Question d'origine :
D'une façon générale, avant 1789, qui est propriétaire d'une église ?
Dans le cas qui m'intéresse, celui de Notre-Dame-des-Marais à Villefranche, la lecture des registres consulaires donne à penser que ce sont les habitants qui se considèrent comme les propriétaires de leur église. D'ailleurs, ce serait difficile d'imaginer que ce soit le seigneur de la ville (il n'y a jamais habité), pas plus que le clergé. Autre possibilité est-ce la "fabrique" qui est propriétaire ?
Pendant la Révolution française, les églises paroissiales sont rarement vendues comme biens nationaux. Les églises devenues temples de la Raison changent-elles malgré tout de propriétaires ?
Le concordat de 1801 parle-t-il de la propriété des églises ? Au XIXe siècle, avant la loi de 1905, qui est le propriétaire d'une église paroissiale ?
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 18/05/2011 à 11h26
La période du Moyen-Age a été largement développée dans une précédente question du Guichet du savoir, elle donne notamment des éléments intéressants sur la notion juridique que recouvre le mot église :
« Les églises ont été désignées dans la littérature patristique, les documents officiels et les textes juridiques par des noms fort divers… » : ecclesia, dominicum, basilica, martyrium, confessio, memoria, templum, oratorium, capella, sanctuarium. « …Jusqu’au Ve siècle, les lieux de culte n’ont guère fait l’objet de prescriptions canoniques ; aucune distinction d’ordre juridique, aucun classement n’ont été opéré parmi eux, les dénominations d’église ou d’oratoire leur sont indifféremment attribuées. Dans la suite, une discrimination paraît s’établir entre ces deux dénominations… Le terme église a été progressivement réservé aux lieux de culte qui jouissaient des droits paroissiaux, dans lesquels le peuple fidèle devait se réunir, les dimanches et jours de fête de précepte, pour la pratique publique du culte, c’est donc pratiquement aux seules églises cathédrales et paroissiales que fut réservé le nom d’église. Tous les autres lieux de culte, notamment les églises établies dans les domaines privés des seigneurs, celles des abbayes et monastères, quelles que fussent leur ampleur ou leur munificence, étaient plutôt dénommées oratoires, et plus tard chapelles. »
Stutz a défini ainsi la
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I-
- Avant la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat
Les édifices du culte appartenaient :
- soit à l'Etat ou aux communes,
- soit à un établissement public du culte (
Les
Pour les
- ceux bâtis aux frais des fidèles sur un terrain communal qui appartenaient aux communes en vertu de l'art. 552 du code civil selon lequel « la propriété du sol emporte la propriété du dessous et du dessus ».
- ceux bâtis sur un terrain du conseil de fabrique ou du consistoire ou encore du conseil presbytéral, même et tout ou partie au frais du budget communal, qui appartenaient aux établissements publics du culte, toujours en vertu de la même disposition du code civil (édifices fabriciens ou consistoriaux)
-
Contrairement à l’idée reçue, les dispositions de la loi de Séparation ne sont pas venus modifier le fond du droit mais elles ont donné une base textuelle et légale au régime de propriété existant : l’article 12 de la loi de 1905 qui précise le sort de ces différents édifices :
- ceux qui ont été mis à la disposition de la Nation restent propriété de l'Etat, des départements et des communes. Ils doivent être, ainsi que « les objets mobiliers les garnissant , laissés gratuitement à la disposition des établissements publics du culte, puis des associations appelées à les remplacer » (art. 13).
Les églises ou édifices religieux, confisqués sous la Révolution mais rendus au culte en application du Concordat étaient, selon la jurisprudence, la propriété de l'Etat (église métropolitaine ou cathédrale) et des communes (églises paroissiales).
- les édifices propriétés des établissements publics du culte devaient devenir propriété des associations cultuelles appelées à leur succéder (art. 4 ).
- certains édifices construits avant la séparation n'appartenaient ni à une personne publique ni à un établissement public du culte, mais ont été acquis par une commune postérieurement à la séparation. Le Conseil d'Etat s'est prononcé sur la propriété de tels édifices dans un arrêt du 19 octobre 1990 (Association-Saint-Pie-V-et-Saint-Pie-X-de-l'orléanais). Il a jugé que l'Eglise Saint-Euverte, qui n'appartenait pas en 1905 à une collectivité ou un établissement public du culte, et qui n'était donc pas au nombre des édifices cultuels régis par la loi de la séparation du 9 décembre 1905, appartenait au domaine privé de la ville d'Orléans qui en a fait l'acquisition en 1977.
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Une paroisse, sauf en Alsace où continue à s'appliquer le Concordat, n'a pas de personnalité juridique. Elle n'existe donc pas aux yeux de la loi civile. Aux yeux de la loi religieuse, c'est une instance organisée par le droit canon avec un conseil paroissial et un conseil économique nommé par l'Evêque du diocèse et présidé par le Curé. Le conseil économique joue en particulier une partie du rôle de l'ancien Conseil de Fabrique concordataire, mais il n'a pas la personnalité morale.
La loi de 1905 séparant l'Église et l'État reconnaît par contre ce que l'on appelle "
L'affectataire est celui qui a "l'usage" de l'église, et lui seul.
Le propriétaire de l'église, lorsqu'elle est antérieure à la loi de séparation (la commune pour les églises et l'Etat pour les cathédrales) ne peut exercer aucun droit d'usage de l'église sans l'accord de l'affectataire. La jurisprudence du Conseil d'Etat l'a rappelé à propos de l'organisation par le maire d'une exposition dans une chapelle affectée.
Les pouvoirs de l'affectataire ne cessent que par sa nomination par l'Evêque à une autre fonction ou par la"désaffectation de l'église". Celle-ci ne peut être que le fait de l'Evêque qui peut donner son accord au Préfet en ce sens. Cependant, si l'église est demeurée plus de six mois sans cérémonie du culte le Préfet peut d'autorité provoquer sa désaffectation.
L'association diocésaine dispose pour sa part des droits de propriété ou d'usage sur les églises construites postérieurement à la loi de 1905.
in : Le Statut juridique des édifices du culte.
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- Droit canonique
- Dictionnaire encyclopédique du Moyen Age sous la dir. D’André Vauchez.
- Les papes, l'Eglise et l'argent: histoire économique du christianisme des origines à nos jours de Philippe Simonnot
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