Question d'origine :
Y-avait-il un critère quelconque qui faisait que les enfants des rois, légitimes aussi bien qu´illégitimes, reçoivent des noms de villes ou de provinces?
Duc du Berry, Duc du Maine, Comte d´Artois, Duc d´Alençon, Comte de Chambord, etc.
Puisqu´il n´y avait pas d´apanage à la clé, qu´est-ce qui motivait ces choix?
Une suggestion de la part de la maîtresse ou de la reine, une envie, ou tout simplement le doigt posé sur un atlas, les yeux bandés ...???
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 05/03/2015 à 10h11
Bonjour,
Le fait d’accoler un nom de lieu à son titre relève dudroit de seigneurie : « une terre dont la possessions s’accompagnait d’une délégation de puissance publique et conférait au propriétaire une dignité particulière. […] La féodalité [aux Temps Modernes] demeurait comme une hiérarchie des terres et des personnes, un régime juridique encadrant la propriété. »
« Celui qui possédait la vraie et parfaite seigneurie, terre, fief et justice, prenait le titre de seigneur ‘absolument, indéfiniment et sans queue, un titre d’honneur’ qui accompagnait le nom et le qualifiait. »
(« Seigneurie, seigneuries », Dictionnaire de l’Ancien régime)
Pour ce qui concerne les princes, c’est bien l’apanage qui régit les terres - et le nom - qui leur sont attribuées :
« Libéralité par laquelle le Roi attribue à ses fils ou à ses petits fils ou à ses frères, des terres prélevées sur le domaine de la Couronne, sans qu’elles constituent une aliénation définitive, l’apanage est une pratique remontant aux origines capétiennes […] »
Il s’agit de compenser le droit de primogéniture (droit d’aînesse) en permettant aux fils puînés de vivre selon leur rang. « Les fils de France bénéficient de cet avantage au surplus transmissible : le régime successoral de l’apanage l’attribue à une substitution fidéicommissaire ; les terres se conservent, inaliénables, dans les mains de tous les descendants mâles en ligne directe, du premier bénéficiaire jusqu’à l’extinction de la lignée : elles font alors retour au domaine de la Couronne. »
Historiquement, « les constitutions d’apanages au profit des fils de France sont en définitive peu nombreuses. AU XVIe siècle, sur les six derniers Valois, seuls François 1er et Henri II ont des enfants. En juin 1540, le premier donne à son fils Charles, les duchés d’Orléans, d’Angoulême et de Châtellerault, les comtés de la Marche, de Clermont et de Melle […] dotation complétée en février 1543 par le duché de Bourbon. En 1567, le futur Henri III reçoit de son frère Charles IX les duchés d’Anjou et de Bourbon, le comté de Forez, la seigneurie de Chenonceau […] apanage modeste s’il est rapproché de celui donné à son frère François d’Alençon. »
(« Apanage », Dictionnaire de l’Ancien régime)
Les princes reçoivent donc terres et noms de terres issus du « domaine royal » ou « domaine de la Couronne », qui évolue lui-même au cours des siècles, comme le rappelle cette page Larousse. Pour l’attribution, elle est un don du roi et dépend de son bon plaisir, équitable ou non entre ses descendants.
Proust souligne encore au début du XXe siècle le maintien des traditions aristocratique qui réserve le nom de la terre aux fils de France et non aux princes du sang, tout en soulignant la « poésie » que cette interpellation recèle :
« Disons en passant que M. de Charlus n'était pas enchanté que dans sa famille on l'appelât Palamède. Pour Mémé, on eût pu comprendre encore que cela ne lui plût pas. Ces stupides abréviations sont un signe de l'incompréhension que l'aristocratie a de sa propre poésie (le judaïsme a d'ailleurs la même puisqu'un neveu de Lady Rufus Israël, qui s'appelait Moïse, était couramment appelé dans le monde : « Momo ») en même temps que de sa préoccupation de ne pas avoir l'air d'attacher d'importance à ce qui est aristocratique. Or, M. de Charlus avait sur ce point plus d'imagination poétique et plus d'orgueil exhibé. Mais la raison qui lui faisait peu goûter Mémé n'était pas celle-là puisqu'elle s'étendait aussi au beau prénom de Palamède. La vérité est que se jugeant, se sachant d'une famille princière, il aurait voulu que son frère et sa belle-soeur disent de lui : « Charlus », comme la reine Marie-Amélie ou le duc d'Orléans pouvaient dire de leurs fils, petits-fils, neveux et frères : « Joinville, Nemours, Chartres, Paris».
(Proust, A la recherche du Temps perdu : Le Côté de Guermantes)
« Princes du sang » désigne en effet théoriquement « l’ensemble des descendants mâles d’Hugues Capet, nés de mariage légitime, et aptes à succéder à la Couronne. En fait, les rois de France n’ont reconnu dans ce groupe que les descendants de Saint Louis […]Au cours du XVIIe siècle, la distance se creuse entre, d’une part, les fils et petits-fils du Roi, et, de l’autre, le reste des princes du sang », c’est-à-dire les descendants de Saint Louis n’appartenant pas à la famille proche de la famille régnante : fils et filles de France, petits-enfants (1er ordre), frères, sœurs, neveux et nièces du Roi (2eme ordre).
(« Princes du sang », Dictionnaire de l’Ancien régime)
Les Noblesses en France vous permettra d’approfondir et de vous y retrouver dans ce que l’auteur appelle « le millefeuille nobiliaire ».
Bonne journée.
Le fait d’accoler un nom de lieu à son titre relève du
« Celui qui possédait la vraie et parfaite seigneurie, terre, fief et justice, prenait le titre de seigneur ‘absolument, indéfiniment et sans queue, un titre d’honneur’ qui accompagnait le nom et le qualifiait. »
(« Seigneurie, seigneuries », Dictionnaire de l’Ancien régime)
Pour ce qui concerne les princes, c’est bien l’
« Libéralité par laquelle le Roi attribue à ses fils ou à ses petits fils ou à ses frères, des terres prélevées sur le domaine de la Couronne, sans qu’elles constituent une aliénation définitive, l’apanage est une pratique remontant aux origines capétiennes […] »
Il s’agit de compenser le droit de primogéniture (droit d’aînesse) en permettant aux fils puînés de vivre selon leur rang. « Les fils de France bénéficient de cet avantage au surplus transmissible : le régime successoral de l’apanage l’attribue à une substitution fidéicommissaire ; les terres se conservent, inaliénables, dans les mains de tous les descendants mâles en ligne directe, du premier bénéficiaire jusqu’à l’extinction de la lignée : elles font alors retour au domaine de la Couronne. »
Historiquement, « les constitutions d’apanages au profit des fils de France sont en définitive peu nombreuses. AU XVIe siècle, sur les six derniers Valois, seuls François 1er et Henri II ont des enfants. En juin 1540, le premier donne à son fils Charles, les duchés d’Orléans, d’Angoulême et de Châtellerault, les comtés de la Marche, de Clermont et de Melle […] dotation complétée en février 1543 par le duché de Bourbon. En 1567, le futur Henri III reçoit de son frère Charles IX les duchés d’Anjou et de Bourbon, le comté de Forez, la seigneurie de Chenonceau […] apanage modeste s’il est rapproché de celui donné à son frère François d’Alençon. »
(« Apanage », Dictionnaire de l’Ancien régime)
Proust souligne encore au début du XXe siècle le maintien des traditions aristocratique qui réserve le nom de la terre aux fils de France et non aux princes du sang, tout en soulignant la « poésie » que cette interpellation recèle :
« Disons en passant que M. de Charlus n'était pas enchanté que dans sa famille on l'appelât Palamède. Pour Mémé, on eût pu comprendre encore que cela ne lui plût pas. Ces stupides abréviations sont un signe de l'incompréhension que l'aristocratie a de sa propre poésie (le judaïsme a d'ailleurs la même puisqu'un neveu de Lady Rufus Israël, qui s'appelait Moïse, était couramment appelé dans le monde : « Momo ») en même temps que de sa préoccupation de ne pas avoir l'air d'attacher d'importance à ce qui est aristocratique. Or, M. de Charlus avait sur ce point plus d'imagination poétique et plus d'orgueil exhibé. Mais la raison qui lui faisait peu goûter Mémé n'était pas celle-là puisqu'elle s'étendait aussi au beau prénom de Palamède. La vérité est que se jugeant, se sachant d'une famille princière, il aurait voulu que son frère et sa belle-soeur disent de lui : « Charlus », comme la reine Marie-Amélie ou le duc d'Orléans pouvaient dire de leurs fils, petits-fils, neveux et frères : « Joinville, Nemours, Chartres, Paris».
(Proust, A la recherche du Temps perdu : Le Côté de Guermantes)
« Princes du sang » désigne en effet théoriquement « l’ensemble des descendants mâles d’Hugues Capet, nés de mariage légitime, et aptes à succéder à la Couronne. En fait, les rois de France n’ont reconnu dans ce groupe que les descendants de Saint Louis […]
(« Princes du sang », Dictionnaire de l’Ancien régime)
Les Noblesses en France vous permettra d’approfondir et de vous y retrouver dans ce que l’auteur appelle « le millefeuille nobiliaire ».
Bonne journée.
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