Question d'origine :
Bonjour,
Quelle est l'origine du sens de fermeture de nos jeans et chemises qui est différent selon que ce soit un vêtement destiné aux hommes ou aux femmes. Pour les femmes, les boutons sont souvent à gauche, alors que pour les hommes, souvent à droite.
Merci à vous.
Réponse du Guichet

Bonjour,
Nous avions émis de premières hypothèses sur la position des fermetures et boutonnière dans notre réponse boutons et boutonnières du 19 avril 2005.
Néanmoins, ces suppositions ne nous semblent pas des plus probantes et de nouvelles lectures nous semblent plus pertinentes pour expliquer la position des fermetures sur les vêtements. Elles sont, à notre sens à mettre en rapport avec des considérations sur le genre et plus précisément sur la place de l’homme et de la femme dans la société.
Ainsi Marc-Alain Descamps s’intéresse à la psychologie des vêtements et explique que tous les peuples de toutes les époques ont utilisé le vêtement pour indiquer le sexe de celui qui le porte. Les costumes masculins et féminins sont toujours et partout différents, mais la différence peut porter sur l’ensemble ou sur un détail. Encore faut-il savoir que ce qui peut paraître un détail pour des étrangers peut constituer l’essentiel à l’intérieur du groupe. C’est ainsi que dans l’antiquité les Grecs et les Romains portaient tous des toges, mais le plissé n’était pas le même pour les hommes et les femmes (ni les tissus, les couleurs, les formes et les noms). Et il en est encore de même pour les costumes musulmans traditionnels. Le plus important est dans l’intention du groupe humain qui peut vouloir insister sur la différence ou la réduire au minimum. Mais il en reste toujours au moins une. La mode de l’unisexe n’a jamais pu réussir à s’établir et même dans l’unisexe les vêtements des femmes ont toujours les boutonnières à gauche et ceux des hommes à droite. Avec l’uniformisation des rôles masculins et féminins dans nos sociétés, les différences, qui étaient maximales en 1900, ont tendance à se restreindre et les femmes ont pu accéder au droit de porter des pantalons (il est vrai différents de ceux des hommes).
Dans l’article « Le genre et l’habit. Figures du transvestisme féminin sous l’Ancien Régime », (Clio. Histoire‚ femmes et sociétés, 10 | 1999) Nicole Pellegrin relate que dans une société où le vêtement doit rendre visibles toutes les hiérarchies sociales, le port par les femmes de tout ou partie du costume masculin, a longtemps été considéré comme une atteinte grave aux commandements divins, avant d’être condamné par la loi civile et la morale dominante. Pour celles qui osèrent s’habiller en hommes, le transvestisme fut d’abord un moyen de survie (…) Le Deutéronome (22-5) est formel : « une femme ne portera pas un costume masculin, et un homme ne mettra pas un vêtement de femme ; quiconque agit ainsi est en abomination à Yahvé ton Dieu ». Il n'est sans doute pas anodin que Dieu ici, par la bouche de Moïse, s'adresse d'abord aux femmes, comme si pour elles une telle faute était à la fois plus probable et plus désirable. Lié intimement à la chair qu'il recouvre, le vêtement est dans la Bible le signe et la garantie de la distinction des corps sexués. Il définit l'autonomie des genres mais il peut plus encore – et c'est la lecture qu'en font les apôtres et les pères de l'Église – signifier des rapports de pouvoir.
(…) L'absence de boutons, qui a longtemps caractérisé les habillements féminins populaires (et ceux des femmes amish aujourd'hui), n'est pas un mince détail : le recours aux épingles explique nombre de rituels amoureux et magiques, mais surtout il fragilise un sexe et accroît d'autant l'assurance de l'autre. Grâce à leurs boutons, les hommes n'ont pas besoin de contraindre leurs mouvements ni de veiller à se rajuster sans cesse. Le pionnier de l'histoire des mentalités, Lucien Febvre, ne s'y est pas trompé en opposant la civilisation du drapé et celle du coupé-cousu même s'il n'en a pas mesuré toutes les conséquences pour la part féminine des sociétés occidentales : à l'intérieur du monde du cousu, une coupure trop oubliée oppose deux types d'ajustements qui redoublent la dichotomie sexuelle. Les boutonnages des redingotes et des vestes portées par quelques « amazones » de la fin du XVIIIe (aristocrates à la promenade ou à la chasse, activistes féministes de fiction ou de chair comme Théroigne de Méricourt) firent sensation : certains y virent une curiosité érotique, la plupart une menace de virilisation et donc d'usurpation (…) Partie pour le tout, le bouton, surtout s'il est de culotte, suffit à dire la masculinité occidentale.
Vous trouverez de semblables analyses dans Histoire technique et morale du vêtement par Maguelonne Toussaint-Samat, Les habits du pouvoir. Une histoire politique du vêtement masculin par Dominique et François Gaulme ou encore Une histoire politique du pantalon par Christine Bard.
Par ailleurs, l’article « Pour ou contre les vêtements unisexe? »publié dans L’Express en 2013 nous conforte dans notre analyse et nous montre que la mode vestimentaire, malgré de notables avancées, véhicule encore un grand nombre de stéréotypes. Pour illustrer notre propos, revenons sur les écrits de Yann Faucher :
Simple effet de mode ou phénomène de société, on observe une harmonisation vestimentaire entre les hommes et les femmes. Que pensez-vous de cette tendance à l'habillage non différencié?
Dans ce microcosme en perpétuelle évolution qu'est la mode, se dégage récemment une tendance vers l'uniformisation des vêtements entre les sexes. Hommes et femmes seraient de plus en plus amenés à se vêtir de la même façon, et donc, à partager leur garde-robe. En effet, on peut noter l'apparition de jeans unisexe, taillés très près du corps, mais conçus aussi bien pour les dames que pour les messieurs. Un designer a même créé toute une gamme unisexe. Aussi, la marque The Kooples surfe sur ce créneau et propose un catalogue adapté.
Ce rapprochement des penderies prenant de moins en moins en compte le genre peut être perçu comme un symbole en faveur de l'égalité des sexes. Réel progrès ? …
Nous avions émis de premières hypothèses sur la position des fermetures et boutonnière dans notre réponse boutons et boutonnières du 19 avril 2005.
Néanmoins, ces suppositions ne nous semblent pas des plus probantes et de nouvelles lectures nous semblent plus pertinentes pour expliquer la position des fermetures sur les vêtements. Elles sont, à notre sens à mettre en rapport avec des considérations sur le genre et plus précisément sur la place de l’homme et de la femme dans la société.
Ainsi Marc-Alain Descamps s’intéresse à la psychologie des vêtements et explique que tous les peuples de toutes les époques ont utilisé le vêtement pour indiquer le sexe de celui qui le porte. Les costumes masculins et féminins sont toujours et partout différents, mais la différence peut porter sur l’ensemble ou sur un détail. Encore faut-il savoir que ce qui peut paraître un détail pour des étrangers peut constituer l’essentiel à l’intérieur du groupe. C’est ainsi que dans l’antiquité les Grecs et les Romains portaient tous des toges, mais le plissé n’était pas le même pour les hommes et les femmes (ni les tissus, les couleurs, les formes et les noms). Et il en est encore de même pour les costumes musulmans traditionnels. Le plus important est dans l’intention du groupe humain qui peut vouloir insister sur la différence ou la réduire au minimum. Mais il en reste toujours au moins une. La mode de l’unisexe n’a jamais pu réussir à s’établir et même dans l’unisexe les vêtements des femmes ont toujours les boutonnières à gauche et ceux des hommes à droite. Avec l’uniformisation des rôles masculins et féminins dans nos sociétés, les différences, qui étaient maximales en 1900, ont tendance à se restreindre et les femmes ont pu accéder au droit de porter des pantalons (il est vrai différents de ceux des hommes).
Dans l’article « Le genre et l’habit. Figures du transvestisme féminin sous l’Ancien Régime », (Clio. Histoire‚ femmes et sociétés, 10 | 1999) Nicole Pellegrin relate que dans une société où le vêtement doit rendre visibles toutes les hiérarchies sociales, le port par les femmes de tout ou partie du costume masculin, a longtemps été considéré comme une atteinte grave aux commandements divins, avant d’être condamné par la loi civile et la morale dominante. Pour celles qui osèrent s’habiller en hommes, le transvestisme fut d’abord un moyen de survie (…) Le Deutéronome (22-5) est formel : « une femme ne portera pas un costume masculin, et un homme ne mettra pas un vêtement de femme ; quiconque agit ainsi est en abomination à Yahvé ton Dieu ». Il n'est sans doute pas anodin que Dieu ici, par la bouche de Moïse, s'adresse d'abord aux femmes, comme si pour elles une telle faute était à la fois plus probable et plus désirable. Lié intimement à la chair qu'il recouvre, le vêtement est dans la Bible le signe et la garantie de la distinction des corps sexués. Il définit l'autonomie des genres mais il peut plus encore – et c'est la lecture qu'en font les apôtres et les pères de l'Église – signifier des rapports de pouvoir.
(…) L'absence de boutons, qui a longtemps caractérisé les habillements féminins populaires (et ceux des femmes amish aujourd'hui), n'est pas un mince détail : le recours aux épingles explique nombre de rituels amoureux et magiques, mais surtout il fragilise un sexe et accroît d'autant l'assurance de l'autre. Grâce à leurs boutons, les hommes n'ont pas besoin de contraindre leurs mouvements ni de veiller à se rajuster sans cesse. Le pionnier de l'histoire des mentalités, Lucien Febvre, ne s'y est pas trompé en opposant la civilisation du drapé et celle du coupé-cousu même s'il n'en a pas mesuré toutes les conséquences pour la part féminine des sociétés occidentales : à l'intérieur du monde du cousu, une coupure trop oubliée oppose deux types d'ajustements qui redoublent la dichotomie sexuelle. Les boutonnages des redingotes et des vestes portées par quelques « amazones » de la fin du XVIIIe (aristocrates à la promenade ou à la chasse, activistes féministes de fiction ou de chair comme Théroigne de Méricourt) firent sensation : certains y virent une curiosité érotique, la plupart une menace de virilisation et donc d'usurpation (…) Partie pour le tout, le bouton, surtout s'il est de culotte, suffit à dire la masculinité occidentale.
Vous trouverez de semblables analyses dans Histoire technique et morale du vêtement par Maguelonne Toussaint-Samat, Les habits du pouvoir. Une histoire politique du vêtement masculin par Dominique et François Gaulme ou encore Une histoire politique du pantalon par Christine Bard.
Par ailleurs, l’article « Pour ou contre les vêtements unisexe? »publié dans L’Express en 2013 nous conforte dans notre analyse et nous montre que la mode vestimentaire, malgré de notables avancées, véhicule encore un grand nombre de stéréotypes. Pour illustrer notre propos, revenons sur les écrits de Yann Faucher :
Simple effet de mode ou phénomène de société, on observe une harmonisation vestimentaire entre les hommes et les femmes. Que pensez-vous de cette tendance à l'habillage non différencié?
Dans ce microcosme en perpétuelle évolution qu'est la mode, se dégage récemment une tendance vers l'uniformisation des vêtements entre les sexes. Hommes et femmes seraient de plus en plus amenés à se vêtir de la même façon, et donc, à partager leur garde-robe. En effet, on peut noter l'apparition de jeans unisexe, taillés très près du corps, mais conçus aussi bien pour les dames que pour les messieurs. Un designer a même créé toute une gamme unisexe. Aussi, la marque The Kooples surfe sur ce créneau et propose un catalogue adapté.
Ce rapprochement des penderies prenant de moins en moins en compte le genre peut être perçu comme un symbole en faveur de l'égalité des sexes. Réel progrès ? …

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