Eradication du Christianisme en Afrique du Nord
CIVILISATION
+ DE 2 ANS
Le 27/03/2014 à 17h26
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Question d'origine :
Comment expliquer que le christianisme ait été complètement éradiqué en Afrique du Nord (sauf Egypte) après la conquête musulmane (7-8ème siècles) ?
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 31/03/2014 à 10h50
Pour répondre à votre question, il semble nécessaire d’en nuancer deux aspects :
1/ Le christianisme n’a pas été complètement éradiqué d’Afrique du Nord. Certes, il est résiduel, mais, selon le World Factbook de la CIA, l’Algérie compterait 1% de juifs et de Chrétiens, le Maroc 1% (soit environ 330 000 personnes), la Tunisie 1%... Et il reste une petite communauté au Soudan.
De même, l’article Wikipédia sur le ""Christianisme au Maghreb" précise que « depuis une vingtaine d'années, on assiste dans les pays d'Afrique du Nord à un regain d'intérêt à l'égard du christianisme, non pas au profit du catholicisme ou de l'orthodoxie mais plutôt au profit des Églises évangéliques. Ces conversions ne concerneraient tout au plus que quelques milliers de personnes dans des pays où la population se compte en dizaine de millions ».
Toutefois, il faut en effet convenir avec Pierre Vermeren, dans son petit ouvrage sur Le Maghreb, « que le Maghreb post-colonial est aujourd’hui une des régions du monde les plus monocolores du point de vue religieux ».
2/ En outre la conquête musulmane n’a pas immédiatement mis un terme à la présence du christianisme en Afrique du Nord.
Dans son article sur "Les dernières communautés chrétiennes autochtones d'Afrique du Nord", paru dans la Revue de l'histoire des religions, Virginie Prévost rappelle qu’ « à l’issue de la conquête arabe, d’importantes communautés de chrétiens et de juifs subsistent dans l’ensemble du Maghreb ».
Evoquant les Chrétiens installés dans les oasis, elle conclut :
« Nous pensons donc, après avoir démontré le caractère très hypothétique des arguments fournis par Ibn Khaldûn, que les chrétiens des oasis ont disparu vers le milieu du XIIIe siècle. Cette datation s’accorde parfaitement avec le témoignage d’Ibn al-Shabbâṭ qui note, dans la seconde moitié de ce siècle, des emplacements d’églises en ruine mais ne signale plus de chrétiens ».
Maintenant, quels éléments peuvent expliquer la quasi-disparition des chrétiens en Afrique du Nord ?
L’article de Geoges Jehel, "Les étapes de la disparition du christianisme primitif en Afrique du Nord à partir de la conquête arabe" est à ce sujet particulièrement éclairant :
« On situe entre la fin du Ier et le début du IIe siècle l'arrivée du christianisme en Africa. Sa rencontre avec l'islam pose d'abord la question de savoir quel était l'état de la christianisation au moment de l'arrivée des conquérants musulmans. La réponse est largement conjecturale étant donné la rareté des sources. Pour expliquer la rapidité de l'emprise musulmane, on invoque la faiblesse de l'imprégnation chrétienne dans le petit peuple urbain et surtout rural. Étant donné ce qu'a été l'Afrique chrétienne de Tertullien à saint Augustin, et ce que l'on sait de l'extraordinaire densité des évêchés africains, il est difficile d'admettre cette interprétation sans examen ».
Ce que confirme Charles-André Julien dans son Histoire de l'Afrique du Nord, parlant d’ « Eglise triomphante » pour la fin du 4ème siècle, celui d’Augustin.
Cependant, toujours selon Georges Jehel dans l’article cité ci-dessus, « les structures chrétiennes furent manifestement déstabilisées en Afrique par le donatisme qui n’a pas complètement disparu ».
Si nécessaire, vous trouverez une définition du schisme donatiste dans le dictionnaire Les Mots du Christianisme.
Mais « l’argument le plus décisif concernant la disparition progressive du Christianisme au Maghreb procède d’une comparaison entre l’Orient et l’Occident. En Orient, le christianisme est fortement enraciné dans la culture autochtone. Il est porté par les langues vernaculaires : syriaque, copte, éthiopien, grec, arménien, etc. En Afrique du Nord, même si le latin a connu une diffusion large, il reste une langue d’importation […] L’absence d’un christianisme berbérophone a été fortement préjudiciable à cet égard » (G. Jéhel, art. cit.).
Pour finir, si vous souhaitez approfondir vos connaissances sur le sujet, nous vous conseillons :
- L'Eglise d'Afrique du Nord : du 2e au 12e siècle, de Joseph Cuoq
- Histoire des chrétiens d'Afrique du Nord, de H. Teissier
Bonnes lectures !
1/ Le christianisme n’a pas été complètement éradiqué d’Afrique du Nord. Certes, il est résiduel, mais, selon le World Factbook de la CIA, l’Algérie compterait 1% de juifs et de Chrétiens, le Maroc 1% (soit environ 330 000 personnes), la Tunisie 1%... Et il reste une petite communauté au Soudan.
De même, l’article Wikipédia sur le ""Christianisme au Maghreb" précise que « depuis une vingtaine d'années, on assiste dans les pays d'Afrique du Nord à un regain d'intérêt à l'égard du christianisme, non pas au profit du catholicisme ou de l'orthodoxie mais plutôt au profit des Églises évangéliques. Ces conversions ne concerneraient tout au plus que quelques milliers de personnes dans des pays où la population se compte en dizaine de millions ».
Toutefois, il faut en effet convenir avec Pierre Vermeren, dans son petit ouvrage sur Le Maghreb, « que le Maghreb post-colonial est aujourd’hui une des régions du monde les plus monocolores du point de vue religieux ».
2/ En outre la conquête musulmane n’a pas immédiatement mis un terme à la présence du christianisme en Afrique du Nord.
Dans son article sur "Les dernières communautés chrétiennes autochtones d'Afrique du Nord", paru dans la Revue de l'histoire des religions, Virginie Prévost rappelle qu’ « à l’issue de la conquête arabe, d’importantes communautés de chrétiens et de juifs subsistent dans l’ensemble du Maghreb ».
Evoquant les Chrétiens installés dans les oasis, elle conclut :
« Nous pensons donc, après avoir démontré le caractère très hypothétique des arguments fournis par Ibn Khaldûn, que les chrétiens des oasis ont disparu vers le milieu du XIIIe siècle. Cette datation s’accorde parfaitement avec le témoignage d’Ibn al-Shabbâṭ qui note, dans la seconde moitié de ce siècle, des emplacements d’églises en ruine mais ne signale plus de chrétiens ».
Maintenant, quels éléments peuvent expliquer la quasi-disparition des chrétiens en Afrique du Nord ?
L’article de Geoges Jehel, "Les étapes de la disparition du christianisme primitif en Afrique du Nord à partir de la conquête arabe" est à ce sujet particulièrement éclairant :
« On situe entre la fin du Ier et le début du IIe siècle l'arrivée du christianisme en Africa. Sa rencontre avec l'islam pose d'abord la question de savoir quel était l'état de la christianisation au moment de l'arrivée des conquérants musulmans. La réponse est largement conjecturale étant donné la rareté des sources. Pour expliquer la rapidité de l'emprise musulmane, on invoque la faiblesse de l'imprégnation chrétienne dans le petit peuple urbain et surtout rural. Étant donné ce qu'a été l'Afrique chrétienne de Tertullien à saint Augustin, et ce que l'on sait de l'extraordinaire densité des évêchés africains, il est difficile d'admettre cette interprétation sans examen ».
Ce que confirme Charles-André Julien dans son Histoire de l'Afrique du Nord, parlant d’ « Eglise triomphante » pour la fin du 4ème siècle, celui d’Augustin.
Cependant, toujours selon Georges Jehel dans l’article cité ci-dessus, « les structures chrétiennes furent manifestement déstabilisées en Afrique par le donatisme qui n’a pas complètement disparu ».
Si nécessaire, vous trouverez une définition du schisme donatiste dans le dictionnaire Les Mots du Christianisme.
Mais « l’argument le plus décisif concernant la disparition progressive du Christianisme au Maghreb procède d’une comparaison entre l’Orient et l’Occident. En Orient, le christianisme est fortement enraciné dans la culture autochtone. Il est porté par les langues vernaculaires : syriaque, copte, éthiopien, grec, arménien, etc. En Afrique du Nord, même si le latin a connu une diffusion large, il reste une langue d’importation […] L’absence d’un christianisme berbérophone a été fortement préjudiciable à cet égard » (G. Jéhel, art. cit.).
Pour finir, si vous souhaitez approfondir vos connaissances sur le sujet, nous vous conseillons :
- L'Eglise d'Afrique du Nord : du 2e au 12e siècle, de Joseph Cuoq
- Histoire des chrétiens d'Afrique du Nord, de H. Teissier
Bonnes lectures !
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