Question d'origine :
- En 1917, un de mes ancêtres (Felix-Aman Nau) a été prisonnier de guerre et soigné à Lungern (Suisse). Y soignait-on des soldats français ou allemands ? Existe-il des documents permettant de préciser son régiment d'origine ?
- son fils Georges Nau est mort le 2- 8-1920 au sanatorium de Villeneuve d'Amont (Doubs) des suites d'une blessure de guerre. Cet établissement accueillit-il des soldats français ou allemands ? Existe-il des documents ?
Ces deux personnages étaient mosellans, donc en théorie soldats allemands, mais des photos les montrent en uniforme français...
D'où mes hésitations.
Merci d'avance.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 19/09/2013 à 07h05
Bonjour,
L’internement de prisonniers en pays neutres :
C’est suite à une conversation intervenue entre le 18 février 1915 entre Gustave Ador, président du CICR et membre du conseil des Etats helvétiques, et Alexandre Millerand, ministre français de la guerre, que le gouvernement suisse, appuyé dans sa démarche par le président du Comité international de la Croix-Rouge, propose à Paris, Berlin et Vienne, d’accueillir sur son territoire un contingent de prisonniers de guerre blessés. Celui – ci se composerait de 10 000 Allemands et Austro-Hongrois et autant de Français. La démarche, animée par un souci d’humanité, vise à offrir à ces hommes des soins indispensables à leur guérison, que les puissances captrices, débordées par l’ampleur de leurs propres pertes peuvent de plus en plus difficilement assumer. Malheureusement, l’offre de la Confédération reçoit un accueil mitigé, principalement de la part de L’Allemagne… La diplomatie internationale ne se décourage pas face à ce premier échec. Le 3 juin 1915, disposant cette fois du concours du pape Benoît XV et de l’ambassadeur des Etats-Unis en poste à Paris, elle invite les belligérants à réserver une issue favorable à la proposition suisse. L’accord entre Paris et Berlin est fragile et surtout moins ambitieux, puisqu’in ne porte que sur 2000 prisonniers, pris non pas parmi les traumatisés du champ de bataille, mais dans les rangs des malades les plus atteints de tuberculose. Pour autant , rien n’est encore officiellement signé. En fait, sans l’avouer, chaque camp redoute de voir des prisonniers valides rejoindre la Suisse, antichambre d’une évasion facile vers leur pays d’origine, laquelle serait synonyme d’un retour au front. Aussi Français et Allemands imposent des règles de contrôle sanitaire si drastiques, qu’il apparaît nécessaire de réduire encore le nombre des bénéficiaires. Finalement, le premier accord d’internement est paraphé par les tris parties le 15 janvier 1916, l’Allemagne et la France s’engageant « à restituer à la Suisse les évadés » et les autorités helvétique n’assumant « aucune responsabilité en cas d’évasion ». Mis en œuvre dès le 26, il ne porte que sur 200 malades. Toutefois l’arrivée en Suisse de ces deux premiers convois composés de 100 tuberculeux chacun n’ayant généré aucun problème, d’autres suivent immédiatement ; Les candidats à. l’internement sont rapidement sélectionnés sur la base de 12 affections, par la suite portées à 20 …
Le 6 février 1916, une seconde vague d’internement comptant 386 allemands et 884 Allemands arrive en Suisse. La différence d’effectifs entre les deux pays tient au contenu de l’accord : le nombre d’internés. N’est pas subordonné à une réciprocité arithmétique, mais est déterminé par les infirmités et les maladies dont sont atteints les intéressés à un moment où L’Allemagne détient beaucoup plus de prisonniers que la France. Les convois, au départ de Coblence de l’Allemane et de Lyon depuis la France, se multiplient pendant le printemps 1916, à tel point que le nombre d’internés décuple entre mars et août, pour atteindre 11689 Français et 3629 Allemands. Bien qu’arrivant à un rythme plus lent après cette date, l’effectif des internés ne cesse de s’accroître en Suisse pendant l’année 1917, pour atteindre les 32500 au 1er janvier 1918, dont 19769 Français. Entre temps, des Britanniques, mais également des Belges et même quelques russes ont été admis à l’internement In : Les prisonniers en 1914-1918
Voir aussi l’article « prisonnier de guerre » dans : Dictionnaire de la Grande Guerre
Pour avoir des renseignements sur le régiment d’origine de votre aïeul, il serait judicieux de vous adresser au Service historique de la Défense
Quant au Sanatorium de Villeneuve d’Amont, les archives ne seront communicables qu’en 2075 ; par conséquent, rien ne nous permet de connaître la nationalité des hospitalisés ; il est cependant aisé de supputer que les « pensionnaires » étaient essentiellement Français, étant donné la pénurie de lits en temps de guerre. En outre la France affichait un retard certain par rapport à l’ Allemagne pour ces établissements dédiés aux phtisiques :
Le premier hôpital entièrement dédié aux phtisiques (tuberculose pulmonaire) fut en France celui de Sainte-Marie de Villepinte (Seine-Saint-Denis) achevé en 1880, sur initiative de l’« œuvre des jeunes filles poitrinaires » crée en 1878. Un second hôpital de phtisiques fut achevé 8 ans plus tard (en 1888) à Ormesson (Val-de-Marne) uniquement destiné à soigner de jeunes garçons de 2 à 16 ans, géré par l’« Œuvre des enfants tuberculeux » également créé en 1888. Une succursale en sera ouverte à Villiers-sur-Marne en 18932. À cette époque, plusieurs dizaines de sanatoriums existaient déjà en Allemagne, et plusieurs étaient en activité en Suisse et aux Etats-Unis ( Source)
Venons-en à la dernière partie de votre question :
Le 10 mai 1871, à la suite de la victoire de la Prusse sur la France, le traité de Francfort sanctionne l’annexion par l’ Allemagne des départements français du Bas-Rhin, du Haut-Rhin (sauf Belfort), de la Moselle (sauf Briey), d’une partie de la Meurthe et de quelques communes des Vosges… Les habitants de cette région qui entendent conserver leur nationalité ont jusqu’au 1er octobre 1872 pour opter en faveur de la France, mais ils sont alors contraints de quitter le Reichsland, aussitôt remplacés par des immigrants allemands.In : Boches ou tricolores
Sujets allemands depuis le traité de Frankfort, Alsaciens et Lorrains annexés sont tout naturellement incorporés dans l’armée de guillaume II- surtout dans les régiments prussiens- au moment de la mobilisation générale.. En tout, près de 380 000 d’entre eux auraient servi sous les drapeaux du Reich au cours de la guerre. Dans la vie quotidienne aux armées, les militaires originaires du Reichsland ne semblent pas avoir été l’objet de mesures discriminatoires de la part des autorités allemandes, sauf cas isolés. Au début de la guerre, ils servent aussi bien sur le front occidental que sur le front oriental. Mais au printemps 1915, une directive recommande, en raison d’un taux de désertion élevé, de les envoyer en priorité en Russie et d’éviter de leur confier des postes de confiance…
Les prisonniers alsaciens-lorrains capturés par les Alliés sont visités par des commissions françaises de triage ; ceux qui sont considérés comme « d’origine et de sentiment français » sont dirigés sur les « camps de faveur » de Saint-Rambert, Monistrol et Lourdes. Une loi du 5 août 1914 accorde la nationalité française à tout Alsacien- Lorrain qui souscrit un engagement dans l’armée française : si l’on ajoute les internés civils aux prisonniers de guerre, ce sont de 16 000 à 25 000 hommes qui profitent de cette possibilité. Ils sont alors dotés d’une fausse identité pour leur éviter d’être exécutés pour trahison en cas de capture par l’armée allemande… Par ailleurs, des milliers d’Alsaciens-Lorrains de nationalité française avant la guerre ( des descendants de ceux qui avaient fait ce choix en 1872) servent sous l’uniforme français, (c’est le cas des généraux Mangin et d’Armau de Pouydraguin.Source : Dictionnaire de la Grande Guerre
Voir aussi :
Oubliés de la grande guerre : humanitaire et culture de guerre, populations occupées, déportés civils, prisonniers de guerre par Annette Becker
L’internement de prisonniers en pays neutres :
C’est suite à une conversation intervenue entre le 18 février 1915 entre Gustave Ador, président du CICR et membre du conseil des Etats helvétiques, et Alexandre Millerand, ministre français de la guerre, que le gouvernement suisse, appuyé dans sa démarche par le président du Comité international de la Croix-Rouge, propose à Paris, Berlin et Vienne, d’accueillir sur son territoire un contingent de prisonniers de guerre blessés. Celui – ci se composerait de 10 000 Allemands et Austro-Hongrois et autant de Français. La démarche, animée par un souci d’humanité, vise à offrir à ces hommes des soins indispensables à leur guérison, que les puissances captrices, débordées par l’ampleur de leurs propres pertes peuvent de plus en plus difficilement assumer. Malheureusement, l’offre de la Confédération reçoit un accueil mitigé, principalement de la part de L’Allemagne… La diplomatie internationale ne se décourage pas face à ce premier échec. Le 3 juin 1915, disposant cette fois du concours du pape Benoît XV et de l’ambassadeur des Etats-Unis en poste à Paris, elle invite les belligérants à réserver une issue favorable à la proposition suisse. L’accord entre Paris et Berlin est fragile et surtout moins ambitieux, puisqu’in ne porte que sur 2000 prisonniers, pris non pas parmi les traumatisés du champ de bataille, mais dans les rangs des malades les plus atteints de tuberculose. Pour autant , rien n’est encore officiellement signé. En fait, sans l’avouer, chaque camp redoute de voir des prisonniers valides rejoindre la Suisse, antichambre d’une évasion facile vers leur pays d’origine, laquelle serait synonyme d’un retour au front. Aussi Français et Allemands imposent des règles de contrôle sanitaire si drastiques, qu’il apparaît nécessaire de réduire encore le nombre des bénéficiaires. Finalement, le premier accord d’internement est paraphé par les tris parties le 15 janvier 1916, l’Allemagne et la France s’engageant « à restituer à la Suisse les évadés » et les autorités helvétique n’assumant « aucune responsabilité en cas d’évasion ». Mis en œuvre dès le 26, il ne porte que sur 200 malades. Toutefois l’arrivée en Suisse de ces deux premiers convois composés de 100 tuberculeux chacun n’ayant généré aucun problème, d’autres suivent immédiatement ; Les candidats à. l’internement sont rapidement sélectionnés sur la base de 12 affections, par la suite portées à 20 …
Le 6 février 1916, une seconde vague d’internement comptant 386 allemands et 884 Allemands arrive en Suisse. La différence d’effectifs entre les deux pays tient au contenu de l’accord : le nombre d’internés. N’est pas subordonné à une réciprocité arithmétique, mais est déterminé par les infirmités et les maladies dont sont atteints les intéressés à un moment où L’Allemagne détient beaucoup plus de prisonniers que la France. Les convois, au départ de Coblence de l’Allemane et de Lyon depuis la France, se multiplient pendant le printemps 1916, à tel point que le nombre d’internés décuple entre mars et août, pour atteindre 11689 Français et 3629 Allemands. Bien qu’arrivant à un rythme plus lent après cette date, l’effectif des internés ne cesse de s’accroître en Suisse pendant l’année 1917, pour atteindre les 32500 au 1er janvier 1918, dont 19769 Français. Entre temps, des Britanniques, mais également des Belges et même quelques russes ont été admis à l’internement In : Les prisonniers en 1914-1918
Voir aussi l’article « prisonnier de guerre » dans : Dictionnaire de la Grande Guerre
Pour avoir des renseignements sur le régiment d’origine de votre aïeul, il serait judicieux de vous adresser au Service historique de la Défense
Quant au Sanatorium de Villeneuve d’Amont, les archives ne seront communicables qu’en 2075 ; par conséquent, rien ne nous permet de connaître la nationalité des hospitalisés ; il est cependant aisé de supputer que les « pensionnaires » étaient essentiellement Français, étant donné la pénurie de lits en temps de guerre. En outre la France affichait un retard certain par rapport à l’ Allemagne pour ces établissements dédiés aux phtisiques :
Le premier hôpital entièrement dédié aux phtisiques (tuberculose pulmonaire) fut en France celui de Sainte-Marie de Villepinte (Seine-Saint-Denis) achevé en 1880, sur initiative de l’« œuvre des jeunes filles poitrinaires » crée en 1878. Un second hôpital de phtisiques fut achevé 8 ans plus tard (en 1888) à Ormesson (Val-de-Marne) uniquement destiné à soigner de jeunes garçons de 2 à 16 ans, géré par l’« Œuvre des enfants tuberculeux » également créé en 1888. Une succursale en sera ouverte à Villiers-sur-Marne en 18932. À cette époque, plusieurs dizaines de sanatoriums existaient déjà en Allemagne, et plusieurs étaient en activité en Suisse et aux Etats-Unis ( Source)
Venons-en à la dernière partie de votre question :
Le 10 mai 1871, à la suite de la victoire de la Prusse sur la France, le traité de Francfort sanctionne l’annexion par l’ Allemagne des départements français du Bas-Rhin, du Haut-Rhin (sauf Belfort), de la Moselle (sauf Briey), d’une partie de la Meurthe et de quelques communes des Vosges… Les habitants de cette région qui entendent conserver leur nationalité ont jusqu’au 1er octobre 1872 pour opter en faveur de la France, mais ils sont alors contraints de quitter le Reichsland, aussitôt remplacés par des immigrants allemands.In : Boches ou tricolores
Sujets allemands depuis le traité de Frankfort, Alsaciens et Lorrains annexés sont tout naturellement incorporés dans l’armée de guillaume II- surtout dans les régiments prussiens- au moment de la mobilisation générale.. En tout, près de 380 000 d’entre eux auraient servi sous les drapeaux du Reich au cours de la guerre. Dans la vie quotidienne aux armées, les militaires originaires du Reichsland ne semblent pas avoir été l’objet de mesures discriminatoires de la part des autorités allemandes, sauf cas isolés. Au début de la guerre, ils servent aussi bien sur le front occidental que sur le front oriental. Mais au printemps 1915, une directive recommande, en raison d’un taux de désertion élevé, de les envoyer en priorité en Russie et d’éviter de leur confier des postes de confiance…
Les prisonniers alsaciens-lorrains capturés par les Alliés sont visités par des commissions françaises de triage ; ceux qui sont considérés comme « d’origine et de sentiment français » sont dirigés sur les « camps de faveur » de Saint-Rambert, Monistrol et Lourdes. Une loi du 5 août 1914 accorde la nationalité française à tout Alsacien- Lorrain qui souscrit un engagement dans l’armée française : si l’on ajoute les internés civils aux prisonniers de guerre, ce sont de 16 000 à 25 000 hommes qui profitent de cette possibilité. Ils sont alors dotés d’une fausse identité pour leur éviter d’être exécutés pour trahison en cas de capture par l’armée allemande… Par ailleurs, des milliers d’Alsaciens-Lorrains de nationalité française avant la guerre ( des descendants de ceux qui avaient fait ce choix en 1872) servent sous l’uniforme français, (c’est le cas des généraux Mangin et d’Armau de Pouydraguin.Source : Dictionnaire de la Grande Guerre
Voir aussi :
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