Question d'origine :
Bonjour,
Durant l'ancien régime, la généralité de Lyon décidait ce que chaque paroisse devait payer comme impôt. Quels étaient les critères qui permettaient de calculer cet impôt ? La répartition était ensuite faite localement. Depuis quand ce système est-il abandonné, c'est à dire depuis quand les impôts sont-ils calculés par contribuable individuellement ?
Réponse du Guichet

Bien que la société française ait été soumise à l’impôt depuis l’époque médiévale, on peut retracer la construction d’un Etat fiscal depuis la fin du XVIIIè siècle, car la Révolution française marque un tournant dans la manière de concevoir et d’organiser l’impôt.
L’ancien régime fiscal comporte plusieurs impôts directs et indirects, réformés au gré des conjonctures économiques : la dîme (part que le clergé prélève sur les récoltes), les droits seigneuriaux, les taxes de consommation comme la gabelle (sur le sel), les aides (sur les boissons), les traites (sur les échanges) par exemple. Les impôts directs sont confiés à la Ferme générale qui avance au roi l’argent dont celui-ci a besoin puis se rembourse en taxant les contribuables. La taille, principal impôt direct, est très impopulaire en raison des multiples privilèges et exemptions qui permettent à la noblesse, au clergé et aux bourgeois de s’en affranchir. C’est un impôt personnel, prélevé sur les revenus fonciers du contribuable, ou un impôt réel, prélevé sur la terre et les biens roturiers. On peut encore citer la capitation, reposant sur une division de la propriété en vingt-deux classes, chaque classe étant imposée selon un tarif différent, l’impôt du dixième, prélèvement du revenu de toutes les propriétés (revenus fonciers, revenus mobiliers, revenus des professions libérales, revenus de l’industrie), remplacé par l’impôt du vingtième en 1749.
En 1790-1791, un nouveau régime fiscal est mis en place s’organisant autour des « quatre vieilles » soit des contributions directes (contribution foncière, personnelle mobilière, contribution de la patente et contribution des portes et fenêtres). Ces impôts sont indiciaires, c’est-à-dire calculés à partir de signes extérieurs de richesse (terre, habitation, loyer). De plus, à l’exception de la patente, le montant de l’impôt est décidé par le Parlement chaque année, puis réparti entre les départements, arrondissements et dans les communes. Ces impôts ne prennent pas en compte la situation personnelle des contribuables mais sont assis sur des sources de revenus (terre, habitation).
C’est au lendemain de la seconde guerre mondiale que la fiscalité française adopte un nouveau système qui, bien que réformé plusieurs fois, est celui que l’on connait actuellement.
On peut citer la suppression des anciennes contributions, la modernisation de l’impôt sur le revenu (sujet controversé notamment entre 1896 et 1914), l’adaptation des impôts à la conjoncture économique et la prise en compte de nouvelles matières imposables : quotient familial en 1945, impôt sur les sociétés en 1948, TVA en 1964, taxe foncière en 1959 et fiscalité immobilière à partir de 1963.
Citons également la réforme de 1948, qui malgré sa complexité, a apporté plusieurs progrès. Hormis le quotient familial, il faut souligner l’imposition par foyer, l’introduction de la notion de domicile fiscal, la déclaration détaillée et l’harmonisation des règles de contrôle.
La réforme de 1959 par Michel Debré, qui s’étale jusqu’en 1972, met en place l’application aux salaires du barème de l’impôt sur le revenu. L’objectif d’un impôt unique pour tous les revenus même les salaires constitue le fil directeur de cette réforme. Les salaires qui étaient soumis à une taxe forfaitaire de 5 % devaient intégrés le barème par souci d’égalité des contribuables et du fait également de la progression irrésistible du salariat depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
On peut donc dire qu’au fil de l’histoire, les modalités de prélèvement diffèrent et évoluent, mais les impôts sont toujours soumis à un contribuable, qu’il soit effectif ou qu’il soit un tiers. Cependant, ce sont bien les impôts directs (patente, mobilière, foncière ou sur le revenu et taxe d’habitation par exemple) qui touchent le contribuable nommément (personne physique et morale), et qui sont assis sur une assiette constante (revenu, capital...).
Pour connaitre plus en détails l’évolution de la fiscalité en France, nous vous conseillons ces quelques lectures :
- Colliard Jean-Édouard, Montialoux Claire, « Une brève histoire de l'impôt », Regards croisés sur l'économie 1/ 2007 (n° 1), p. 56-65, disponible également sous la base en ligne Cairn (consultable sur les ordinateurs du réseau de la BmLyon)
- Histoire sociale de l’impôt, Nicolas Delalande, Alexis Spire, Puf, 2010
Vous pouvez aussi consulter le dossier Les ressources de l’Etat sur le site Vie-publique.fr
Réponse du Guichet

Sous l’ancien régime, la taille représente le principal impôt direct. Du roi qui en fixe la somme globale jusqu’au contribuable dont la cote figure sur les rôles, l’opération de répartition de la taille comprend quatre degrés. Son chiffre global est d’abord départi entre les généralités du royaume ; puis, à l’intérieur de chaque généralité entre les diverses élections ; ensuite entre les paroisses de l’élection et, enfin, entre les contribuables de chaque paroisse.
A ce dernier niveau, l’impôt était réparti en fonction des facultés de chaque contribuable. Il y a donc déjà sous l’ancien régime un calcul individuel de l’impôt, bien que l’estimation des biens, revenus et capacités de paiement de chacun soit assez approximative. La répartition de la charge fiscale varie et fait l’objet de plusieurs aménagements au cours de l’ancien régime.
L’ouvrage La politique financière de Sully dans la généralité de Lyon de Jacques Permezel s’intéresse de manière synthétique à chacune de ces étapes de répartition. Vous pouvez consulter cet ouvrage en salle de lecture de la Documentation régionale, au 4e étage de la bibliothèque de la Part-Dieu.
Pour mieux comprendre comment fonctionnait la répartition des impôts par les trésoriers au sein de la généralité de Lyon, nous vous conseillons la lecture de l’ouvrage de Karine Deharbe,Le bureau des finances de la généralité de Lyon, XVIe -XVIIIe siècle : aspects institutionnels et juridiques.
L’auteur y consacre un chapitre aux impôts, « une fonction importante peu à peu restreinte », que nous ne pouvons reproduire ici dans son intégralité. En voici quelques extraits.
« Les trésoriers veillent d’abord à une bonne répartition des impôts anciens, - les nouveaux appartiennent au commissaire départi : ce n’est pas une mince affaire. La royauté se contente pendant longtemps de la taille, « insuffisante et viciée », avant de se résoudre à une première réforme d’envergure en 1695 avec la capitation (…) La taille reste la part la plus importante de leurs attributions, même si celles-ci s’étendent aux impôts indirects. La taille se lèvre régulièrement par le roi depis 1439. »
« Il faut assimiler la nature de la taille avant de pouvoir comprendre son assiette, qui n’est pas toujours simple. Elle évolue d’ailleurs jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. Auger, des les premières pages de sin Traité sur les tailles, expose : « QU’est-ce que la taille ? C’est une imposition fixe en argent qui se répartit annuellement sur chaque contribuable, à proportion de ses biens, facultés et industrie ». Cette définition n’est pas satisfaisante.(…) Ferrière, dans son Dictionnaire de droit et de pratique, est le plus clair. Il expose que, dans la plus grande part du royaume, les tailles sont mixtes, c'est-à-dire réelles et personnelles. Elles sont réelles et se payent par les roturiers à raison de leurs biens patrimoniaux. Elles sont personnelles par rapport à la demeure, qui détermine le lieux où elles sont imposées sur chaque tailliable, et aussi en ce qu’elles s’imposent non seulement par rapport aux biens patrimoniaux qu’un tailliable possède, mais encore par rapport au gain qu’il fait par son industrie. Mais les tailles sont quand même considérées comme plus personnelles que réelles : chaque particulier n’est tenu de payer par an qu’une seule taille et en une seule paroisse, c'est-à-dire celle où il demeure le jour de la Saint-Rémi (le 15 janvier), même s’il possède plusieurs biens dans différentes paroisses.(…) Cette taille est appelée taille personnelle. Ce régime est le plus général, appliqué dans presque tous les pays d’élections sauf le Sud-Ouest. La généralité de Lyon est rattachée à ce type d’imposition. »
« L’impôt direct est global sur tous les revenus des roturiers, et donc assis sur l’ensemble évalué des facultés - souvent présumées - du contribuable d’après les signes extérieurs de richesse. Auger précise la composition de la taille personnelle :
1 - le revenu des moulins et usines, et des maisons en propre données à loyer ou occupées, sur lequel on déduira le quart en considération des réparations dont les propriétaires sont chargés
2 - Les revenus des terres données à loyer, suivant la redevance, ou de celles exploitées en propre, suivant le rpix du loyer des classes dans lesquelles elles se trouveront
3 - les rentes actives
4 - le bénéfice de l’industrie, ou de dixième des prix des journées de la profession à laquelle chacun des contribuables s’adonne »
« L’évaluation globale des ressources d’une communauté de taillables est encore plus incertaine que celle des capacités d’un individu, en outre à une époque où la statistique n’existe pas : le meilleur élément d’appréciation est donc fondé sur la facilité plus ou moins grande avec laquelle la circonscription s’est aquittée l’année précédente. (…) Le poids des exemptions compte aussi. La taille personnelle ne frappe que les roturiers. (…) Mais il existe tant de modes d’exemption : clergé, offices, affranchissements individuels ou collectifs, bourgeois des villes, villes franches (…) Lyon, exempte de taille, en est un bon exemple : elle paie en compensation, depuis, 1604, une subvention fixe et annuelle de 24000 livres. »
La page 258 et suivantes s’intéressent plus particulièrement au travail réalisé par les trésoriers de la généralité. Nous vous laissons le soin d’en entreprendre la lecture.
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