Question d'origine :
Bonjour,
Crémieu dispose sous sa halle du 15e siècle de 4 mesures à grains. Mais sait-on qui les gérait ? En effet, le four banal étant affermé au fournier, je pensais que les mesures à grains devaient l'être aussi.
Merci beaucoup
Réponse du Guichet

« Parmi les témoins émouvants d’un lointain passé figurent les pierres creusées de cavités servant de mesure de capacité lors des transactions et parfois de mesure étalon. Avant la Révolution, les mesures étaient disparates, variant suivant les contrées sous la même dénomination, le volume était fort différent, engendrant des abus de commerçants peu honnêtes. Aussi les Seigneurs pour les châtellenies, les cités pour leurs foires, avaient fait creuser en la pierre les mesures pour les volumes, grains ou liquides. »
Si l’article Anciennes mesures à grains en Bugey paru dans Le Bugey (TomeXVIII, No 77) en 1990 répertorie plusieurs pierres creusées à cet usage, il ne nous apprend rien sur l’administration de ces mesures.
Dans Cremieu ancien et moderne de Dumoulin et Ronet (1848), on peut lire que Crémieu était « à la fois ville d’entrepôt, centre d’approvisionnement et marché régulateur du prix des grains pour tout le pays qui, dans un rayon de près de vingt lieues, s’étendait autour de son enceinte. ». La mesure des grains devait donc y avoir toute son importance. Il est peu probable que le fournier ait été aussi en charge de la pesée des grains, cette fonction étant plutôt liée au domaine marchand.
L’article d’Ernest Born paru dans la revue Evocations no 3 de janvier-février 1961, Les halles de Crémieu, ne répond pas non plus exactement à cette question, mais nous fournit quelques éléments de compréhension.
En voici quelques extraits :
« La charte de franchise accordée à Crémieu par le Dauphin Jean II en 1315 libérait les citoyens de la ville de leur état de cerf. La charte accordait aux citoyens le droit de se déplacer librement et de faire régir les affaires de la commune par leurs propres fonctionnaires (syndici) placés toutefois sous la protection du châtelain. La ville devint « l’un des principaux centres d’affaires, située comme elle l’était, à la croisée des grandes voies commerciales reliant la Suisse et la Savoie à l’Italie ».
« Nous pouvons raisonnablement supposer que le coût de la construction [de la halle] fut couvert par le Dauphin qui se réserva le droit de prélever des impôts sur les transactions du marché, de louer les stalles des marchands, de vérifier les poids et les mesures (…) D’après l’article 24 tous les poids et mesures utilisés à Crémieu devaient être marqués aux armes du Dauphin. »
« Tout près du pignon est, dans l’axe de la rangée sud des poteaux principaux, se dresse un grand comptoir en solide maçonnerie. Aux quatre coins de ce comptoir se trouvent des auges en pierre de taille sur lesquelles s’adaptaient au moyen âge les récipients cylindriques en métal ou en bois destinés à mesurer le grain. Ces auges ont à la base un orifice qui permettait au grain de s’écouler dans un sac ou dans un tonneau (20). Un système identique pour la mesure des grains existe encore sur le pont de la place du marché de Billom (Puy-de-Dôme) et dans maintes villes de France (21).
20) Un relevé des comptes du châtelain pour l’année 1390 nous donne une description exacte des mesures de capacité utilisées à Crémieu au XVe siècle. Ce sont : le Setier qui valait 2 hémines ; l’Hémine qui valait 2 bichets ; le Bichet qui valait 2 bichettes ; la Bichette qui valait 2 coupes, cf Delachenal
21) Camille Enlart, Manuel d’archéologie française, 1929 »
En annexe, l’auteur donne divers exemples de gestion de halles médiévales. Dans certains cas, le châtelain assurait l’entretien de la halle et percevait des impôts sur les ventes, dans d’autres cas la halle était confiée au corps des marchands contre une rente et la prise en charge de l’entretien des locaux. La halle pouvait aussi être louée à un intermédiaire se chargeant de surveiller la bonne marche des affaires, de percevoir les droits et de maintenir les bâtiments.
« Les seigneurs laïques n’avaient pas besoin d’intermédiaires, leur organisation militaire et juridique les leur fournissait ; leur châtelain et ses hommes, les fonctionnaires locaux constituaient déjà un personnel idéal. »
Dans un extrait consacré aux halles de Montmélian, on peut lire : « Le seigneur, comte de Savoie, a élevé la halle du marché ou maison de l’éminage, d’où ces droits d’éminage sur la vente des grains, ces droits de leydes sur les marchandises exposées, ses droits de poids et mesures perçus par les
Pour aller plus loin :
Charte communale de Crémieu, Roland Delachenal, 1886
A défaut de connaître précisément le fonctionnement de la mesure des grains à Crémieu, vous trouverez sur le web l’exemple des halles de Revel :
Les mesures à grain de la ville de Revel
« Pour les céréales, on utilise des mesures en pierre ; elles sont placées sur une estrade sous la halle ; leur chargement s'effectue par l'ouverture supérieure ; un employé, monté sur l'estrade, jette un sac plein sur son épaule et le vide lentement dans la mesure dont l'intérieur est taillé en plan incliné ; sa mesure remplie, il en « rase » l'orifice avec une latte et récupère l'excédent. Au bas de l'estrade, l'acheteur fixe alors son propre sac vide, ouverture béante, à deux crochets ; il ouvre la petite fenêtre inférieure de la mesure et le grain s'écoule dans son sac par gravité. Naturellement, l'employé peut remplir les mesures à l'avance et servir les clients avec la mesure qui leur convient.
Il y a un droit attaché à cette fonction : ce droit de mesurage est appelé droit de coupe ; le roi l'a accordé à la communauté de Revel dans la charte de fondation ; régulièrement, les consuls l'afferment, sur enchères, à un citoyen honorablement connu et solvable, qui remet en fin d'année le montant de la ferme au trésorier de la « maison de ville » ; l'excédent constitue la rémunération du fermier. Au milieu du 17e siècle, les consuls donnent la ferme de tous les droits de la ville à M. de Riquet, le créateur de Saint-Ferréol et du canal du Midi, pour qu'il se rembourse des énormes prêts qu'il avait faits à la ville, fort endettée à différents titres. Vers 1740, le droit de coupe est d'un sol par setier de grain. »
Pour aller plus loin, vous pourriez contacter les Heures de Crémieu, association d’historiens locaux qui sera certainement ravie de vous répondre.
Pour en savoir plus sur les poids et mesures à travers l’histoire, faites un détour par la Maison du patrimoine et de la mesure à La Talaudière (Loire) citée dans le numéro de l’Araire consacré aux Foires et marchés en pays lyonnais.
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