Question d'origine :
Très cher Guichet,
j'aimerais savoir si les croisades ont provoqués des vagues de ferveur religieuse au sein du simple peuple. Des ouvrages évoquent-ils ce point ?
Mille mercis par avance,
Tinodela.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 03/12/2013 à 15h48
Bonjour,
Les ouvrages consultés n’abordent pas les croisades aussi directement la question que vous soulevez. Les différentes croisades, leurs succès et échecs sont analysés sous l’angle historique, la nation d’idée de croisade ou de pratique de la croisade est le plus souvent la question majeure, d’autant que la finalité n’était visiblement pas d’augmenter la ferveur religieuse du peuple…
Ce qui est important, c’est que la croisade (ou l’idée de croisade) avait fourni aux jeunes nations occidentales un idéal commun et un moyen en apparence précis et concret de réaliser cet idéal ; en apparence seulement, puisque c’est toujours la Jérusalem céleste qui est sous-entendue dans les sermons. S’il y eut irruption de mysticisme dans la politique, et si des aspirations matérielles furent colorées de prétextes mystiques, on peut dire que le cas n’est pas unique dans l’histoire, mais que rarement il y eut une fusion aussi parfaite des deux motifs. Les croisades furent, indirectement mais nettement, le catalyseur de l’orgueil national des peuples d’Occident ; et ces peuples unis dans la lutte pour la même cause apprenaient à mieux se connaitre et se détester, comme ils apprenaient davantage encore à détester leur grand allié et rival, l’Empire de Byzance. Un orgueil national profond éprouve le besoin de rechercher autre chose que la gloire et la prospérité dans la patrie, et de dépasser l’idée même de patrie. Sous ce rapport, l’impulsion des croisades fut un des facteurs de la création de nationalismes occidentaux. Si la vie des peuples ne semble pas avoir été profondément influencée par les croisades, le sentiment de la supériorité latine, de l’imprescriptible et implicite droit des peuples catholiques à la domination du monde faisait souterrainement son chemin dans les consciences grâce à ces guerres lointaines et en apparence gratuites au cours desquelles une chevalerie latine avait pendant près d’un siècle possédé le Saint-Sépulcre.
L’auteur conclut son ouvrage en ces termes : Une partie des chrétiens d’Occident avait d’une façon inexplicable confondu le Christ avec le lieu de sa vie terrestre au point de se le représenter comme un banni chassé de sa terre natale ou comme un prisonnier torturé sur sa propre terre par ses ennemis. Ce sentiment, précis et fort, fut pour la majorité des croisés le prétexte d’une aventure mystique personnelle, avant de devenir un vénérable lieu commun. L’idée ne elle-même était trop absurde pour exercer une véritable influence sur l’opinion et la pensée occidentales. Source : Les croisades / Zoé Oldenbourg
Robert Fossier, dans Ces gens du Moyen Age consacre une partie aux relations de l’homme médiéval avec l’Eglise mais ne donne pas d’éléments significatifs sur les croisades.
L'article Croisades de L'encyclopédie Universalis en ligne donne quelques éléments (accès gratuit dans le réseau des bibliothèques de Lyon :
Conséquences politico-religieuses
Des missionnaires furent envoyés en Asie ; les Latins avaient, en effet, pris contact dès leur arrivée avec les Églises orientales, et recherché une union plus intime avec ces dernières. Si la prédication de la foi chrétienne aux musulmans soumis resta toujours assez discrète, les négociations en vue de l'union des Églises prirent beaucoup d'importance et les missionnaires, surtout à partir de l'apparition des Mongols que l'on chercha à convertir, s'enfoncèrent eux aussi très loin en Asie. Au xive siècle, cette pénétration religieuse aboutit à la fondation de chrétientés de rite latin dans les contrées les plus éloignées. Et il est inutile de dire ce que ces missionnaires apportèrent à la connaissance du monde.
Toutefois, pour l'Occident lui-même, les croisades ont eu des conséquences d'un autre ordre. Elles apparaissent comme le prolongement du mouvement de paix, sous la forme envisagée au temps de la réforme grégorienne. De même que la pacification de l'Occident incombe à la chevalerie animée par l'Église, ces mêmes chevaliers sont appelés par l'Église à assurer la paix aux chrétiens d'Orient ; la croisade se double d'un effort pour réaliser la paix entre les princes et les barons chrétiens : la papauté a été amenée à jouer un rôle capital dans l'organisation de cette pacification, comme en vue de la croisade : les croisades ont été l'un des facteurs qui ont favorisé l'élaboration et la mise en œuvre de la doctrine théocratique.
La nécessité de financer les croisades a conduit la papauté à mettre progressivement en place un système fiscal qui est à l'origine de la fiscalité pontificale du xive siècle ; la protection accordée aux croisés l'a amenée à étendre le domaine de la juridiction ecclésiastique. Ainsi les institutions ecclésiastiques médiévales ont-elles subi l'influence des croisades. La naissance d'ordres religieux militaires (le Temple d'abord) en est un autre aspect. Mais les institutions de la société civile en ont aussi été influencées ; la croisade de Louis VII a certainement renforcé l'autorité du roi de France. La vie chrétienne en a également été marquée : notons l'importance du pèlerinage du Saint-Sépulcre pour la dévotion ; le rôle des indulgences ; le sens du sacrifice.
Bibliographie :
Les croisades / Thierry Delcourt
La guerre sainte / Jean Flori
Croisades et Orient Latin / Michel Balard
Des Chrétiens contre les croisades / Martin Aurell
Nouvelle histoire des croisades / Jonathan Phillips
Les ouvrages consultés n’abordent pas les croisades aussi directement la question que vous soulevez. Les différentes croisades, leurs succès et échecs sont analysés sous l’angle historique, la nation d’idée de croisade ou de pratique de la croisade est le plus souvent la question majeure, d’autant que la finalité n’était visiblement pas d’augmenter la ferveur religieuse du peuple…
Ce qui est important, c’est que la croisade (ou l’idée de croisade) avait fourni aux jeunes nations occidentales un idéal commun et un moyen en apparence précis et concret de réaliser cet idéal ; en apparence seulement, puisque c’est toujours la Jérusalem céleste qui est sous-entendue dans les sermons. S’il y eut irruption de mysticisme dans la politique, et si des aspirations matérielles furent colorées de prétextes mystiques, on peut dire que le cas n’est pas unique dans l’histoire, mais que rarement il y eut une fusion aussi parfaite des deux motifs. Les croisades furent, indirectement mais nettement, le catalyseur de l’orgueil national des peuples d’Occident ; et ces peuples unis dans la lutte pour la même cause apprenaient à mieux se connaitre et se détester, comme ils apprenaient davantage encore à détester leur grand allié et rival, l’Empire de Byzance. Un orgueil national profond éprouve le besoin de rechercher autre chose que la gloire et la prospérité dans la patrie, et de dépasser l’idée même de patrie. Sous ce rapport, l’impulsion des croisades fut un des facteurs de la création de nationalismes occidentaux. Si la vie des peuples ne semble pas avoir été profondément influencée par les croisades, le sentiment de la supériorité latine, de l’imprescriptible et implicite droit des peuples catholiques à la domination du monde faisait souterrainement son chemin dans les consciences grâce à ces guerres lointaines et en apparence gratuites au cours desquelles une chevalerie latine avait pendant près d’un siècle possédé le Saint-Sépulcre.
L’auteur conclut son ouvrage en ces termes : Une partie des chrétiens d’Occident avait d’une façon inexplicable confondu le Christ avec le lieu de sa vie terrestre au point de se le représenter comme un banni chassé de sa terre natale ou comme un prisonnier torturé sur sa propre terre par ses ennemis. Ce sentiment, précis et fort, fut pour la majorité des croisés le prétexte d’une aventure mystique personnelle, avant de devenir un vénérable lieu commun. L’idée ne elle-même était trop absurde pour exercer une véritable influence sur l’opinion et la pensée occidentales. Source : Les croisades / Zoé Oldenbourg
Robert Fossier, dans Ces gens du Moyen Age consacre une partie aux relations de l’homme médiéval avec l’Eglise mais ne donne pas d’éléments significatifs sur les croisades.
L'article Croisades de L'encyclopédie Universalis en ligne donne quelques éléments (accès gratuit dans le réseau des bibliothèques de Lyon :
Des missionnaires furent envoyés en Asie ; les Latins avaient, en effet, pris contact dès leur arrivée avec les Églises orientales, et recherché une union plus intime avec ces dernières. Si la prédication de la foi chrétienne aux musulmans soumis resta toujours assez discrète, les négociations en vue de l'union des Églises prirent beaucoup d'importance et les missionnaires, surtout à partir de l'apparition des Mongols que l'on chercha à convertir, s'enfoncèrent eux aussi très loin en Asie. Au xive siècle, cette pénétration religieuse aboutit à la fondation de chrétientés de rite latin dans les contrées les plus éloignées. Et il est inutile de dire ce que ces missionnaires apportèrent à la connaissance du monde.
Toutefois, pour l'Occident lui-même, les croisades ont eu des conséquences d'un autre ordre. Elles apparaissent comme le prolongement du mouvement de paix, sous la forme envisagée au temps de la réforme grégorienne. De même que la pacification de l'Occident incombe à la chevalerie animée par l'Église, ces mêmes chevaliers sont appelés par l'Église à assurer la paix aux chrétiens d'Orient ; la croisade se double d'un effort pour réaliser la paix entre les princes et les barons chrétiens : la papauté a été amenée à jouer un rôle capital dans l'organisation de cette pacification, comme en vue de la croisade : les croisades ont été l'un des facteurs qui ont favorisé l'élaboration et la mise en œuvre de la doctrine théocratique.
La nécessité de financer les croisades a conduit la papauté à mettre progressivement en place un système fiscal qui est à l'origine de la fiscalité pontificale du xive siècle ; la protection accordée aux croisés l'a amenée à étendre le domaine de la juridiction ecclésiastique. Ainsi les institutions ecclésiastiques médiévales ont-elles subi l'influence des croisades. La naissance d'ordres religieux militaires (le Temple d'abord) en est un autre aspect. Mais les institutions de la société civile en ont aussi été influencées ; la croisade de Louis VII a certainement renforcé l'autorité du roi de France. La vie chrétienne en a également été marquée : notons l'importance du pèlerinage du Saint-Sépulcre pour la dévotion ; le rôle des indulgences ; le sens du sacrifice.
Bibliographie :
Les croisades / Thierry Delcourt
La guerre sainte / Jean Flori
Croisades et Orient Latin / Michel Balard
Des Chrétiens contre les croisades / Martin Aurell
Nouvelle histoire des croisades / Jonathan Phillips
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