Mythologie germanique et scandinave : la même chose ?
CIVILISATION
+ DE 2 ANS
Le 21/08/2013 à 19h36
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Question d'origine :
Bonjour à toute l'équipe !
Au cours de mes recherches sur les différentes mythologies existantes, je suis tombée sur plusieurs similitudes entre les mythologies germanique et scandinave. Par exemple, Odin devient Wotan, Sigurd devient Siegried, etc.
Quelles sont les différences et les similitudes entre les deux ?
Et surtout, quels sont les dieux et déesses de ces deux mythologies ?
Je vous remercie d'avance de votre réponse !
Réponse du Guichet

Bonjour,
La réponse à votre question est un peu complexe pour plusieurs raisons : les sources qui permettent de se faire une idée de ces mythologies sont très tardives, la notion de « germanique » est elle aussi tardive et un peu floue, le brassage des peuples du Nord a été tel qu’il est difficile de rendre à César ce qui lui revient et l’étude de ces mythologies est par conséquent pour une part faite de supputations et interprétations. Mais en bref, si mythologie scandinave et mythologie germanique (continentale, puisque la mythologie scandinave est dite également germanique) ont des origines communes, de nombreux auteurs ont souligné leurs spécificités.
Pour commencer, les articles de Wikipedia introduisent relativement clairement le problème.
Dans l’article Mythologie nordique, on peut lire : « Il s'agit d'une variante régionale et historique de la plus vaste mythologie germanique », la suite vous renseignera par ailleurs sur les sources et les principaux dieux.
Dans l’article Mythologie germanique :
« La mythologie germanique est une version remaniée de diverses mythologies plus anciennes des peuples germaniques. Comme la mythologie nordique est la mieux connue de ces mythologies, les deux termes sont souvent utilisés de façon interchangeable ».
Enfin l’article Mythologie germanique continentale différencie mythologie du continent et mythologie des pays scandinaves.
L’Encyclopaedia Universalis, consultable en ligne sur les postes de la BML, parle elle de mythologie germano-nordique et souligne les problèmes évoqués :
« Malgré les nombreuses études qu'elle a suscitées, la mythologie germano-nordique reste très mal connue, en raison, avant tout, de l'indigence des documents dont nous disposons. Nos sources principales, les Eddas (Edda poétique, XIIe siècle, Edda de Snorri Sturluson, env. 1220) sont trop récentes et imprégnées de christianisme ; et tous les autres témoins (archéologiques et runiques ; écrits non germaniques) posent de graves problèmes d'élucidation. De plus, on est très mal renseigné sur ce qu'étaient les Germains : des Indo-Européens, à coup sûr, qui ont investi leur aire d'implantation actuelle, en vagues successives, à partir du IIIe millénaire avant J.-C., mais qui tirent leur originalité des divers fonds autochtones qu'ils ont assujettis et sur lesquels on ne sait à peu près rien. »
Article de Régis BOYER, Pierre-Yves LAMBERT, Universalis, « MYTHOLOGIES - - Dieux des peuples "barbares" », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 22 août 2013.
« Le concept même de Germains, tel qu'on l'utilise à présent, est essentiellement de nature linguistique. Confusément ressenti pendant très longtemps, il n'a en effet pris forme rigoureuse qu'au xixe siècle, quand la nouvelle science linguistique parvint, principalement en Allemagne, à élaborer une classification méthodique des langues indo-européennes. Caractérisés notamment par un certain nombre de traits phonétiques communs, tels ceux qui dérivent de la « première mutation consonantique », les parlers germaniques forment un ensemble bien délimité et cohérent qui couvre une grande partie de l'Europe centrale et septentrionale et qui, depuis le Moyen Âge, a largement essaimé outre-mer. Sans se dissimuler les discordances qui existent souvent entre faits linguistiques et faits sociaux ou politiques, les historiens emploient couramment ce concept pour l'Antiquité et le haut Moyen Âge. Ils traitent même volontiers comme des entités historiques les vastes ensembles que les linguistes discernent à l'intérieur du monde germanique : peuples de parlers nordiques (ou scandinaves), peuples ostiques, peuples westiques. […]
Un fonds commun :
On entrevoit un panthéon commun, formé de plusieurs couches chronologiques ; plus tard, les Scandinaves distingueront les Vanes, dieux anciens passés à une sorte d'honorariat, et les Ases, régents effectifs du monde présent. Il y a aussi différents niveaux d'activité : à quelques grandes divinités, qui sont ou seront les héros d'une mythologie, s'oppose une foule d'êtres semi-divins de caractère local ou personnel. Mais il est difficile de dresser un tableau cohérent : les sources principales dont on dispose, l'exposé de Tacite, profondément influencé par les conceptions méditerranéennes, et les poèmes islandais de l'Edda (xiiie s.), sont séparées par plus de trente générations. Les principales figures divines sont Wôthanaz (vieux norrois Odhinn, all. Wotan), dieu de la Magie et de la Victoire, Tiuz (Tŷr, Ziu), dieu du Droit et des Assemblées, Thunraz (Thôrr, Donar), dieu du Tonnerre, puis les divinités de la Guerre et de la Fécondité, la déesse Nerthus de Tacite (pour les Scandinaves, c'est un dieu, Njördhr) et Freyr avec sa parèdre Freyja. Le culte est mal connu ; on ne saisit guère pour les hautes époques que quelques fragments du rituel : sacrifice des prisonniers et immersion des armes rendues inutilisables après une victoire, processions avec des chars sacrés, portant parfois une effigie divine, pratiques propitiatoires et divinatoires. La plupart des lieux de culte sont des sites naturels à peine aménagés. L'iconographie religieuse est peu développée. »
Article de Lucien MUSSET, « GERMAINS », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 22 août 2013.
« Rien n’est plus impur que la religion nordique dans l’état où nous la connaissons : en strates successives, le temps y a déposé les apports de civilisations nombreuses, à jamais enfouies dans la mémoire, et ce sont des clercs chrétiens qui ont consigné la plupart des textes dont nous disposons. Mais les gravures rupestres du Bohuslän, les conjurations de Merseburg et l’ Edda de Snorri sont d’accord sur un point : plus haut que les dieux et les mythes, plus fort que le temps et la mort à laquelle il préside, se dresse le Destin. Nulle part, cette obsession n’éclate mieux que dans le complexe Edda héroïque-Völsunga Saga- Nibelungenlied : il ne s’y trouve pas un seul personnage important qui ne connaisse d’avance son lot, tout a été annoncé dans le détail. » note également Régis Boyer dans L’edda poétique. L’auteur, spécialiste de la civilisation scandinave, s’attache à analyser la mythologie spécifiquement nordique, notamment dans Yggdrasill : la religion des anciens scandinaves (« l’on prendra garde que ce livre s’intéresse expressément à la religion nordique ou scandinave, non à la religion germanique », p. 11).
Pour la question de l’origine, communément nommée question de la poule et de l’œuf
, vous pouvez lire en ligne le chapitre IV du livre Germains et Slaves, origines et croyances, de André Lefèvre, 1903, qui contient aussi les noms et histoires des dieux, sur les pages Mythologie germanique et scandinave et pour le cas précis des Nibelungen l’article de Pierre SERVANT, Georges ZINK, « NIBELUNGEN », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 22 août 2013 :
« Les témoignages nordiques
Il peut paraître singulier qu'antérieurement à la fin du xiie siècle les légendes du cycle des Nibelungen aient laissé si peu de traces en Allemagne : tout au plus peut-on signaler la présence de Gunther et de Hagen dans un poème latin du début du xe siècle, le Waltharius. Cela se comprend cependant, car les poèmes qui les relataient ne se transmettaient que par la tradition orale, et il ne s'est trouvé personne pour les noter.
Mais, d'Allemagne, ces légendes étaient passées dans les pays scandinaves et, grâce à l'Islande, on possède des documents dont les plus anciens remontent sans doute au ixe ou au xe siècle. L'abondance de ces textes met en lumière le prestige dont jouissaient les légendes dont les héros étaient Sigurd (Siegfried), Brynhild, Gudrun (Kriemhild), Gunnar (Gunther), Högni (Hagen), Atli (Etzel). Bragi, le plus ancien des scaldes norvégiens connus, y fait déjà allusion vers 850 ; la plupart des chants de l'Edda s'en inspirent ; Snorri Sturluson en donne un bref résumé dans son Edda en prose ; elles sont relatées avec force détails dans la Völsungasaga et, dans certaines régions, les ballades populaires en ont gardé le souvenir jusqu'à l'époque moderne.
Entre les versions nordiques et la Chanson des Nibelungen, on relève des divergences sensibles. …. »
Et, par Thor !, si vous voulez encore approfondir la question voici quelques références :
Les principales sources :
- La Germanie, Tacite
- La saga de Sigurdr, (Völsunga saga. français), Régis Boyer
- La Chanson des Nibelungen
- Edda, Snorri Sturluson
Et aussi sur la mythologie spécifiquement allemande :
- la recension du classique Mythologie allemande, par Jacob Grimm, dans le Journal général de l'Instruction publique, 1835, en ligne.
- La mythologie allemande, Paul Hermann
Plus généralement :
- Religion nordique, sur Cosmovisons.com
- Dictionnaire de mythologie et de symbolique nordique et germanique
- Héros et dieux du Nord
- Mythe et mythologie du Nord ancien, Europe, août-septembre 2006
- Histoire des littératures scandinaves, Régis Boyer
Bien sûr vous y trouverez les dieux et déesses de ces mythologies, dont vous avez un bel aperçu dans les articles Pantheon de la mythologie nordique, et List of germanic deities sur Wikipedia.
En piece jointe un résumé avec une carte et des encarts avec les dieux scandinaves et les dieux germaniques.
Bonnes lectures !
La réponse à votre question est un peu complexe pour plusieurs raisons : les sources qui permettent de se faire une idée de ces mythologies sont très tardives, la notion de « germanique » est elle aussi tardive et un peu floue, le brassage des peuples du Nord a été tel qu’il est difficile de rendre à César ce qui lui revient et l’étude de ces mythologies est par conséquent pour une part faite de supputations et interprétations. Mais en bref, si mythologie scandinave et mythologie germanique (continentale, puisque la mythologie scandinave est dite également germanique) ont des origines communes, de nombreux auteurs ont souligné leurs spécificités.
Pour commencer, les articles de Wikipedia introduisent relativement clairement le problème.
Dans l’article Mythologie nordique, on peut lire : « Il s'agit d'une variante régionale et historique de la plus vaste mythologie germanique », la suite vous renseignera par ailleurs sur les sources et les principaux dieux.
Dans l’article Mythologie germanique :
« La mythologie germanique est une version remaniée de diverses mythologies plus anciennes des peuples germaniques. Comme la mythologie nordique est la mieux connue de ces mythologies, les deux termes sont souvent utilisés de façon interchangeable ».
Enfin l’article Mythologie germanique continentale différencie mythologie du continent et mythologie des pays scandinaves.
L’Encyclopaedia Universalis, consultable en ligne sur les postes de la BML, parle elle de mythologie germano-nordique et souligne les problèmes évoqués :
« Malgré les nombreuses études qu'elle a suscitées, la mythologie germano-nordique reste très mal connue, en raison, avant tout, de l'indigence des documents dont nous disposons. Nos sources principales, les Eddas (Edda poétique, XIIe siècle, Edda de Snorri Sturluson, env. 1220) sont trop récentes et imprégnées de christianisme ; et tous les autres témoins (archéologiques et runiques ; écrits non germaniques) posent de graves problèmes d'élucidation. De plus, on est très mal renseigné sur ce qu'étaient les Germains : des Indo-Européens, à coup sûr, qui ont investi leur aire d'implantation actuelle, en vagues successives, à partir du IIIe millénaire avant J.-C., mais qui tirent leur originalité des divers fonds autochtones qu'ils ont assujettis et sur lesquels on ne sait à peu près rien. »
Article de Régis BOYER, Pierre-Yves LAMBERT, Universalis, « MYTHOLOGIES - - Dieux des peuples "barbares" », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 22 août 2013.
« Le concept même de Germains, tel qu'on l'utilise à présent, est essentiellement de nature linguistique. Confusément ressenti pendant très longtemps, il n'a en effet pris forme rigoureuse qu'au xixe siècle, quand la nouvelle science linguistique parvint, principalement en Allemagne, à élaborer une classification méthodique des langues indo-européennes. Caractérisés notamment par un certain nombre de traits phonétiques communs, tels ceux qui dérivent de la « première mutation consonantique », les parlers germaniques forment un ensemble bien délimité et cohérent qui couvre une grande partie de l'Europe centrale et septentrionale et qui, depuis le Moyen Âge, a largement essaimé outre-mer. Sans se dissimuler les discordances qui existent souvent entre faits linguistiques et faits sociaux ou politiques, les historiens emploient couramment ce concept pour l'Antiquité et le haut Moyen Âge. Ils traitent même volontiers comme des entités historiques les vastes ensembles que les linguistes discernent à l'intérieur du monde germanique : peuples de parlers nordiques (ou scandinaves), peuples ostiques, peuples westiques. […]
Un fonds commun :
On entrevoit un panthéon commun, formé de plusieurs couches chronologiques ; plus tard, les Scandinaves distingueront les Vanes, dieux anciens passés à une sorte d'honorariat, et les Ases, régents effectifs du monde présent. Il y a aussi différents niveaux d'activité : à quelques grandes divinités, qui sont ou seront les héros d'une mythologie, s'oppose une foule d'êtres semi-divins de caractère local ou personnel. Mais il est difficile de dresser un tableau cohérent : les sources principales dont on dispose, l'exposé de Tacite, profondément influencé par les conceptions méditerranéennes, et les poèmes islandais de l'Edda (xiiie s.), sont séparées par plus de trente générations. Les principales figures divines sont Wôthanaz (vieux norrois Odhinn, all. Wotan), dieu de la Magie et de la Victoire, Tiuz (Tŷr, Ziu), dieu du Droit et des Assemblées, Thunraz (Thôrr, Donar), dieu du Tonnerre, puis les divinités de la Guerre et de la Fécondité, la déesse Nerthus de Tacite (pour les Scandinaves, c'est un dieu, Njördhr) et Freyr avec sa parèdre Freyja. Le culte est mal connu ; on ne saisit guère pour les hautes époques que quelques fragments du rituel : sacrifice des prisonniers et immersion des armes rendues inutilisables après une victoire, processions avec des chars sacrés, portant parfois une effigie divine, pratiques propitiatoires et divinatoires. La plupart des lieux de culte sont des sites naturels à peine aménagés. L'iconographie religieuse est peu développée. »
Article de Lucien MUSSET, « GERMAINS », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 22 août 2013.
« Rien n’est plus impur que la religion nordique dans l’état où nous la connaissons : en strates successives, le temps y a déposé les apports de civilisations nombreuses, à jamais enfouies dans la mémoire, et ce sont des clercs chrétiens qui ont consigné la plupart des textes dont nous disposons. Mais les gravures rupestres du Bohuslän, les conjurations de Merseburg et l’ Edda de Snorri sont d’accord sur un point : plus haut que les dieux et les mythes, plus fort que le temps et la mort à laquelle il préside, se dresse le Destin. Nulle part, cette obsession n’éclate mieux que dans le complexe Edda héroïque-Völsunga Saga- Nibelungenlied : il ne s’y trouve pas un seul personnage important qui ne connaisse d’avance son lot, tout a été annoncé dans le détail. » note également Régis Boyer dans L’edda poétique. L’auteur, spécialiste de la civilisation scandinave, s’attache à analyser la mythologie spécifiquement nordique, notamment dans Yggdrasill : la religion des anciens scandinaves (« l’on prendra garde que ce livre s’intéresse expressément à la religion nordique ou scandinave, non à la religion germanique », p. 11).
Pour la question de l’origine, communément nommée question de la poule et de l’œuf

« Les témoignages nordiques
Il peut paraître singulier qu'antérieurement à la fin du xiie siècle les légendes du cycle des Nibelungen aient laissé si peu de traces en Allemagne : tout au plus peut-on signaler la présence de Gunther et de Hagen dans un poème latin du début du xe siècle, le Waltharius. Cela se comprend cependant, car les poèmes qui les relataient ne se transmettaient que par la tradition orale, et il ne s'est trouvé personne pour les noter.
Mais, d'Allemagne, ces légendes étaient passées dans les pays scandinaves et, grâce à l'Islande, on possède des documents dont les plus anciens remontent sans doute au ixe ou au xe siècle. L'abondance de ces textes met en lumière le prestige dont jouissaient les légendes dont les héros étaient Sigurd (Siegfried), Brynhild, Gudrun (Kriemhild), Gunnar (Gunther), Högni (Hagen), Atli (Etzel). Bragi, le plus ancien des scaldes norvégiens connus, y fait déjà allusion vers 850 ; la plupart des chants de l'Edda s'en inspirent ; Snorri Sturluson en donne un bref résumé dans son Edda en prose ; elles sont relatées avec force détails dans la Völsungasaga et, dans certaines régions, les ballades populaires en ont gardé le souvenir jusqu'à l'époque moderne.
Entre les versions nordiques et la Chanson des Nibelungen, on relève des divergences sensibles. …. »
Et, par Thor !, si vous voulez encore approfondir la question voici quelques références :
Les principales sources :
- La Germanie, Tacite
- La saga de Sigurdr, (Völsunga saga. français), Régis Boyer
- La Chanson des Nibelungen
- Edda, Snorri Sturluson
Et aussi sur la mythologie spécifiquement allemande :
- la recension du classique Mythologie allemande, par Jacob Grimm, dans le Journal général de l'Instruction publique, 1835, en ligne.
- La mythologie allemande, Paul Hermann
Plus généralement :
- Religion nordique, sur Cosmovisons.com
- Dictionnaire de mythologie et de symbolique nordique et germanique
- Héros et dieux du Nord
- Mythe et mythologie du Nord ancien, Europe, août-septembre 2006
- Histoire des littératures scandinaves, Régis Boyer
Bien sûr vous y trouverez les dieux et déesses de ces mythologies, dont vous avez un bel aperçu dans les articles Pantheon de la mythologie nordique, et List of germanic deities sur Wikipedia.
En piece jointe un résumé avec une carte et des encarts avec les dieux scandinaves et les dieux germaniques.
Bonnes lectures !
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