Réponse du service Guichet du SavoirLa négation type repose sur le latin "non", qui s'est dédoublé suivant sa position et son emploi dans la phrase.
Accentué, généralement dans les réponses, il est resté dans le français "non" : « venez-vous ? — non ! ... non, je ne viens pas » ; « dites oui ou non » ; d'où l'emploi substantif : « un oui ou un non ».
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Atone, employé avec un verbe, "non" s'est affaibli en ancien français en "nen", puis en "ne", dont l'"e" s'élide devant voyelle. La forme "nen" est restée dans le composé "nenni", forme renforcée de "non", parallèle à "oui" (anc. français "nenil" = nen il), qui est aujourd'hui uniquement rurale (devenue souvent "nani").
Une particule aussi faible que ne (n') devait appeler un substantif pour l'intensifier. Le moyen âge essaya d'abord "giens" (latin "genus"), puis "mie", qui fut le plus en faveur en ancien français.
Au XVe siècle se généralisent "pas" et "point". Point est le terme favori de l'époque classique ; aujourd'hui, cette négation est surtout rurale (le Midi l'ignore), ou bien exprime une valeur plus énergique ou encore remplace pas dans la langue écrite pour éviter une répétition ou une cacophonie.
Depuis la fin du XVIIIe siècle notre négation usuelle est "pas". "Goutte" s'est localisé de façon imprévue dans l'expression : « je n'y vois goutte » (en Normandie : « je n'y vois larme »).
A l'origine, chaque terme fut associé d'abord à un verbe de sens correspondant : « je ne mange mie » (c.à.d. pas une mie ), « je ne bois goutte », « je ne vois point » (pas un point), « je ne marche pas » (je ne fais pas un pas).
La grande majorité des verbes ne correspondant pas à un nom qui les précisât en phrase négative, ces mots se sont rapidement généralisés, au point de prendre une valeur unique comme renforcement de négation.Associée à un élément qui l'intensifiait, la particule "ne" a passé à celui-ci sa valeur négative, si bien que ce second élément, plus étoffé et plus expressif, tend à éliminer le premier. Seule la langue populaire a poussé l'évolution à l'extrême (« j'en veux pas. »). Le français correct a gardé trois tours, qui permettent d'exprimer diverses nuances.
La négation-type est exprimée par les deux éléments "ne" - et "pas" (point..) qui encadrent le verbe (l'auxiliaire, dans les composés) sur lequel porte la négation. Comme l'ont montré Damourette et Pichon,
le premier élément énonce une discordance, précisée par le second qui exprime la forclusion. Le second élément peut être accompagné par un adverbe qui le précise (toujours pas, pas encore), ou simplement renforcé "je n'en veux pas du tout."
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source :
Grammaire raisonnée de la langue française