de mère nourricière exigeant un dévouement total à sa progéniture.
Voilà le dossier sulfureux de l'instinct maternel qu'ouvre de nouveau Sarah Blaffer Hrdy. L'auteur est iconoclaste. Sociobiologiste, elle appartient à ce courant de pensée qui veut que les comportements sociaux (soins parentaux, conduites grégaires, altruisme) sont profondément ancrés dans les dispositifs biologiques des espèces animales. (…) Dans Les Instincts maternels, S. Blaffer Hrdy défend une thèse qui se démarque à la fois du déterminisme implacable des gènes et de la thèse culturaliste, qui fait de l'amour maternel une pure « construction sociale ». Pour l'auteur, il ne fait aucun doute qu'il existe des mécanismes biologiques qui attachent la mère à son petit. Mais ces mécanismes ne sont pas des pulsions aussi implacables que le besoin de manger ou de dormir. Pour passer de la prédisposition à l'amour maternel effectif, il y a une cascade de logiques qui s'enchaînent. Et c'est la complexité de ces mécanismes qu'elle entreprend de décrire…
Ce dossier reprend les diverses expériences menées par les scientifiques pour déterminer les processus qui pourraient stimuler l’instinct maternel. Néanmoins, Odile Fillod dans son article sur l’Instinct maternel, science et post-féminisme se montre très critique vis à vis du dossier et des thèses défendues par Hrdy. En effet cette jeune chercheuse (voir la présentation de son sujet de thèse portant sur La naturalisation des différences psychiques entre hommes et femmes par les sciences biomédicales contemporaines) analyse les publications en neurosciences, psychiatrie, neurologie, sciences comportementales et psychologie qui tendent à montrer les différences cérébrales, cognitives, psychologiques ou comportementales entre les sexes.
Pour compléter cette première approche et comparer les analyses, parfois controversées, des uns et des autres :
* La relation mère-enfant : instinct ou intuition ? / Marie-Dominique Amy, 2012 : L'auteure analyse ce qu'elle nomme l'utopie de l'instinct maternel et les dégâts que celle-ci peut provoquer chez de nombreuses mères. Se fondant sur son expérience de psychologue et psychanalyste et sur de nombreux cas cliniques, elle entame une réflexion sur les dérives et les avatars de la maternité et de la parentalité. Elle explique ainsi que l'amour maternel n'est pas donné à toute femme.
* Le conflit. La femme et la mère / Elisabeth Badinter, 2010 : Trente ans après « L'Amour en plus », il se livre une véritable guerre idéologique souterraine, dont on ne mesure pas encore pleinement les conséquences pour les femmes. Le retour en force du naturalisme - qui remet à l'honneur le concept bien usé d'instinct maternel - constitue le pire danger pour leur émancipation et l'égalité des sexes. À force d'entendre répéter qu'une mère doit tout à son enfant, son lait, son temps et son énergie, il est inévitable que de plus en plus de femmes reculent devant l'obstacle….
* Tout sur la mère [Revue] : les bonnes, les mauvaises et les autres / sous la dir. d'Olivier Postel-Vinay, 2011 : Qu’est-ce aujourd’hui qu’une bonne mère ou une mauvaise mère ? Jusqu’où peut, doit, aller son investissement dans ses enfants ? Pourquoi est-elle si couramment désignée comme coupable, voire haïe ? La mère absente, est-ce un drame ? Comment la tension entre travail et foyer est-elle vécue d’un pays à l’autre, d’une classe sociale à l’autre ? Quel est le bon âge pour devenir mère ? La femelle humaine reste-t-elle finalement proche de son état de mammifère et de primate, ou bien lui tourne-t-elle résolument le dos ? Doit-elle allaiter un peu, beaucoup, passionnément, pas du tout ?
* 9 mois, et caetera, Sophie Marinopoulos, Israël Nisand, 2007 : Les auteurs échangent et confrontent leurs avis sur la maternité, la paternité, la filiation, la reproduction, la famille. Les questions abordées révèlent la complexité des enjeux actuels autour de la naissance : qu'est-ce qu'une mère ? L'instinct maternel n'est-il pas un leurre ? Pourquoi un enfant à tout prix ? Le père se construit-il comme la mère ?
* Les instincts maternels / Sarah Blaffer Hrdy; trad. de l'américain Françoise Bouillot, 2002 : Qu'est-ce qu'un instinct maternel ? Existe-t-il plusieurs types d'instincts ? Convoquant l'éthologie, la biologie, l'histoire et l'anthropologie, cet ouvrage est un essai sur le comportement de la femme en situation de maternité.
* A.P. Wolf, « Maternal sentiments: How strong are they ? », Current Anthropology, vol. XLIV, n° 5, décembre 2003.
Moins scientifique mais tout aussi intéressant psychologies.com s’intéresse aussi à cette thématique et invite une psychologue, une psychanalyste, une anthropologue et une neurobiologiste à donner leur avis. À l’unanimité et sans hésitation, toutes ont eu la même réponse : l’instinct maternel n’existe pas. Car il n’est pas inné, mais se construit, ou non, au fil de l’histoire de chaque femme.
bonnes lectures
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