Question d'origine :
Bonjour,
Pourriez vous s'il vous plaît m'indiquer quelle est l'origine de la messe du Saint-Esprit comme "Messe célébrée pour obtenir l'assistance divine sur les travaux d'un corps délibérant" au Moyen Âge ? Dans tous les cas je vous serez reconnaissant de bien vouloir me fournir une bibliographie (en langue française ou étrangère) fournissant des pistes permettant de répondre à cette question.
En vous remerciant d'avance,
Aurevoir.
P.S. : je n'ai pas pu remplir le questionnaire de satisfaction car il m'a été communiqué avant tout contact avec votre service, je me ferai un plaisir de le remplir après avoir reçu votre réponse, si vous pouvez me le renvoyer.
Réponse du Guichet
Le 05/02/2011 à 16h10
Bonjour,
On trouve en effet ces définitions de la messe du Saint-Esprit :
« Messe du Saint-Esprit. Messe célébrée pour obtenir l'assistance divine sur les travaux d'un corps délibérant, de magistrats, d'étudiants. »
Article Messe, CNRLT
« Messe du Saint-Esprit, celle qu'on célèbre au commencement de quelque solennité, de quelque assemblée »
Article Messe, Littré
On en trouve un très grand nombre d’occurrences et donc de multiples exemples en entrant les termes dans un moteur de recherche, ou sur le catalogue de la BNF (nombreux discours de rentrée et allocutions diverses).
Sous cette acception, on l’appelle aussi Messe rouge. « Connue d’abord sous le nom de messe du Saint-Esprit, dont l’origine remonte à la France du milieu du 13e siècle, la Messe rouge fut rebaptisée en raison des somptueux habits rouges qu’y portaient les présidents, conseillers et procureurs du régime monarchiste.»
Source : Messe rouge, la tradition est toujours vivante, Daniel Drouin
Un petit historique en est fait à la page Messes rouges du site La France pittoresque
Pour l’origine de cette tradition au parlement de Grenoble :
Auteur(s) : Fauché-Prunelle, André-Alexandre
Titre(s) : Recherches sur l'origine du Parlement de Grenoble, comparativement à celle du Parlement de Paris. Origine de la messe du Saint-Esprit, et solennité de la rentrée judiciaire de l'ancien Conseil delphinal ou Parlement de Grenoble, par M. A. Fauché-Prunelle,... [Texte imprimé]
Publication : Grenoble : Maisonville, 1859
Note(s) : Extrait de la "Revue des Alpes"
(Notice du catalogue de la BNF).
La tradition en semble aussi très vivace dans les pays anglo-saxons (voir par exemple Sourcebook for Sundays Seasons and Weekdays 2009, Corinna Laughlin) et c’est sur le Wikipedia de langue anglaise qu’on trouve une mention de sa date d’origine : voir l’article Red Mass
Autre mention parmi d'autres de cette tradition : Iconographie chrétienne : histoire de Dieu, Adolphe Napoléon Didron
Mais on trouve aussi bon nombre de mentions de messes du Saint Esprit célébrées pour d’autres raisons.
En effet, à l’origine la messe du Saint-Esprit est une « Eucharistie célébrée pour implorer l’assistance divine » (Source : Les Mots du christianisme, Dominique Le Tourneau).
Son origine s’inscrit donc dans le contexte particulier de la vie religieuse au Moyen-Age, au moment de ce que François-Olivier Touati nomme une « hypertrophie liturgique » dans Maladie et société au Moyen-Age
La pratique de la Messe du Saint-Esprit se développe en même temps que celle d’autres fêtes votives, du culte marial et des saints.
« A partir du XIe siècle, des formes nouvelles de la sensibilité religieuse et de la piété se manifestèrent avec force.[…] Au XIIIe siècle, l’intérêt se porta plus directement encore sur la passion du Christ. La dévotion du XIIIe siècle se présentait donc comme christocentrique et faisait appel à des éléments plus sensibles que juridiques et rationnels. La foi n’est plus un dépôt à conserver. Elle est d’abord imitation du Christ et de ses apôtres. Comme le genre de vie des apôtres était plus facile à suivre que celui de leur divin maître, la vie apostolique devint un modèle universel et auquel tous se référèrent et dont tous voulurent se rapprocher. Or, si l’Evangile avait marqué l’entrée du Christ dans l’Histoire, tout comme l’Ancien Testament avait eu le Père pour acteur essentiel, à partir des « Actes », la troisième personne de la Trinité, le Saint-Esprit, devient la manifestation majeure de la divinité. Le Christ avait promis à ses apôtres de leur envoyer l’Esprit et de laisser son Eglise sous la garde de l’Esprit jusqu’à la fin des temps. Dés lors, le Saint-Esprit attira la piété des fidèles et l’attention des théologiens. »
Source : Histoire religieuse de l’Occident médiéval, Jean Chelini.
Pour une explication plus détaillée de ce « succès » du Saint-Esprit au Moyen-Age, voir Le Dieu du Moyen-Age, Jacques Le Goff, chapitre Deux figures majeures, l’Esprit Saint et la Vierge Marie.
Dans La civilisation de l’Occident médiéval, le même auteur précise :
« Le thème trinitaire semble avoir surtout exercé son attrait sur les milieux théologiques savants et n’avoir eu qu’un retentissement limité dans les masses.
De même la dévotion au Saint-Esprit semble surtout le fait des doctes, en tout cas avant le Bas Moyen-âge. […] Les universités célébraient lors de leur rentrée solennelle une messe du Saint-Esprit, inspirateur des arts libéraux […] En revanche, dans certains milieux populaires, la dévotion à l’Esprit Saint se dégrada en culte de saint Esprit ou de sainte Colombe, avatars de la troisième personne de la Trinité. »
Cette forme de piété populaire perdurera, comme on peut le voir dans The Golden Book, James G. Frazer, La messe du Saint Esprit, in La Sorcellerie normande (1922), Georges Dubosc(1854-1927), (dernier pargraphe), Messe du Saint Esprit, définition du Dictionnaire des superstitions, erreurs et traditions populaires, Louis Pierre F. Adolphe Chesnel de la Charbouclais, Cérémonies et coutumes religieuses de tous les peuples du monde, Bernard Picart.
Quelques documents où vous pourriez peut-être (nous n’avons pu tous les consulter), trouver aussi des précisions, ou au moins des analyses du contexte :
Anrufung und Messe vom Heiligen Geist bei Konigswahl und Reichstagen im Mittelalter und früher Neuzeit, W. Dotzauer
Une mutation cultuelle inexpliquée : le passage de l'Eucharistie communautaire à la messe privée, Cyrille Vogel
Introduction aux sources du culte chrétien au Moyen-âge, du même auteur
Les ouvrages de Arnold Angenendt, spécialiste de la religion et de la liturgie médiévale (à la BML : Heilige und Reliquien : die Geschichte ihres Kultes vom frühen Christentum bis zur Gegenwart)
Bonnes lectures !
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Estime de soi et fin du monde