Prénoms latins
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 02/12/2013 à 10h15
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Question d'origine :
Très cher Guichet,
dans les documents médiévaux, les gens sont appelés par leurs prénoms en latin. Est-ce que dans la vie courante, les gens s'appelaient par leurs prénoms en latin ou est-ce qu'ils prenaient la forme "francisée" ?
Est-ce qu'on appelait Johannes Jean, ou Valterus Gauthier ?
Mille mercis par avance,
Tinodela.
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 03/12/2013 à 10h09
Bonjour,
Tout d’abord, rappelons que le Moyen Age est une très longue période, qui s’étend de l’Antiquité à la Renaissance, et que, d’un siècle à l’autre, les usages (et les langues) sont susceptibles de changer. Il nous est donc difficile d’apporter une réponse précise à votre question.
En effet, avec le temps la présence du latin dans la vie quotidienne tend à disparaître au profit des langues romanes, locales, qui en sont dérivées. Le latin, à partir des années 500, se spécialise comme langue savante, écrite, jusqu’au XVe siècle. Il faut donc exclure un usage populaire du latin à partir de cette période : cette langue est réservée aux clercs, aux lettrés, aux savants, aux écrits officiels, tandis que le peuple parle le franco-provençal, le breton, le normand, le picard... En France on distingue notamment la langue d’oc, au sud, et la langue d’oïl, au nord, qui regroupent chacune plusieurs parlers régionaux.
Vous pouvez au sujet de l’histoire de la langue française vous reporter à La langue française à travers les âges, par Nina Catach, ou encore Wikipedia.
Pendant longtemps les personnes ne se distinguent que par leur prénom (nomen). Le nom de famille (cognomen) n’apparaît que progressivement au cours des XIVe et XVe siècle, avec la nécessité de distinguer les personnes portant le même prénom dans une même localité. Le nom de famille n’est pas, à cette époque, figé comme il l’est aujourd’hui : surnom, nom de la ville de naissance, nom de filiation, nom d’ordre, de fonction, de profession… Un même individu pouvait ainsi porter successivement plusieurs noms de son choix, selon l’évolution de sa situation.
Vous pouvez à ce sujet vous reporter à la préface du Dictionnaire des noms, surnoms et pseudonymes latins de l’histoire littéraire du moyen-âge (1100 à 1530), d’Alfred Franklin (1875), qui nous explique également l’usage de pseudonymes latins par les auteurs médiévaux :
Bien qu'un tiers au moins des personnages qui figurent dans ce petit volume n'aient été recueillis encore dans aucun recueil biographique français,on doit y chercher seulement les auteurs qui ont adopté un nom , un surnom ou un pseudonyme latin,- et parmi eux, ceux-là seulement dont le nom réel a pu être retrouvé, ou dont le nom d'emprunt a pu être traduit.
On comprend, dès lors, pourquoi nous nous sommes borné à enregistrer les écrivains morts entre les années 1100 et 1530.
Jusqu'au dixième siècle, les noms conservent en général des désinences latines qu'on ne peut songer à traduire : Comenius, Aëtius, Melellus n’ont d'équivalents exacts dans aucun idiome. A dater du seizième siècle, au contraire, le latin a été partout détrôné par les langues vulgaires . Les savants revêtent encore leur nom d'une forme latine. C’est une mode, et on la suit ; mais ceux qui l'adoptent ont bien soin de ne pas trop dénaturer leur nom véritable : Érasme devient Erasmus, Maichel devient Maichelius; puis le moment arrive où J. Fronteau publie très-sérieusement un traité de nomine suo latine vertendo.
Sans doute, il y a eu des exceptions : Landmann, par exemple, s'est fait appeler Agricola; Scfwarzerde s'est changé en Melanchtho; Egasse du Boulay s'est plu à signer Egassius Bulaeus ; mais ce sont là des singularités que tout le monde connaît, car elles sont exposées partout.
Il n'en est pas de même des noms et des pseudonymes employés pendant les XIe Xlle XIIIe XIVe et XVe siècles.
A la lumière des éléments donnés par Alfred Franklin dans son dictionnaire, il semble donc que les noms latins des auteurs médiévaux à partir des années 1100 soient bien des pseudonymes ou des « traductions » latines de leur nom d’origine (en langue vernaculaire).
Par exemple :
ALBUS (Guilelmus), William White, théologien anglais, prêtre dans le comté de Kent, puis disciple de Wiclef, brûlé à Norwich en 1428.
[i]BALBUS (Johannes), Giovanni Balbi, théologien et compilateur italien, dominicain, né à Gênes, mort à la fin du treizième siècle. – On le nomme encore J. de Balbis, J. de Janua, J. Januensis.
Nous n’avons pas réussi à savoir si ces auteurs médiévaux utilisaient leur nom latin ou leur nom en langue vulgaire dans la vie courante. D’ailleurs, la notion de « vie courante », si l’on parle d’un clerc par exemple, peut être liée à un contexte très particulier (vie monastique, université… ?), où les usages sont sans-doute différents d’un contexte familial, ne serait-ce qu’à cause de la nécessité de se comprendre dans un lieu où les personnes ont des origines diverses. Il ne fait en tout cas aucun doute que ceux qui savent écrire en latin savent aussi écrire (et bien sûr parler) en langue vulgaire, comme le précise Jacques Paul dans Culture et vie intellectuelle dans l’occident médiéval, en citant l’exemple de Chrétien de Troyes et Dante, qui font le choix de traduire des œuvres latines et d’écrire dans leur langue natale.
Nous sommes désolés de ne pouvoir vous apporter de réponse plus précise.
Pour aller plus loin :
Un long Moyen-Âge, Jacques Le Goff
Le Moyen Âge expliqué aux enfants, Jacques Le Goff
La vie des étudiants au Moyen Age, Léo Moulin
Tout d’abord, rappelons que le Moyen Age est une très longue période, qui s’étend de l’Antiquité à la Renaissance, et que, d’un siècle à l’autre, les usages (et les langues) sont susceptibles de changer. Il nous est donc difficile d’apporter une réponse précise à votre question.
En effet, avec le temps la présence du latin dans la vie quotidienne tend à disparaître au profit des langues romanes, locales, qui en sont dérivées. Le latin, à partir des années 500, se spécialise comme langue savante, écrite, jusqu’au XVe siècle. Il faut donc exclure un usage populaire du latin à partir de cette période : cette langue est réservée aux clercs, aux lettrés, aux savants, aux écrits officiels, tandis que le peuple parle le franco-provençal, le breton, le normand, le picard... En France on distingue notamment la langue d’oc, au sud, et la langue d’oïl, au nord, qui regroupent chacune plusieurs parlers régionaux.
Vous pouvez au sujet de l’histoire de la langue française vous reporter à La langue française à travers les âges, par Nina Catach, ou encore Wikipedia.
Pendant longtemps les personnes ne se distinguent que par leur prénom (nomen). Le nom de famille (cognomen) n’apparaît que progressivement au cours des XIVe et XVe siècle, avec la nécessité de distinguer les personnes portant le même prénom dans une même localité. Le nom de famille n’est pas, à cette époque, figé comme il l’est aujourd’hui : surnom, nom de la ville de naissance, nom de filiation, nom d’ordre, de fonction, de profession… Un même individu pouvait ainsi porter successivement plusieurs noms de son choix, selon l’évolution de sa situation.
Vous pouvez à ce sujet vous reporter à la préface du Dictionnaire des noms, surnoms et pseudonymes latins de l’histoire littéraire du moyen-âge (1100 à 1530), d’Alfred Franklin (1875), qui nous explique également l’usage de pseudonymes latins par les auteurs médiévaux :
Bien qu'un tiers au moins des personnages qui figurent dans ce petit volume n'aient été recueillis encore dans aucun recueil biographique français,
On comprend, dès lors, pourquoi nous nous sommes borné à enregistrer les écrivains morts entre les années 1100 et 1530.
Sans doute, il y a eu des exceptions : Landmann, par exemple, s'est fait appeler Agricola; Scfwarzerde s'est changé en Melanchtho; Egasse du Boulay s'est plu à signer Egassius Bulaeus ; mais ce sont là des singularités que tout le monde connaît, car elles sont exposées partout.
Il n'en est pas de même des noms et des pseudonymes employés pendant les XIe Xlle XIIIe XIVe et XVe siècles.
A la lumière des éléments donnés par Alfred Franklin dans son dictionnaire, il semble donc que les noms latins des auteurs médiévaux à partir des années 1100 soient bien des pseudonymes ou des « traductions » latines de leur nom d’origine (en langue vernaculaire).
Par exemple :
ALBUS (Guilelmus), William White, théologien anglais, prêtre dans le comté de Kent, puis disciple de Wiclef, brûlé à Norwich en 1428.
[i]BALBUS (Johannes), Giovanni Balbi, théologien et compilateur italien, dominicain, né à Gênes, mort à la fin du treizième siècle. – On le nomme encore J. de Balbis, J. de Janua, J. Januensis.
Nous n’avons pas réussi à savoir si ces auteurs médiévaux utilisaient leur nom latin ou leur nom en langue vulgaire dans la vie courante. D’ailleurs, la notion de « vie courante », si l’on parle d’un clerc par exemple, peut être liée à un contexte très particulier (vie monastique, université… ?), où les usages sont sans-doute différents d’un contexte familial, ne serait-ce qu’à cause de la nécessité de se comprendre dans un lieu où les personnes ont des origines diverses. Il ne fait en tout cas aucun doute que ceux qui savent écrire en latin savent aussi écrire (et bien sûr parler) en langue vulgaire, comme le précise Jacques Paul dans Culture et vie intellectuelle dans l’occident médiéval, en citant l’exemple de Chrétien de Troyes et Dante, qui font le choix de traduire des œuvres latines et d’écrire dans leur langue natale.
Nous sommes désolés de ne pouvoir vous apporter de réponse plus précise.
Un long Moyen-Âge, Jacques Le Goff
Le Moyen Âge expliqué aux enfants, Jacques Le Goff
La vie des étudiants au Moyen Age, Léo Moulin
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