Question d'origine :
dans son livre "ceux de 14" GENEVOIX parle des armes dont disposaient les boches pour tirer sur nos lignes
skrapnells et marmites
comment étaient concues ces armes ?
il parle également des "fusants" et des "percutants"
de quoi s'agit-il ?
a moins que ce soient des mots d'usage pour des armes ordinaires
merci d'avance
Réponse du Guichet

Bonjour,
Tout d’abord un aperçu de l’artillerie des tranchées
L'artillerie de tranchée est une artillerie spécifiquement destinée à atteindre, depuis une tranchée et par un tir courbe, l'intérieur d'une autre tranchée, dont les parois verticales renforcées réduisent l'efficacité des armes d'artilleries plus standards. Ce type d'artillerie devient prépondérante au cours de la Première Guerre mondiale….
L'armée française réagit en urgence en restaurant de vieux mortiers à âme lisse construits sous Napoléon III, capables de tirs presque verticaux, mais aussi en bricolant des armes de fortune : arbalètes, balistes, mortiers improvisés, etc. Le capitaine Cellerier bricole par exemple le corps d'un obus percé d'une lumière, et fixé sur un socle en bois. Cette arme improvisée est chargée de poudre noire qui sert à propulser un projectile formé d'un tube de fonte obturé par un bouchon en bois. Ce projectile contient « un mélange d'explosif, de vieux clous, d'éclats de verre et de débris métalliques divers1. » Ces deux types d'armes, mortier et mortier improvisé, sont baptisées crapouillots par les poilus, et les bombardements de l'artillerie de tranchée sont surnommés « marmitages ». Tous les projectiles d'artillerie de tranchée sont alors désignés sous le vocable de torpille.
La langue s'est enrichie lors de la Première Guerre mondiale d'expressions liées au conflit.
Les soldats ont amené avec eux dans les tranchées l'argot existant avant la guerre. Issus de milieux sociaux très divers, ils ont aussi inventé des mots et des expressions pour nommer, avec leur expérience et leur regard, ce qu'ils vivaient au quotidien.
Les mots que vous évoquez sont issus de l’argot des tranchées et du vocabulaire militaire
Fusant : obus qui éclate en l’air, au dessus des troupes, avant de toucher le sol. Pour cela il est muni à son sommet d’une « fusée » réglée pou déclencher l’explosion de l’obus au bout d’un temps calculé à l’avance. Le fusant est composé d’explosif et de billes de plomb ou d’acier appelées shrapnels.
Shrapnel ou shrapnell : Arme antipersonnel, obus rempli de projectiles, du nom de l’inventeur du minuteur qui provoque l’explosion. L’obus libère 200 à 300 balles de plomb capables de percer un crâne non casqué. Par extension, on appelle aussi shrapnells les éclats d’obus.
Marmite : Désignation des projectiles de calibres 420 allemands par les soldats français, en particulier des Minenwerfer, sans doute en raison de leur forme et de leur poids.
Percutant : Type d’obus qui explose lors du contact avec le sol.
(Les mots des tranchées, l’invention d’une langue de guerre 1914-1919)
La capacité de reconnaître les calibres des projectiles, mais aussi leur type et direction se développa rapidement chez les combattants :
[i]Parmi les projectiles les mieux connus, qu’il est possible d’éviter à force d’attention, figurent les torpilles de forme allongées munies d’une queue et d’ailettes qu’envoient les obusiers, pour tir à courte distance ; « La torpille marche lentement, écrit Xavier Chaïla (p ;55). En entendant le coup de départ de la pièce, on peut la voir monter presqu’à angle droit, et on l’entend grâce au bruit particulier que font ses ailes en tournant. En déterminant son point de chute, on peut avoir le temps de se garer. ». Les hommes des tranchées ont donné divers mots imagés à ces projectiles : ceux du 14e RI, évoqués par Despeyrières (p ;126) désignent les bombes de mortier sous les termes de « saucissons », ou « payrols », terme occitan qui signifie « marmites », celui-ci étant très répandu dans les régiments français ; « Marmite » est devenu un terme générique ; Le « saucisson « des Despeyrières est précisément la bombe du Minenwerfer (que l’argot des soldats a aussi traduit par « mine à faire peur ») « elle affecte la forme oblongue d’un saucisson, elle monte très haut en l’air en se dandinant puis elle retombe après comme un crapaud ; elle fait énormément de bruit en explosant » ; de jour, on la voit arriver.
Autre nom pour la 96e Ri de pierre Bellet : « la bouteille » (Dans les tranchées de 1914-18)
Voir aussi :
L’argot de la guerre
Les mots des tranchées, l’invention d’une langue de guerre 1914-1919
Cet article plus technique
Cet autre
L’ évocation des projectiles dans les écrits de poilus
• « Les obus tombent dur. Une fois, j’attrape une grêle de shrapnells sur le dos ; heureusement qu’il [l’obus] avait éclaté un peu trop haut et ils ne me font pas de mal. » (Léopold Noé, Nous étions ennemis sans savoir pourquoi ni comment, Carcassonne, FAOL, « La Mémoire de14-18 en Languedoc », 1980, p.33).
• « Les obus nous suivent, marmites et shrapnells. Trois fois, je me suis trouvé en pleine gerbe d’un shrapnell, les balles de plomb criblant la terre autour de moi, fêlant des têtes, trouant des pieds ou crevant des gamelles » ( Maurice Genevoix, Ceux de 14, Paris, Flammarion, 1950, réed. Seuil, coll « Points », p.39).
« On ne les entend pas venir, ces fusants. Je regardais un de mes poilus qui bourrait sa pipe lorsque deux autres ont explosé sur nous: le sifflement, la grimace de l'homme et le plongeon qu'il a fait, la grêle des balles dans les branches, tout s'est confondu en une seule impression d'attaque imprévisible et méchante. C'est trop rapide, le réflexe qu'on a pour se protéger se déclenche trop tard. L'obus qui a sifflé de loin n'atteint pas. Mais celui qui tombe sans dire gare, celui-là est dangereux et effraye; les mains restent fébriles longtemps encore après l'explosion. »
Ce lexique du CRID
Ce site d’un collectionneur
Tout d’abord un aperçu de l’artillerie des tranchées
L'artillerie de tranchée est une artillerie spécifiquement destinée à atteindre, depuis une tranchée et par un tir courbe, l'intérieur d'une autre tranchée, dont les parois verticales renforcées réduisent l'efficacité des armes d'artilleries plus standards. Ce type d'artillerie devient prépondérante au cours de la Première Guerre mondiale….
L'armée française réagit en urgence en restaurant de vieux mortiers à âme lisse construits sous Napoléon III, capables de tirs presque verticaux, mais aussi en bricolant des armes de fortune : arbalètes, balistes, mortiers improvisés, etc. Le capitaine Cellerier bricole par exemple le corps d'un obus percé d'une lumière, et fixé sur un socle en bois. Cette arme improvisée est chargée de poudre noire qui sert à propulser un projectile formé d'un tube de fonte obturé par un bouchon en bois. Ce projectile contient « un mélange d'explosif, de vieux clous, d'éclats de verre et de débris métalliques divers1. » Ces deux types d'armes, mortier et mortier improvisé, sont baptisées crapouillots par les poilus, et les bombardements de l'artillerie de tranchée sont surnommés « marmitages ». Tous les projectiles d'artillerie de tranchée sont alors désignés sous le vocable de torpille.
La langue s'est enrichie lors de la Première Guerre mondiale d'expressions liées au conflit.
Les soldats ont amené avec eux dans les tranchées l'argot existant avant la guerre. Issus de milieux sociaux très divers, ils ont aussi inventé des mots et des expressions pour nommer, avec leur expérience et leur regard, ce qu'ils vivaient au quotidien.
Les mots que vous évoquez sont issus de l’argot des tranchées et du vocabulaire militaire
Fusant : obus qui éclate en l’air, au dessus des troupes, avant de toucher le sol. Pour cela il est muni à son sommet d’une « fusée » réglée pou déclencher l’explosion de l’obus au bout d’un temps calculé à l’avance. Le fusant est composé d’explosif et de billes de plomb ou d’acier appelées shrapnels.
Shrapnel ou shrapnell : Arme antipersonnel, obus rempli de projectiles, du nom de l’inventeur du minuteur qui provoque l’explosion. L’obus libère 200 à 300 balles de plomb capables de percer un crâne non casqué. Par extension, on appelle aussi shrapnells les éclats d’obus.
Marmite : Désignation des projectiles de calibres 420 allemands par les soldats français, en particulier des Minenwerfer, sans doute en raison de leur forme et de leur poids.
Percutant : Type d’obus qui explose lors du contact avec le sol.
(Les mots des tranchées, l’invention d’une langue de guerre 1914-1919)
La capacité de reconnaître les calibres des projectiles, mais aussi leur type et direction se développa rapidement chez les combattants :
[i]Parmi les projectiles les mieux connus, qu’il est possible d’éviter à force d’attention, figurent les torpilles de forme allongées munies d’une queue et d’ailettes qu’envoient les obusiers, pour tir à courte distance ; « La torpille marche lentement, écrit Xavier Chaïla (p ;55). En entendant le coup de départ de la pièce, on peut la voir monter presqu’à angle droit, et on l’entend grâce au bruit particulier que font ses ailes en tournant. En déterminant son point de chute, on peut avoir le temps de se garer. ». Les hommes des tranchées ont donné divers mots imagés à ces projectiles : ceux du 14e RI, évoqués par Despeyrières (p ;126) désignent les bombes de mortier sous les termes de « saucissons », ou « payrols », terme occitan qui signifie « marmites », celui-ci étant très répandu dans les régiments français ; « Marmite » est devenu un terme générique ; Le « saucisson « des Despeyrières est précisément la bombe du Minenwerfer (que l’argot des soldats a aussi traduit par « mine à faire peur ») « elle affecte la forme oblongue d’un saucisson, elle monte très haut en l’air en se dandinant puis elle retombe après comme un crapaud ; elle fait énormément de bruit en explosant » ; de jour, on la voit arriver.
Autre nom pour la 96e Ri de pierre Bellet : « la bouteille » (Dans les tranchées de 1914-18)
Voir aussi :
L’argot de la guerre
Les mots des tranchées, l’invention d’une langue de guerre 1914-1919
Cet article plus technique
Cet autre
L’ évocation des projectiles dans les écrits de poilus
• « Les obus tombent dur. Une fois, j’attrape une grêle de shrapnells sur le dos ; heureusement qu’il [l’obus] avait éclaté un peu trop haut et ils ne me font pas de mal. » (Léopold Noé, Nous étions ennemis sans savoir pourquoi ni comment, Carcassonne, FAOL, « La Mémoire de14-18 en Languedoc », 1980, p.33).
• « Les obus nous suivent, marmites et shrapnells. Trois fois, je me suis trouvé en pleine gerbe d’un shrapnell, les balles de plomb criblant la terre autour de moi, fêlant des têtes, trouant des pieds ou crevant des gamelles » ( Maurice Genevoix, Ceux de 14, Paris, Flammarion, 1950, réed. Seuil, coll « Points », p.39).
« On ne les entend pas venir, ces fusants. Je regardais un de mes poilus qui bourrait sa pipe lorsque deux autres ont explosé sur nous: le sifflement, la grimace de l'homme et le plongeon qu'il a fait, la grêle des balles dans les branches, tout s'est confondu en une seule impression d'attaque imprévisible et méchante. C'est trop rapide, le réflexe qu'on a pour se protéger se déclenche trop tard. L'obus qui a sifflé de loin n'atteint pas. Mais celui qui tombe sans dire gare, celui-là est dangereux et effraye; les mains restent fébriles longtemps encore après l'explosion. »
Ce lexique du CRID
Ce site d’un collectionneur
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter