Question d'origine :
Bonjour,
J'effectue actuellement des recherches sur un ancien domaine situé aux environs immédiats d'Aix en Provence.
Une question m'obsède : quel était le statut de ces innombrables bastides qui parsèment la campagne aixoise ?
Sous l'ancien régime, le domaine en question était la propriété d'un seigneur, qui possédait son château au cœur des terres. Mais qu'en est-il des dizaines de bastides implantées sur le domaine ? et de leurs terres ? et des revenus liés à ces terres ???
Les "propriétaires" de ces bastides n'étaient-ils que locataire d'un seigneur ? étaient-ils libres de leur production et indépendants en terme de récoltes ?
La différence entre "château" et "bastide" (même pour les plus luxueuses d’entre-elles) est-elle clairement définie ?
Merci d'avance pour vos lumières concernant cette recherche, et encore bravo pour votre travail !!!
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 04/09/2012 à 10h46
Bonjour,
Avant toute chose, il convient de faire un point de vocabulaire car une bastide peut désigner deux choses très différentes :
- Une bastide peut désigner une ville neuve créée dans le sud-ouest de la France au Moyen-Âge
Une bastide (de l'occitan bastida) est le nom désignant trois à cinq cents[1] villes neuves fondées dans le sud-ouest de la France entre 1222 et 1373, réparties sur 14 départements. Entre la croisade des Albigeois et la guerre de Cent Ans, ces fondations répondent à un certain nombre de caractéristiques communes d'ordre politique, économique et architectural, correspondant à un essor urbain exceptionnel en Europe à cette époque.
Les bastides sont à la fois la constitution d'un pouvoir politique et économique local et démocratique (avec un consulat, un marché, des foires, des poids et mesures, une milice), à la fois l'institution d'un plan local d'urbanisme avec son règlement, dont la réalisation se fera pendant plusieurs siècles.
On peut citer, parmi les bastides les plus caractéristiques ou les mieux conservées du point de vue architectural, celles de Monflanquin, Monpazier, Grenade, Mirande ou bien encore Libourne et la ville basse de Carcassonne.
source : Wikipedia
Voir aussi : Musée des Bastides
- Dans votre cas, une bastide désigne une maison provençale (comprenant la résidence du maître et l'exploitation agricole) érigée principalement aux XVIIe et XVIIIe siècle :
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la bourgeoisie urbaine, enrichie par le commerce et la fonction publique, acquiert des terres où elle installe des villégiatures champêtres. Ces nouveaux domaines sont de véritables entreprises agricoles à l'activité bien définie : élevage, vigne, cultures maraîchères, etc. Ils comportent la maison du maître et la maison de l'intendant ou régisseur, ainsi que des dépendances considérables et des logements en grand nombre (pour les ouvriers). Lorsque la maison du maître est non pas sous le même toit que la maison du fermier ou du métayer mais nettement séparée de cette dernière, il s'agit d'une « bastide ». Ce type, répandu dans le pays d'Aix et la région de Rognes, se rencontre également à l'extérieur de cette zone, jusqu'à Pertuis, Jouques et le haut Var. Au sens propre, la bastide est la maison du maître, la résidence secondaire, et au sens élargi l'ensemble de cette dernière et de l'exploitation agricole avec sa maison de ferme.
La bastide, où seul réside le maître, se présente comme un bâtiment isolé, généralement imposant sous une couverture à quatre eaux. Sa façade, à l'ordonnance symétrique, est traitée dans le goût noble de son époque.
Avec le temps, la bastide et ses bâtiments ruraux ont subi des transformations importantes sur un siècle ou deux, comme l'atteste l'étude de leurs archives. Il arrive que la bastide elle-même se soit transformée en exploitation rurale lorsque le propriétaire urbain n'a plus eu que la ressource d'exploiter lui-même son domaine.
Voici deux extraits de documents qui répondent à vos interrogations sur les statuts et propriétaires de ces bastides :
Le monde des bastides est né en Provence, principalement aux XVIIe et XVIIIe siècles, au moment où la noblesse et la haute bourgeoisie locales songent, pour des raisons diverses, à sortir des structures de la ville, déjà contraignantes, et à retrouver, au bon air, au soleil ou sous les frais ombrages d'une demeure accueillante, les origines pas si lointaines, les joies simples de la vie à la campagne, tout au moins pour un temps.
C'est en fait un retour aux sources, même si d'autres motifs se font jour et pèsent eux aussi, bien évidemment, sur le phénomène : intérêts fonciers, la bastide étant le plus souvent couplée avec une ou plusieurs fermes, des terres et des vignobles, mais aussi, et le fait n'est pas négligeable, goût de paraître, de s'agrandir, d'exposer aux yeux de tous sa réussite, réflexe typique du provençal. C'est donc en partie à ce travers bien méridional et quelquefois bien enrichissant, que nous devons quelques unes de nos plus belles habitations.
Un exemple saisissant de l'engouement pour ces maisons de campagne nous est fourni, mieux encore qu'à Aix, par la ville de Marseille : on y dénombrait, à la fin du XVIIIe siècle, dans la périphérie et aux alentours, quelque 5.000 bastides, chiffre sans doute en-dessous de la vérité et malgré tout considérable.
Toutefois, sous le terme général de bastide, il convient de distinguer la simple maison de campagne, souvent fort succincte, la maison de maître, prototype de ce genre d'habitation, et, au niveau le plus élevé, ce que l'on a l'habitude d'appeler, rarement à bon escient, le château. Cette hiérarchie, sans aucun doute, rétrécit singulièrement l'éventail par le haut, mais laisse aussi un choix important de demeures moyennes, conservant tout leur charme et leur noblesse.
La bastide traditionnelle offre une double caractéristique : c'est à la fois une exploitation agricole, avec tous les éléments y attachés, ferme, étables, granges, pigeonniers, cultures, et c'est aussi une résidence de maître ou de loisir. Ce second aspect nous intéresse ici en priorité.
source : Châteaux et bastides du pays d' Aix / René Borricand (Aix : Borricand, 1979)
Fruit d'une civilisation restée attachée à ses origines rurales, elle constitue naturellement un placement sûr, un moyen de faire fructifier des capitaux souvent très importants. C'est un domaine que l'on exploite, dont on vit car ses revenus sont la plupart du temps substantiels et qui autorise le cas échéant une économie autarcique, précieuse en cas d'épidémie, de guerre ou de troubles intérieurs.
Ce domaine produit tout ce qui est nécessaire à la subsistance de la communauté formée par une famille au sens large du terme. Le pain y est cuit, le raisin pressé, le grain engrangé, les fruits sèches, les viandes salées. Il n'est jusqu'aux œufs, mis dans le sable ou le lait de chaux, qui ne soient conservés.
Les grands domaines ne sont pas rares ; ils se sont formés aux dépens des seigneurs locaux appauvris mais plus souvent encore en dépossédant le paysan qui a beaucoup de mal à lutter contre cette nouvelle invasion des "forains" qui, après le pouvoir politique, s'emparent du sol, signe tangible de la fortune. Chaque famille possède une ou plusieurs bastides, et par là entendons bien un domaine complet, moyens d'exploitation inclus. Il n'est que de se pencher sur les ventes pour se rendre compte que ce qui intéresse l'acheteur éventuel ce n'est pas au premier chef la qualité de l'architecture ou du décor, mais bien la quantité des terres, leur richesse, la diversité des cultures . [...]
La bastide c'est donc ça : des terres de rapport et accessoirement des bâtiments, un jardin, mais dont la description est escamotée.
Lorsque d'aventure l'annonce insiste sur l'agrément, il s'agit d'un petit domaine, plus pavillon que bastide, nous reviendrons, et c'est en général une location .
[...]
De nombreuses familles ennoblies au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, voient leurs titres confortés par l'érection de certains de leurs domaines en fiefs, alors même que la notion de féodalité a pratiquement disparu de Provence ; cela leur donne le droit d'appeler leur demeure "château" et leur apporte, par là-même, l'illusion d'une puissance supplémentaire . [...] [Ils] s'organisent sur le plan politique en nommant un "syndic des forains" pour défendre leurs intérêts. Ces forains qui tiennent le pays, se font dispenser d'impôts pour leurs propriétés et la charge fiscale est entièrement supportée par les paysans, déjà frustrés de leur sol .
source : Les bastides de Provence et leurs jardins / Nerte Fustier-Dautier (Ivry : Serg, 1977)
Vous pouvez aussi consulter Persée (Portail de revues françaises en sciences humaines et sociales) et notamment :
- Dautier Nerte. Aix-en-Provence : la gestion de la périurbanisation. In: Méditerranée, Tome 77, 1-2-1993. Les territoires du périurbain de la Méditerranée septentrionale. Colloque d'Aix-en-Provence - 28-30 septembre 1992 organisé par le CEGETREM (UFR de géographie) et le GDR 97 CNRS «Nord-Méditerranée». pp. 31-33.
- Christian Bromberger. A. Collomp, La Maison du père. Famille et village en Haute-Provence aux XVIIe et XVIIIe siècles. L'Homme, 1987, vol. 27, n° 101, pp. 183-186.
Quelques ouvrages sur l'histoire de la Provence :
- Histoire de la Provence / Maurice Agulhon, Noël Coulet
- Histoire de la Provence / Robert Colonna d'Istria
- Histoire de la Provence / Max Escalon De Fonton
- Provence / Régis Bertrand, Christian Bromberger, Jean-Paul Ferrier
Avant toute chose, il convient de faire un point de vocabulaire car une bastide peut désigner deux choses très différentes :
- Une bastide peut désigner une ville neuve créée dans le sud-ouest de la France au Moyen-Âge
Une bastide (de l'occitan bastida) est le nom désignant trois à cinq cents[1] villes neuves fondées dans le sud-ouest de la France entre 1222 et 1373, réparties sur 14 départements. Entre la croisade des Albigeois et la guerre de Cent Ans, ces fondations répondent à un certain nombre de caractéristiques communes d'ordre politique, économique et architectural, correspondant à un essor urbain exceptionnel en Europe à cette époque.
Les bastides sont à la fois la constitution d'un pouvoir politique et économique local et démocratique (avec un consulat, un marché, des foires, des poids et mesures, une milice), à la fois l'institution d'un plan local d'urbanisme avec son règlement, dont la réalisation se fera pendant plusieurs siècles.
On peut citer, parmi les bastides les plus caractéristiques ou les mieux conservées du point de vue architectural, celles de Monflanquin, Monpazier, Grenade, Mirande ou bien encore Libourne et la ville basse de Carcassonne.
source : Wikipedia
Voir aussi : Musée des Bastides
- Dans votre cas, une bastide désigne une maison provençale (comprenant la résidence du maître et l'exploitation agricole) érigée principalement aux XVIIe et XVIIIe siècle :
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la bourgeoisie urbaine, enrichie par le commerce et la fonction publique, acquiert des terres où elle installe des villégiatures champêtres. Ces nouveaux domaines sont de véritables entreprises agricoles à l'activité bien définie : élevage, vigne, cultures maraîchères, etc. Ils comportent la maison du maître et la maison de l'intendant ou régisseur, ainsi que des dépendances considérables et des logements en grand nombre (pour les ouvriers). Lorsque la maison du maître est non pas sous le même toit que la maison du fermier ou du métayer mais nettement séparée de cette dernière, il s'agit d'une « bastide ». Ce type, répandu dans le pays d'Aix et la région de Rognes, se rencontre également à l'extérieur de cette zone, jusqu'à Pertuis, Jouques et le haut Var. Au sens propre, la bastide est la maison du maître, la résidence secondaire, et au sens élargi l'ensemble de cette dernière et de l'exploitation agricole avec sa maison de ferme.
La bastide, où seul réside le maître, se présente comme un bâtiment isolé, généralement imposant sous une couverture à quatre eaux. Sa façade, à l'ordonnance symétrique, est traitée dans le goût noble de son époque.
Avec le temps, la bastide et ses bâtiments ruraux ont subi des transformations importantes sur un siècle ou deux, comme l'atteste l'étude de leurs archives. Il arrive que la bastide elle-même se soit transformée en exploitation rurale lorsque le propriétaire urbain n'a plus eu que la ressource d'exploiter lui-même son domaine.
Voici deux extraits de documents qui répondent à vos interrogations sur les statuts et propriétaires de ces bastides :
Le monde des bastides est né en Provence, principalement aux XVIIe et XVIIIe siècles, au moment où la noblesse et la haute bourgeoisie locales songent, pour des raisons diverses, à sortir des structures de la ville, déjà contraignantes, et à retrouver, au bon air, au soleil ou sous les frais ombrages d'une demeure accueillante, les origines pas si lointaines, les joies simples de la vie à la campagne, tout au moins pour un temps.
C'est en fait un retour aux sources, même si d'autres motifs se font jour et pèsent eux aussi, bien évidemment, sur le phénomène : intérêts fonciers, la bastide étant le plus souvent couplée avec une ou plusieurs fermes, des terres et des vignobles, mais aussi, et le fait n'est pas négligeable, goût de paraître, de s'agrandir, d'exposer aux yeux de tous sa réussite, réflexe typique du provençal. C'est donc en partie à ce travers bien méridional et quelquefois bien enrichissant, que nous devons quelques unes de nos plus belles habitations.
Un exemple saisissant de l'engouement pour ces maisons de campagne nous est fourni, mieux encore qu'à Aix, par la ville de Marseille : on y dénombrait, à la fin du XVIIIe siècle, dans la périphérie et aux alentours, quelque 5.000 bastides, chiffre sans doute en-dessous de la vérité et malgré tout considérable.
Toutefois, sous le terme général de bastide, il convient de distinguer la simple maison de campagne, souvent fort succincte, la maison de maître, prototype de ce genre d'habitation, et, au niveau le plus élevé, ce que l'on a l'habitude d'appeler, rarement à bon escient, le château. Cette hiérarchie, sans aucun doute, rétrécit singulièrement l'éventail par le haut, mais laisse aussi un choix important de demeures moyennes, conservant tout leur charme et leur noblesse.
La bastide traditionnelle offre une double caractéristique : c'est à la fois une exploitation agricole, avec tous les éléments y attachés, ferme, étables, granges, pigeonniers, cultures, et c'est aussi une résidence de maître ou de loisir. Ce second aspect nous intéresse ici en priorité.
source : Châteaux et bastides du pays d' Aix / René Borricand (Aix : Borricand, 1979)
Fruit d'une civilisation restée attachée à ses origines rurales, elle constitue naturellement un placement sûr, un moyen de faire fructifier des capitaux souvent très importants. C'est un domaine que l'on exploite, dont on vit car ses revenus sont la plupart du temps substantiels et qui autorise le cas échéant une économie autarcique, précieuse en cas d'épidémie, de guerre ou de troubles intérieurs.
Ce domaine produit tout ce qui est nécessaire à la subsistance de la communauté formée par une famille au sens large du terme. Le pain y est cuit, le raisin pressé, le grain engrangé, les fruits sèches, les viandes salées. Il n'est jusqu'aux œufs, mis dans le sable ou le lait de chaux, qui ne soient conservés.
Les grands domaines ne sont pas rares ;
La bastide c'est donc ça : des terres de rapport et accessoirement des bâtiments, un jardin, mais dont la description est escamotée.
[...]
source : Les bastides de Provence et leurs jardins / Nerte Fustier-Dautier (Ivry : Serg, 1977)
Vous pouvez aussi consulter Persée (Portail de revues françaises en sciences humaines et sociales) et notamment :
- Dautier Nerte. Aix-en-Provence : la gestion de la périurbanisation. In: Méditerranée, Tome 77, 1-2-1993. Les territoires du périurbain de la Méditerranée septentrionale. Colloque d'Aix-en-Provence - 28-30 septembre 1992 organisé par le CEGETREM (UFR de géographie) et le GDR 97 CNRS «Nord-Méditerranée». pp. 31-33.
- Christian Bromberger. A. Collomp, La Maison du père. Famille et village en Haute-Provence aux XVIIe et XVIIIe siècles. L'Homme, 1987, vol. 27, n° 101, pp. 183-186.
Quelques ouvrages sur l'histoire de la Provence :
- Histoire de la Provence / Maurice Agulhon, Noël Coulet
- Histoire de la Provence / Robert Colonna d'Istria
- Histoire de la Provence / Max Escalon De Fonton
- Provence / Régis Bertrand, Christian Bromberger, Jean-Paul Ferrier
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