Question d'origine :
Cher Guichet,
Les esclaves à Rome étaient crucifiés nus.
1)Pourquoi certains esclaves romains chrétiens ainsi que des citoyens romains chrétiens refusant de sacrifier au génie de l'empereur, ont été livrés aux fauves par exemple à Lyon en 177. Les esclaves,comme Blandine à Lyon, auraient dus être crucifiés et les citoyens romains (17 sur 48 condamnés en 177 à Lyon). avoir eux ,la tête tranchée (comme saint Paul par exemple ).
2) Les femmes esclaves étaient-elles crucifiées elle-aussi ? nues aussi ?
3) De nombreux chrétiens ont été crucifiés et pourtant ils n'étaient ni esclaves ni citoyens romains : saint Pierre et d'autres apôtres.Quelle était la législation en vigueur ?
Sentiments respectueux.
Réponse du Guichet

La Rome antique couvre une période si longue – entre la République et l’Empire – que nous ne pourrons vous donner de certitudes quant aux différents supplices pratiqués.
Cet extrait du Dictionnaire de l’Antiquité donne néanmoins un bon aperçu de certaines pratiques :
Aux premiers siècles de Rome, la peine publique n’est pas le seul mode légitime d’exécution capitale. Elle est concurrencée par le châtiment prononcé dans le cadre disciplinaire et la coercition (décapitation à la hache) et par la peine privée fondée sur le sacratio capitis (exécration de l’être sacrilège). Ces deux voies rivales ont été progressivement réduites. Sous la République, les progrès réalisés par la justice publique se sont accompagnés d’une répugnance de plus en plus nette envers la peine de mort. Les supplices initialement diversifiés et rigoureux (flagellation à mort, bûcher, précipitation du haut de la roche Tarpéienne laissent place à un mode d’exécution ordinaire discret, par étranglement dans la prison. Seul le sort des esclaves et des parricides s’aggrave par l’introduction respectivement de la crucifixion et de la peine du sac. […] Dès le Ier siècle ap. JC, la peine de mort est réintroduite. Elle s’applique d’abord, indépendamment du statut des coupables, au crime de lèse-majesté (dont les contours sont imprécis) auquel est souvent associé le crime contre la religion publique. La publicité des peines est recherchée et les formes de l’exécution vont en s’aggravant. A la décapitation les juges peuvent substituer les summa supplicia : crucifixion, flagellation à mort, bûcher ou condamnation aux bêtes. […] Au Bas-Empire, la législation ne cesse d’étendre la liste des crimes punis de mort. Plus significatif encore, les nouvelles infractions (religieuses, sexuelles, contre l’ordre économique ou administratif) font le plus souvent encourir le summum supplicium et non la décapitation (à l’épée) qui reste pourtant le mode d’exécution habituel. La forme du summum supplicium évolue vers la généralisation du bûcher après que, sous l’influence du christianisme, la crucifixion et la condamnation aux bêtes ont disparu. […]
Le supplice de la croix, le plus justement célèbre et le plus courant, était réservé aux seuls esclaves condamnés à mort. Le récit de la Passion du Christ et de sa mort traduit parfaitement les différentes phases de cette marche infamante vers une mort terrible. Les esclaves condamnés à la croix étaient en effet battus de verges et devaient porter l’instrument de torture jusqu’au lieu d’exécution. Ils étaient hissés avec des courroies, pieds et mains cloués.
Source : Vie et mort des esclaves / Joël Schmidt
La crucifixion constituait véritablement le supplice le plus dégradant qui pouvait être infligé à un individu. Déshonorante, elle était en principe réservée aux non-citoyens romains, dont le corps était ensuite laissé en place jusqu’à décomposition ou morcellement par les animaux. La victime, d’abord fouettée nue, était chargée d’une poutre en bois […] accompagnée d’un document témoignant de la cause de son supplice.
Source : Male mort : morts violentes dans l’Antiquité
Concernant la nudité, peu d’éléments sur les femmes condamnées à la crucifixion : Le rapprochement de la nudité de l’esclave pour la punition, avec celle du pérégrin, infligée par un magistrat romain, et de la dénudation des citoyens au supplice peut sembler incongru. Mais il ne s’autorise pas de la seule hypothèse voulant qu’il y ait une analogie entre les deux situations, la nudité exprimant la dégradation et la rupture du lien social. […] La dénudation n’est pas utilisée comme peine à part entière ; elle est partout associée au cérémonial de flagellation.
Plus loin, est cité un passage extrait de la punition des vestales selon Plutarque : " La peine des vierges pour les fautes ordinaires est la flagellation, administrée parfois par le grand pontife à la fautive nue, dans un endroit obscur derrière l’écran d’un voile". La Vestale doit quitter les insignes de son sacerdoce pour subir le châtiment. Mais les conditions rituelles du châtiment concilient la nudité et la pudeur à laquelle la Vestale est astreinte.
Source : Nudités romaines, un problème d’histoire et d’anthropologie
Enfin, au sujet du droit romain en vigueur, nous vous conseillons la lecture des actes du colloque de l’Ecole française de Rome : Du châtiment dans la cité : supplices corporels et peine de mort dans le monde antique. Le chapitre "tortures mortelles et catégories sociales", par Denise Grodzynski, est très éclairant sur le sujet et présente notamment un tableau des crimes (voir pièce jointe) punis de summa supplica dans le Digeste (d’après les jurisconsultes de l’époque de Sévère, de 196 à 235), dans les sentences de Paul (à la date approximative de 300) et dans le code Théodosien (de 312 à 435) .
- Le droit criminel dans les constitutions de Constantin
- Le droit pénal romain / T. Mommsen
- Les peines de mort en Grèce et à Rome : origines et fonctions des supplices capitaux dans l’Antiquité classique
- Les persécutions dans l’Antiquité : victimes, héros, martyrs
- L’envers de Rome : les résistances à la mondialisation antique T. 02 : Barbares et esclaves
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