Question d'origine :
Bonjour GdS,
A votre connaissance, y a-t-il eu après-guerre, en Allemagne, des œuvres traitant de la période de la guerre avec humour et légèreté ?
Ma question porte en particulier, mais pas seulement, sur des films, à la manière de ce qu'ont pu interpréter nos Bourvil, De Funès, Fernandel et autres...
(subsidiairement, y a-t-il eu diffusion en Allemagne, et quand, des : La Grande Vadrouille, Vache et le Prisonnier, La Traversée de Paris, Papy fait de la Résistance, 7ème Compagnie, etc.)
En outre, les allemands d'aujourd'hui ont-ils pu voir en allemand des œuvres autres que comiques comme Shoah, Nuit et Brouillard, La Liste de Schindler... Dans l'affirmative, comment Est-ce reçu ?
Par avance, Merci
JL
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 10/04/2014 à 11h14
Bonjour,
Il semblerait que le premier film allemand ayant osé rire du nazisme et de Hitler soit sorti en 2007 : c'est un réalisateur juif allemand, Dani Lévy qui en prit le pari dans "Mein Führer – Die wirklich wahrste Wahrheit über Adolf Hitler" (Mon Führer – La vraie véritable Histoire d’Adolf Hitler).
Quel accueil lui fut réservé par la population allemande ? Voici quelques extraits d'articles qui répondent à la question :
Avec le film "La Chute", le cinéma allemand présentait pour la première fois un Hitler à visage humain, sous les traits troublants de Bruno Ganz.
Trois ans plus tard, il adapte Hitler à un autre genre : la comédie. Si Charlie Chaplin (Le Dictateur), Ernst Lubitsch (To Be or not to Be) ou même Mel Brooks (Les Producteurs) avaient déjà tourné le dictateur en dérision, aucun long-métrage réalisé en Allemagne ne l'avait encore traité de la sorte. C'est le cas avec la sortie, jeudi 11 janvier, de "Mon Führer" sur les écrans outre-Rhin.
Il fallait, note la presse allemande, un cinéaste juif, Dani Levy, pour se livrer à cet exercice délicat. Né à Bâle en 1957, ce Suisse réside depuis les années 1980 à Berlin, comme sa famille avant-guerre. Il est l'auteur d'une dizaine de films, dont le précédent, Monsieur Zucker joue son va-tout (2004), évoquait la vie des juifs dans l'Allemagne actuelle.
Dans ce nouveau film, le Führer de Dani Levy a perdu de son aura et de sa morgue. Sentant la défaite approcher, il est plongé dans une profonde dépression. Sa mappemonde lui sert à ranger des médicaments. Dans sa baignoire, il joue, désabusé, avec un navire de guerre miniature. Afin de lui redonner la hargne suffisante pour galvaniser le peuple allemand dans son discours du Nouvel An 1945, Goebbels, son ministre à la propagande, a l'idée de faire appel à un comédien juif. Adolf Grünbaum est extirpé d'un camp de concentration. Il va devenir le favori de Hitler, qui se livre volontiers aux exercices humiliants de son professeur et lui confie les turpitudes de sa vie.
Peut-on rire de Hitler ?
La question, déjà tranchée hors d'Allemagne, est relancée dans le pays par ce film, note Die Welt.
L'écrivain Ralph Giordano, 83 ans, répond par la négative avant même d'avoir vu Mon Führer.
D'autres, au contraire, estiment que le moment est venu, plus de soixante ans après la guerre. "C'est important, plaide Dani Levy, que Hitler ne soit pas une nouvelle fois présenté comme un monstre ni ne soit érigé en une sorte de monument."
source : Une comédie sur Hitler provoque un débat en Allemagne / Antoine Jacob - Le Monde - 06.01.2007
À l'époque de la sortie du film, 56 % des Allemands étaient hostiles à l'idée même d'une telle frivolité sur le nazisme, et seuls 35 % en approuvaient la tentative.
source : Hitler ridiculisé ne fait pas rire tous les Allemands / PIERRE BOCEV - Le Figaro - Lundi 15 janvier 2007
Peut-on rire enfin de Hitler en Allemagne ?
Le débat n'est pas nouveau. Il avait été relancé en 2007 par le film Mon Führer, de Dani Levy. Un film qui avait été très mal reçu par la critique - pour son manque d'humour justement - mais qui avait été l'occasion de faire le point sur la relation des Allemands avec le passé nazi. La sortie du film avait montré que les tabous avaient sauté et que le Führer était entré dans la « génération pop » comme Staline ou Mao. [...] « L'Allemagne est prête à rire de Hitler, assure Michel Friedman, l'ancien vice-président du Conseil central des Juifs d'Allemagne. Il arrive que le rire se coince au fond de la gorge. Mais c'est le meilleur moyen de réfléchir », ajoute-t-il. Adolf Hitler ne fait plus peur. On rit de lui comme on a toujours ri du personnage de Charlie Chaplin.
source : Les Allemands veulent rire de Hitler / CHRISTOPHE BOURDOISEAU - Le Soir - jeudi 28 mai 2009
Autres sources :
- « Je ne suis quand même pas un anarchiste amoral. » / Entretien avec Dani Levy
- "Mon Führer" : interview avec Dani Levy - Propos recueillis à Paris en février 2008 par Barbara Fuchs
- Hitler est-il un personnage comme les autres ? / Pierre Bocev - Le Figaro - 11/03/2008
Vous en saurez plus sur le cinéma allemand en parcourant les documents suivants :
- Le Cinéma allemand / OFAJ
- Histoire du cinéma allemand / Roland Schneider
- 100 ans de cinéma allemand / Monika Bellan
- Cinéma et culpabilité en Allemagne, 1945-1990 / Béatrice Fleury-Vilatte
Nous vous recommandons tout particulièrement la lecture de la thèse de de Béatrice Fleury Ep. Vilatte : L'epoque nazie dans le cinéma allemand d'après-guerre / Culpabilité et parcours de l'oubli.
Concernant l'accueil des films "historiques" en Allemagne, nous vous invitons à consulter par exemple :
- Montrer la Shoah à la télévision : de 1960 à nos jours / Julie Maeck
En France comme en Allemagne, la télévision a pris à partir des années 1960 une place prépondérante dans la culture historique des Européens. Si de nombreuses études ont été publiées sur les représentations de la Shoah au cinéma, il n'existait pas, jusqu'ici, d'enquête similaire concernant le petit écran. L'autre originalité de cette recherche réside dans l'examen parallèle des productions françaises et allemandes, et de leurs réceptions de part et d'autre du Rhin.
et cet article de Questions de communication.
- Nuit et brouillard : un film dans l'histoire / Sylvie Lindeperg
Un essai consacré au film 'Nuit et Brouillard', sorti en 1956, d'Alain Resnais qui a fait date et a marqué la représentation de la Shoah. L'auteure retrace ainsi les étapes de la genèse du film, l'accueil à sa sortie en France, en RFA & RDA, et dans le monde entier. Elle décrit les arcanes de sa mise en route, les hésitations de l'écriture du réalisateur, les réactions officielles qu'il a suscitées.
Quelques documents sur le cinéma français :
- Les représentations successives de la Résistance dans le cinéma français / Jean-François Dominé
- 1966 via 1942 : l’année de La Grande Vadrouille / François Kahn
- Les écrans de l'ombre : la Seconde guerre mondiale dans le cinéma français, 1944-1969 / Sylvie Lindeperg
- Le cinéma et la Shoah : un art à l'épreuve de la tragédie du 20e siècle / sous la direction de Jean-Michel Frodon; avec les contributions de Jean-Louis Comolli, Hubert Damisch, Arnaud Desplechin
Pour plus d'information, nous vous conseillons de contacter le CHRD ou encore la Bibliothèque du film.
Il semblerait que le premier film allemand ayant osé rire du nazisme et de Hitler soit sorti en 2007 : c'est un réalisateur juif allemand, Dani Lévy qui en prit le pari dans "Mein Führer – Die wirklich wahrste Wahrheit über Adolf Hitler" (Mon Führer – La vraie véritable Histoire d’Adolf Hitler).
Quel accueil lui fut réservé par la population allemande ? Voici quelques extraits d'articles qui répondent à la question :
Avec le film "La Chute", le cinéma allemand présentait pour la première fois un Hitler à visage humain, sous les traits troublants de Bruno Ganz.
Trois ans plus tard, il adapte Hitler à un autre genre : la comédie. Si Charlie Chaplin (Le Dictateur), Ernst Lubitsch (To Be or not to Be) ou même Mel Brooks (Les Producteurs) avaient déjà tourné le dictateur en dérision, aucun long-métrage réalisé en Allemagne ne l'avait encore traité de la sorte. C'est le cas avec la sortie, jeudi 11 janvier, de "Mon Führer" sur les écrans outre-Rhin.
Il fallait, note la presse allemande, un cinéaste juif, Dani Levy, pour se livrer à cet exercice délicat. Né à Bâle en 1957, ce Suisse réside depuis les années 1980 à Berlin, comme sa famille avant-guerre. Il est l'auteur d'une dizaine de films, dont le précédent, Monsieur Zucker joue son va-tout (2004), évoquait la vie des juifs dans l'Allemagne actuelle.
Dans ce nouveau film, le Führer de Dani Levy a perdu de son aura et de sa morgue. Sentant la défaite approcher, il est plongé dans une profonde dépression. Sa mappemonde lui sert à ranger des médicaments. Dans sa baignoire, il joue, désabusé, avec un navire de guerre miniature. Afin de lui redonner la hargne suffisante pour galvaniser le peuple allemand dans son discours du Nouvel An 1945, Goebbels, son ministre à la propagande, a l'idée de faire appel à un comédien juif. Adolf Grünbaum est extirpé d'un camp de concentration. Il va devenir le favori de Hitler, qui se livre volontiers aux exercices humiliants de son professeur et lui confie les turpitudes de sa vie.
La question, déjà tranchée hors d'Allemagne, est relancée dans le pays par ce film, note Die Welt.
L'écrivain Ralph Giordano, 83 ans, répond par la négative avant même d'avoir vu Mon Führer.
D'autres, au contraire, estiment que le moment est venu, plus de soixante ans après la guerre. "C'est important, plaide Dani Levy, que Hitler ne soit pas une nouvelle fois présenté comme un monstre ni ne soit érigé en une sorte de monument."
source : Une comédie sur Hitler provoque un débat en Allemagne / Antoine Jacob - Le Monde - 06.01.2007
À l'époque de la sortie du film, 56 % des Allemands étaient hostiles à l'idée même d'une telle frivolité sur le nazisme, et seuls 35 % en approuvaient la tentative.
source : Hitler ridiculisé ne fait pas rire tous les Allemands / PIERRE BOCEV - Le Figaro - Lundi 15 janvier 2007
Le débat n'est pas nouveau. Il avait été relancé en 2007 par le film Mon Führer, de Dani Levy. Un film qui avait été très mal reçu par la critique - pour son manque d'humour justement - mais qui avait été l'occasion de faire le point sur la relation des Allemands avec le passé nazi. La sortie du film avait montré que les tabous avaient sauté et que le Führer était entré dans la « génération pop » comme Staline ou Mao. [...] « L'Allemagne est prête à rire de Hitler, assure Michel Friedman, l'ancien vice-président du Conseil central des Juifs d'Allemagne. Il arrive que le rire se coince au fond de la gorge. Mais c'est le meilleur moyen de réfléchir », ajoute-t-il. Adolf Hitler ne fait plus peur. On rit de lui comme on a toujours ri du personnage de Charlie Chaplin.
source : Les Allemands veulent rire de Hitler / CHRISTOPHE BOURDOISEAU - Le Soir - jeudi 28 mai 2009
Autres sources :
- « Je ne suis quand même pas un anarchiste amoral. » / Entretien avec Dani Levy
- "Mon Führer" : interview avec Dani Levy - Propos recueillis à Paris en février 2008 par Barbara Fuchs
- Hitler est-il un personnage comme les autres ? / Pierre Bocev - Le Figaro - 11/03/2008
Vous en saurez plus sur le cinéma allemand en parcourant les documents suivants :
- Le Cinéma allemand / OFAJ
- Histoire du cinéma allemand / Roland Schneider
- 100 ans de cinéma allemand / Monika Bellan
- Cinéma et culpabilité en Allemagne, 1945-1990 / Béatrice Fleury-Vilatte
Nous vous recommandons tout particulièrement la lecture de la thèse de de Béatrice Fleury Ep. Vilatte : L'epoque nazie dans le cinéma allemand d'après-guerre / Culpabilité et parcours de l'oubli.
Concernant l'accueil des films "historiques" en Allemagne, nous vous invitons à consulter par exemple :
- Montrer la Shoah à la télévision : de 1960 à nos jours / Julie Maeck
En France comme en Allemagne, la télévision a pris à partir des années 1960 une place prépondérante dans la culture historique des Européens. Si de nombreuses études ont été publiées sur les représentations de la Shoah au cinéma, il n'existait pas, jusqu'ici, d'enquête similaire concernant le petit écran. L'autre originalité de cette recherche réside dans l'examen parallèle des productions françaises et allemandes, et de leurs réceptions de part et d'autre du Rhin.
et cet article de Questions de communication.
- Nuit et brouillard : un film dans l'histoire / Sylvie Lindeperg
Un essai consacré au film 'Nuit et Brouillard', sorti en 1956, d'Alain Resnais qui a fait date et a marqué la représentation de la Shoah. L'auteure retrace ainsi les étapes de la genèse du film, l'accueil à sa sortie en France, en RFA & RDA, et dans le monde entier. Elle décrit les arcanes de sa mise en route, les hésitations de l'écriture du réalisateur, les réactions officielles qu'il a suscitées.
Quelques documents sur le cinéma français :
- Les représentations successives de la Résistance dans le cinéma français / Jean-François Dominé
- 1966 via 1942 : l’année de La Grande Vadrouille / François Kahn
- Les écrans de l'ombre : la Seconde guerre mondiale dans le cinéma français, 1944-1969 / Sylvie Lindeperg
- Le cinéma et la Shoah : un art à l'épreuve de la tragédie du 20e siècle / sous la direction de Jean-Michel Frodon; avec les contributions de Jean-Louis Comolli, Hubert Damisch, Arnaud Desplechin
Pour plus d'information, nous vous conseillons de contacter le CHRD ou encore la Bibliothèque du film.
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