Jeanne de Navarre et Jacques de Molay
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 16/05/2014 à 10h24
2296 vues
Question d'origine :
Est-il possible de connaître la relation ou les liens entre Jeanne de Navarre, comtesse de Champagne et reine de France et Jacques de Molay ?
Réponse du Guichet

Bonjour,
A notre connaissance, le seul « lien » entre Jeanne de Navarre et Jacques de Molay est Philippe IV le Bel, dont Jeanne de Navarre est l’épouse, et qui a ordonné l’arrestation des templiers (dont Jacques de Molay, Grand Maître de l’ordre).
En effet Jeanne de Navarre est décédée en 1305, avant que débute l’affaire des templiers (en 1307), et aucun élément de sa vie dans les documents que nous avons consultés n’indique de liens particulier avec l’ordre des templiers ou Jacques de Molay :
Jeanne de Navarre
Femme de Philippe IV Le Bel
Bar-sur-Seine, 14 janvier 1273 – Vincennes, 2 avril 1305
C’est un véritable concours de circonstances qui fera de Jeanne de Navarre une reine de France mais aussi l’épouse d’un des plus grands rois du Moyen Age, Philippe IV le Bel. Elle est la fille de Henri II de Champagne, qui devint roi de Navarre, et de Blanche d’Artois. Elle grandit à Provins dans le comté de Brie qui appartient à sa famille. Très tôt, le destin de la jeune princesse est lié aux fluctuations de la politique. Elle est ainsi promise à Henri d’Angleterre, puis au fils du roi d’Aragon avant d’être sollicitée par la cour de France. Sa mère, veuve en 1274, a dû faire face aux prétentions des Etats catholiques espagnols sur la Navarre, et l’aide apportée l’année suivante par le roi de France implique une clause matrimoniale. Jeanne épousera Philippe, le second fils de Philippe III le Hardi et d’Isabelle d’Aragon. Ce choix qui se voulait sans doute une garantie contre le rattachement à la couronne de France de provinces importantes s’avéra vain puisqu’en 1276 Louis, héritier du trône, disparaît. Ainsi, le 16 août 1284, Jeanne, âgée de onze ans, épouse le futur Philippe IV le Bel. Les enfants se connaissent bien puisque la jeune princesse qui vit à la cour de France depuis quelques années a partagé jeux et études avec son futur époux. Une fois de plus, le destin s’empare du jeune couple. Le 5 octobre 1285, le roi Philippe III le Hardi, en conflit avec l’Aragon, meurt prématurément à Perpignan.
A Reims, le 6 janvier 1286, les jeunes souverains âgés de dix-huit et treize ans sont sacrés. Alors que Philippe IV prend en main la direction des affaires du pays, Jeanne se préoccupe surtout d’assurer la descendance. Six enfants naissent de cette union, dont seuls quatre survivront. D’abord Louis, né en 1289 ; il sera roi de Navarre (1305-1316) puis roi de France (1314-1316) sous le nom de Louis X le Hutin. Puis, en 1293, Philippe, le futur Philippe V le Long ; enfin, en 1294, Charles, roi de 1322 à 1328 sous le nom de Charles IV le Bel. Une fille, Isabelle, deviendra reine d’Angleterre par son mariage avec Edouard II. Toute sa vie, Jeanne sera absente du jeu politique national. Mais elle gère ses biens, la Navarre et la Champagne, suivant le modèle français. A Paris, l’hôtel de la Reine Jeanne est le centre d’activités culturelles et de nombreuses intrigues. A deux reprises, la reine sait défendre ses biens avec vigueur. En 1297, le comte de Bar qui veut mettre la main sur la Champagne est vaincu. La Navarre est aussi libérée des troupes castillanes et aragonaises qui l’occupaient. Jeanne de Navarre suit souvent son époux dans les voyages provinciaux. Après la lutte contre les Flamands, le couple royal visite en 1301 les villes flamandes : Lille, Tournai, Gand, Bruges et Ypres. Lors de l’intervention militaire en Languedoc, on les trouve à nouveau ensemble.
Pieuse, sans plus, Jeanne fonde à Paris le collège de Navarre, fondation qui, à l’époque, concourt au salut de son créateur. Dans le même registre, la tentative des Fransiscains pour utiliser le confesseur de la reine contre celui du roi, dominicain, n’a pas d’effet concret.
Jeanne de Navarre meurt à Vincennes le 2 avril 1305 ; elle est inhumée à Saint-Denis, alors que le roi de France est en conflit avec la papauté. Deux mois après son décès, l’archevêque de Bordeaux, Bertrand de Got, devient le pape Clément V qui fixe, en 1309, la papauté à Avignon.
Source : Les reines de France : dictionnaire chronologique, Christian Bouyer
Un passage de l’ouvrage de Jean Favier, Philippe le Bel, évoque les accusations de sorcellerie dont fut l’objet Guichard, évêque de Troyes, arrêté sur la confession d’un ermite à Sens, qui aurait vu, vers le temps où était morte la reine Jeanne, l’évêque Guichard s’adonner à des pratiques de sorcellerie. Guichard avait même tenté de confier à l’ermite du poison destiné à Charles de Valois, à Louis le Hutin et à quelques autres princes.
Cette affaire est en fait un coup de semonce de Philippe le Bel dirigé à l’encontre de l’épiscopat français, pour le forcer à le soutenir dans son procès contre les templiers :
Dans l’hiver 1307-1308, Guillaume de Nogaret sentit le besoin de donner à l’épiscopat français un avertissement. On avait besoin, pour assurer la poursuite du procès des templiers, d’un épiscopat aussi solidaire de son roi contre Clément V qu’il l’avait été en d’autres circonstances contre Boniface VIII. Mais Boniface avait inquiété bien des prélats français, et l’on n’avait rien demandé à ceux-ci qu’un appel au Concile. Jamais Philippe le Bel n’avait songé à faire condamner le pape par les évêques de France. Pour les templiers, au contraire, il fallait que l’épiscopat fût non seulement docile mais docilement actif.
[…]
Il est difficile de dire si la dénonciation contre Guichard tombait opportunément au moment où l’on avait besoin de tirer un coup de semonce, ou si cette dénonciation fut fabriquée de toutes pièces à cette fin. Toujours est-il qu’on ne tarda pas à exploiter la confession de l’ermite. Les affaires de sorcellerie n’étaient pas rares, et on n’hésitait pas à en monter pour perdre ceux qu’on ne pouvait perdre autrement. Il y avait une bonne part de sorcellerie dans ce qu’on reprochait aux templiers, comme dans les accusations naguère portées contreBoniface VIII, et c’est pour sorcellerie qu’on finit par pendre en 1315 un Enguerran de Marigny que l’enquête administrative ne pouvait confondre quant à sa gestion financière.
Guichard est finalement innocenté et remis en liberté en 1313.
Pour aller plus loin :
Jacques de Molay : le crépuscule des Templiers, Alain Demurger
Les rois maudits : l'enquête historique, Eric Le Nabour
A notre connaissance, le seul « lien » entre Jeanne de Navarre et Jacques de Molay est Philippe IV le Bel, dont Jeanne de Navarre est l’épouse, et qui a ordonné l’arrestation des templiers (dont Jacques de Molay, Grand Maître de l’ordre).
En effet Jeanne de Navarre est décédée en 1305, avant que débute l’affaire des templiers (en 1307), et aucun élément de sa vie dans les documents que nous avons consultés n’indique de liens particulier avec l’ordre des templiers ou Jacques de Molay :
Jeanne de Navarre
Femme de Philippe IV Le Bel
Bar-sur-Seine, 14 janvier 1273 – Vincennes, 2 avril 1305
C’est un véritable concours de circonstances qui fera de Jeanne de Navarre une reine de France mais aussi l’épouse d’un des plus grands rois du Moyen Age, Philippe IV le Bel. Elle est la fille de Henri II de Champagne, qui devint roi de Navarre, et de Blanche d’Artois. Elle grandit à Provins dans le comté de Brie qui appartient à sa famille. Très tôt, le destin de la jeune princesse est lié aux fluctuations de la politique. Elle est ainsi promise à Henri d’Angleterre, puis au fils du roi d’Aragon avant d’être sollicitée par la cour de France. Sa mère, veuve en 1274, a dû faire face aux prétentions des Etats catholiques espagnols sur la Navarre, et l’aide apportée l’année suivante par le roi de France implique une clause matrimoniale. Jeanne épousera Philippe, le second fils de Philippe III le Hardi et d’Isabelle d’Aragon. Ce choix qui se voulait sans doute une garantie contre le rattachement à la couronne de France de provinces importantes s’avéra vain puisqu’en 1276 Louis, héritier du trône, disparaît. Ainsi, le 16 août 1284, Jeanne, âgée de onze ans, épouse le futur Philippe IV le Bel. Les enfants se connaissent bien puisque la jeune princesse qui vit à la cour de France depuis quelques années a partagé jeux et études avec son futur époux. Une fois de plus, le destin s’empare du jeune couple. Le 5 octobre 1285, le roi Philippe III le Hardi, en conflit avec l’Aragon, meurt prématurément à Perpignan.
A Reims, le 6 janvier 1286, les jeunes souverains âgés de dix-huit et treize ans sont sacrés. Alors que Philippe IV prend en main la direction des affaires du pays, Jeanne se préoccupe surtout d’assurer la descendance. Six enfants naissent de cette union, dont seuls quatre survivront. D’abord Louis, né en 1289 ; il sera roi de Navarre (1305-1316) puis roi de France (1314-1316) sous le nom de Louis X le Hutin. Puis, en 1293, Philippe, le futur Philippe V le Long ; enfin, en 1294, Charles, roi de 1322 à 1328 sous le nom de Charles IV le Bel. Une fille, Isabelle, deviendra reine d’Angleterre par son mariage avec Edouard II. Toute sa vie, Jeanne sera absente du jeu politique national. Mais elle gère ses biens, la Navarre et la Champagne, suivant le modèle français. A Paris, l’hôtel de la Reine Jeanne est le centre d’activités culturelles et de nombreuses intrigues. A deux reprises, la reine sait défendre ses biens avec vigueur. En 1297, le comte de Bar qui veut mettre la main sur la Champagne est vaincu. La Navarre est aussi libérée des troupes castillanes et aragonaises qui l’occupaient. Jeanne de Navarre suit souvent son époux dans les voyages provinciaux. Après la lutte contre les Flamands, le couple royal visite en 1301 les villes flamandes : Lille, Tournai, Gand, Bruges et Ypres. Lors de l’intervention militaire en Languedoc, on les trouve à nouveau ensemble.
Pieuse, sans plus, Jeanne fonde à Paris le collège de Navarre, fondation qui, à l’époque, concourt au salut de son créateur. Dans le même registre, la tentative des Fransiscains pour utiliser le confesseur de la reine contre celui du roi, dominicain, n’a pas d’effet concret.
Jeanne de Navarre meurt à Vincennes le 2 avril 1305 ; elle est inhumée à Saint-Denis, alors que le roi de France est en conflit avec la papauté. Deux mois après son décès, l’archevêque de Bordeaux, Bertrand de Got, devient le pape Clément V qui fixe, en 1309, la papauté à Avignon.
Source : Les reines de France : dictionnaire chronologique, Christian Bouyer
Un passage de l’ouvrage de Jean Favier, Philippe le Bel, évoque les accusations de sorcellerie dont fut l’objet Guichard, évêque de Troyes, arrêté sur la confession d’un ermite à Sens, qui aurait vu, vers le temps où était morte la reine Jeanne, l’évêque Guichard s’adonner à des pratiques de sorcellerie. Guichard avait même tenté de confier à l’ermite du poison destiné à Charles de Valois, à Louis le Hutin et à quelques autres princes.
Cette affaire est en fait un coup de semonce de Philippe le Bel dirigé à l’encontre de l’épiscopat français, pour le forcer à le soutenir dans son procès contre les templiers :
Dans l’hiver 1307-1308, Guillaume de Nogaret sentit le besoin de donner à l’épiscopat français un avertissement. On avait besoin, pour assurer la poursuite du procès des templiers, d’un épiscopat aussi solidaire de son roi contre Clément V qu’il l’avait été en d’autres circonstances contre Boniface VIII. Mais Boniface avait inquiété bien des prélats français, et l’on n’avait rien demandé à ceux-ci qu’un appel au Concile. Jamais Philippe le Bel n’avait songé à faire condamner le pape par les évêques de France. Pour les templiers, au contraire, il fallait que l’épiscopat fût non seulement docile mais docilement actif.
[…]
Il est difficile de dire si la dénonciation contre Guichard tombait opportunément au moment où l’on avait besoin de tirer un coup de semonce, ou si cette dénonciation fut fabriquée de toutes pièces à cette fin. Toujours est-il qu’on ne tarda pas à exploiter la confession de l’ermite. Les affaires de sorcellerie n’étaient pas rares, et on n’hésitait pas à en monter pour perdre ceux qu’on ne pouvait perdre autrement. Il y avait une bonne part de sorcellerie dans ce qu’on reprochait aux templiers, comme dans les accusations naguère portées contreBoniface VIII, et c’est pour sorcellerie qu’on finit par pendre en 1315 un Enguerran de Marigny que l’enquête administrative ne pouvait confondre quant à sa gestion financière.
Guichard est finalement innocenté et remis en liberté en 1313.
Pour aller plus loin :
Jacques de Molay : le crépuscule des Templiers, Alain Demurger
Les rois maudits : l'enquête historique, Eric Le Nabour
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter