Question d'origine :
Bonjour,
voici ma question, question épineuse du choix dans la date. On sait bien que les mythologies évoluent dans leur propre temporalité, qu'elles ne peuvent pas vraiment être situées historiquement. Néanmoins, on arrive à situer des choses se situant à la frontière de l'Histoire et du mythe.
Ainsi de la guerre de Troie : elle relève essentiellement du mythe, mais la cité de Troie a été située, le conflit avec les Grecs également et on l'évalue (de façon controversée) aux alentours du XIIe siècle avant JC (les plus précis comme Eratosthène disent 1184 avJC). Mais ma question ne porte pas sur la Guerre de Troie.
Elle porte sur la Thébaïde, au sens large, de la naissance d'Oedipe jusqu'à la chute de Thèbes sous les coups des Epigones, soit en gros trois générations (Oedipe, ses enfants, leurs enfants). La guerre de Troie se situe après la chute de Thèbes, et certains des Epigones (dont Thersandre, fils de Polynice) participent à l'expédition contre Troie. Mais combien de temps s'est écoulé entre les deux guerres ? Calculer en fonction des générations est délicat, ne serait-ce qu'à cause du problème centrale de la relation incestueuse d'Oedipe et de Jocaste.
En gros, peut-on dater, et à quelle(s) date(s), l'action de la Thébaïde ?
Je n'ai rien trouvé de concluant de mon côté. J'espérais trouver la réponse dans vos collections, mais le document que j'aurais aimé consulter ("Thèbes de Béotie : des origines à la conquête romaine", de Paul Cloché, 1952) n'est malheureusement ni empruntable ni facilement consultable quand, comme moi, on n'est pas chercheur.
Merci de votre travail, avec ce livre ou avec d'autres sources.
Réponse du Guichet

Bonjour,
En effet, à la page 14, de son ouvrage Thèbes de Béotie : des origines à la conquête romaine, Paul Cloché revient sur la « chute de Thèbes » :
Thèbes, qu’une tradition nous montre attaquée – probablement vers le milieu du XIIIe siècle – par un prince d’Argos, Adraste, et ses alliés. Il s’agit ici de la légendaire expédition des « Sept contre Thèbes », à laquelle on trouve mainte allusion dans l’œuvre de Pindare et la littérature athénienne ; elle se rattache à la vieille légende d’Œdipe, dont l’un des fils, Polynice, lutte aux côtés des Argiens contre sa patrie, défendue par son frère aîné Etéocle, successeur d’Œdipe. […]
Qu’y a-t-il d’exact dans cette légende ? Il semble impossible de le discerner.
Le Dictionnaire de l’Antiquité : mythologie, littérature, civilisation (Université d’Oxford) nous dit pour sa part que :
Selon la légende traditionnelle, la cité aurait été fondée par Cadmos, chef d’un groupe de colons phéniciens, dont la fille donna naissance à Dionysos. La ville aurait été détruite par les Epigones, une génération avant la prise de Troie.
Or cette datation correspond – plus ou moins – à un évènement historique de la ville de Thèbes :
A l’époque mycénienne, Thèbes constitue le plus important site palatial en Béotie avec Orchomène. Le palais de Thèbes était tourné, autour du XIIIe s. av. J.-C. surtout, vers les espaces égéen et oriental, ainsi que le démontrent les sceaux-cylindres babyloniens découverts sur l’acropole, la Cadmée, reflets d’échanges commerciaux et de la richesse de Thèbes, avant sa ruine vers 1240 av. J.-C.
Les cycles légendaires relatifs à Cadmos, Œdipe, Etéocle et Polynice, Antigone, Dionysos, Héraclès ou Amphion et Zéthos, abondamment repris par la tragédie attique, renvoient à un passé exceptionnel brillant illustré également par les découvertes archéologiques.
(Source : Dictionnaire de l’Antiquité / sous la direction de Jean Leclant)
« Thebes-1 » par J. Matthew Harrington — Travail personnel. Sous licence Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 via Wikimedia Commons –
Toutefois, les faits décrits dans la Thébaïde ne sont que des légendes et ne peuvent donc pas prétendre retranscrire une réalité historique. Il en va de même pour Troie.
En effet, contrairement à ce que vous affirmez, la cité de Troie n’a pas été située. Il existe bien aujourd’hui un site archéologique de Troie (inventé par Heinrich Schliemann) mais aucunes sources archéologiques ne peuvent confirmer qu’il s’agit bien de la ville citée dans les poèmes homériques.
On peut également voir qu’aucune source n’atteste d’une guerre ou d’un conflit entre une coalition grecque et les habitants de cette partie de l’Anatolie.
Ancienne ville d’Asie Mineure, également connue sous le nom d’Ilion, célèbre pour le légendaire siège de Troie, sujet de L’Iliade d’Homère. Le site de Troie, au nord-ouest de l’Asie Mineure, à environ 6 km de la mer Egée, légèrement au sud de l’Hellespont, a été identifié avec la ville moderne de Hissarlick, grâce aux fouilles effectuées entre 1870 et 1890 par H. Schliemann. […]
Mais en 1250 av. J.-C. Troie VII a fut à nouveau anéantie par un violent incendie, accompagné, semble-t-il, du sac de la ville. Si la guerre de Troie possède une réalité historique , on doit la faire remonter à 1250 au plus tard, puisqu’à partir de cette date la Grèce continentale fut elle-même touchée par la crise générale qui plongea alors toute la Méditerranée orientale dans l’instabilité.
Les auteurs antiques fournissent différentes dates pour la guerre de Troie, allant de 1280 environ à 1184 ou au-delà ; 1184 est la date retenue par Eratosthène et qui semble s’imposer par la suite. Le grand érudit partit de la date incontestable des premiers jeux Olympiques, 776 av. J.-C., remonta la généalogie des rois spartiates et fixa l’invasion dorienne à 1104. Or, selon la tradition celle-ci aurait eu lieu deux générations, c’est-à-dire quatre-vingts ans, après la guerre de Troie.
(Source : Dictionnaire de l’Antiquité : mythologie, littérature, civilisation / Université d’Oxford)
Le nom de Troie est indissociablement lié à celui d’Heinrich Schliemann (1822-1890), autodidacte, polyglotte, passionné d’Homère et d’archéologie. Refusant de lire les poèmes homériques comme des légendes, il leur donne un cadre géographique et historique, en révélant par la fouille archéologique les sites qu’ils mentionnent, Ithaque, Mycènes, Tirynthe mais aussi et surtout Troie. Seul face à la communauté scientifique, Schliemann propose de chercher le site de la Troie sur la colline d’Hissarlik, sur la côte occidentale de l’Anatolie. […]
Vouloir identifier comme la Troie homérique le site de la colline d’Hissarlik n’est pas aussi simple que l’avait pensé Schliemann : en effet, l’Illiade n’est pas un récit historique, mais une œuvre poétique . Dans l’épopée homérique se mêlent des traits caractéristiques de l’époque mycénienne du Bronze Récent, de celle des siècles obscurs de l’âge du Fer et même de l’époque archaïque. […]
On ne peut plus, comme l’a fait Schliemann, mettre en parallèle l’Illiade et les réalités archéologiques. Si le site que l’on nomme Troie existe bien, les ruines de Troie VII a ne permettent pas de prouver qu’une « guerre de Troie » impliquant des Mycéniens coalisés a entraîné la destruction de ce niveau d’une ville d’Anatolie. Aucun document écrit contemporain découvert à ce jour ne fait allusion à de tels évènements, qui ne peuvent donc être mentionnés qu’à titre d’hypothèses.
(Source : Dictionnaire de l’Antiquité / sous la direction de Jean Leclant)

« Karte Troja MKL1888 ». Sous licence Public domain via Wikimedia Commons –
Toutefois, les études archéologiques ont bien établi la réalité d’un grand bouleversement en Méditerranée autour de 1200 avant J.-C., ayant entraîné la disparition de la civilisation mycénienne, ce qui a été appelé par les Égyptiens l’invasion des "Peuples de la mer". Palais et forteresses sont détruits, les traces d’écriture disparaissent : elle n’a plus lieu d’être puisqu’elle ne servait, d’après les témoignages actuels, qu’à répondre aux besoins administratifs du palais ; une migration s’opère vers les îles du Dodécanèse et Chypre. L’unité rompue laisse place à de petits États disparates. C’est la période dite des "siècles obscurs" (1200 à 800 avant J.-C.), marquée par l’utilisation du fer à la place du bronze, l’invasion des Doriens au XIe siècle, qui s’installent dans le Péloponnèse et en Crète, et une importante émigration grecque, progressive, vers l’Asie Mineure. […]
Homère n’était pas un historien, mais un poète. Il est admis aujourd’hui que ses récits sont composés d’éléments d’époques différentes, transmis par la tradition orale, qui fait la part belle à l’imaginaire. Et il n’en demeure pas moins que la chute de Troie a représenté dans l’esprit des Grecs un événement d’une telle importance qu’ils l’ont choisie comme point de départ de leur histoire.
(Source : La réalité de Troie / BnF)
Pour avoir plus de détails sur les recherches archéologiques autour de la guerre de Troie, vous pouvez consulter l’article La guerre fantôme : le guerre de Troie dans une perspective archéologique par Mario Benzi.
Pour finir, l’ouvrage Thèbes de Boétie de Paul Cloché étant relativement récent, il vous est possible de le consulter (sur place) dans la salle du fonds ancien (au 5ème étage de la bibliothèque municipale de la Part-Dieu) en faisant une demande directement auprès du bureau d’accueil et en présentant une pièce d’identité. C’est pour les ouvrages les plus anciens et donc les plus fragiles que la consultation doit être motivée par une recherche universitaire. Pour les ouvrages plus récents, il est tout à fait possible de faire preuve de curiosité (en dehors de toute recherche universitaire) et de souhaiter consulter un ouvrage.
Bonne journée
En effet, à la page 14, de son ouvrage Thèbes de Béotie : des origines à la conquête romaine, Paul Cloché revient sur la « chute de Thèbes » :
Thèbes, qu’une tradition nous montre attaquée –
Qu’y a-t-il d’exact dans cette légende ? Il semble impossible de le discerner.
Le Dictionnaire de l’Antiquité : mythologie, littérature, civilisation (Université d’Oxford) nous dit pour sa part que :
Selon la légende traditionnelle, la cité aurait été fondée par Cadmos, chef d’un groupe de colons phéniciens, dont la fille donna naissance à Dionysos. La ville aurait été détruite par les Epigones,
Or cette datation correspond – plus ou moins – à un évènement historique de la ville de Thèbes :
A l’époque mycénienne, Thèbes constitue le plus important site palatial en Béotie avec Orchomène. Le palais de Thèbes était tourné, autour du XIIIe s. av. J.-C. surtout, vers les espaces égéen et oriental, ainsi que le démontrent les sceaux-cylindres babyloniens découverts sur l’acropole, la Cadmée, reflets d’échanges commerciaux et de la richesse de Thèbes, avant sa ruine vers 1240 av. J.-C.
Les cycles légendaires relatifs à Cadmos, Œdipe, Etéocle et Polynice, Antigone, Dionysos, Héraclès ou Amphion et Zéthos, abondamment repris par la tragédie attique, renvoient à un passé exceptionnel brillant illustré également par les découvertes archéologiques.
(Source : Dictionnaire de l’Antiquité / sous la direction de Jean Leclant)

« Thebes-1 » par J. Matthew Harrington — Travail personnel. Sous licence Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 via Wikimedia Commons –
Toutefois, les faits décrits dans la Thébaïde ne sont que des légendes et ne peuvent donc pas prétendre retranscrire une réalité historique. Il en va de même pour Troie.
En effet, contrairement à ce que vous affirmez, la cité de Troie n’a pas été située. Il existe bien aujourd’hui un site archéologique de Troie (inventé par Heinrich Schliemann) mais aucunes sources archéologiques ne peuvent confirmer qu’il s’agit bien de la ville citée dans les poèmes homériques.
On peut également voir qu’aucune source n’atteste d’une guerre ou d’un conflit entre une coalition grecque et les habitants de cette partie de l’Anatolie.
Ancienne ville d’Asie Mineure, également connue sous le nom d’Ilion, célèbre pour le légendaire siège de Troie, sujet de L’Iliade d’Homère. Le site de Troie, au nord-ouest de l’Asie Mineure, à environ 6 km de la mer Egée, légèrement au sud de l’Hellespont, a été identifié avec la ville moderne de Hissarlick, grâce aux fouilles effectuées entre 1870 et 1890 par H. Schliemann. […]
Mais en 1250 av. J.-C. Troie VII a fut à nouveau anéantie par un violent incendie, accompagné, semble-t-il, du sac de la ville.
Les auteurs antiques fournissent différentes dates pour la guerre de Troie, allant de 1280 environ à 1184 ou au-delà ; 1184 est la date retenue par Eratosthène et qui semble s’imposer par la suite. Le grand érudit partit de la date incontestable des premiers jeux Olympiques, 776 av. J.-C., remonta la généalogie des rois spartiates et fixa l’invasion dorienne à 1104. Or, selon la tradition celle-ci aurait eu lieu deux générations, c’est-à-dire quatre-vingts ans, après la guerre de Troie.
(Source : Dictionnaire de l’Antiquité : mythologie, littérature, civilisation / Université d’Oxford)
Le nom de Troie est indissociablement lié à celui d’Heinrich Schliemann (1822-1890), autodidacte, polyglotte, passionné d’Homère et d’archéologie. Refusant de lire les poèmes homériques comme des légendes, il leur donne un cadre géographique et historique, en révélant par la fouille archéologique les sites qu’ils mentionnent, Ithaque, Mycènes, Tirynthe mais aussi et surtout Troie. Seul face à la communauté scientifique, Schliemann propose de chercher le site de la Troie sur la colline d’Hissarlik, sur la côte occidentale de l’Anatolie. […]
Vouloir identifier comme la Troie homérique le site de la colline d’Hissarlik n’est pas aussi simple que l’avait pensé Schliemann :
(Source : Dictionnaire de l’Antiquité / sous la direction de Jean Leclant)

« Karte Troja MKL1888 ». Sous licence Public domain via Wikimedia Commons –
Toutefois, les études archéologiques ont bien établi la réalité d’un grand bouleversement en Méditerranée autour de 1200 avant J.-C., ayant entraîné la disparition de la civilisation mycénienne, ce qui a été appelé par les Égyptiens l’invasion des "Peuples de la mer". Palais et forteresses sont détruits, les traces d’écriture disparaissent : elle n’a plus lieu d’être puisqu’elle ne servait, d’après les témoignages actuels, qu’à répondre aux besoins administratifs du palais ; une migration s’opère vers les îles du Dodécanèse et Chypre. L’unité rompue laisse place à de petits États disparates. C’est la période dite des "siècles obscurs" (1200 à 800 avant J.-C.), marquée par l’utilisation du fer à la place du bronze, l’invasion des Doriens au XIe siècle, qui s’installent dans le Péloponnèse et en Crète, et une importante émigration grecque, progressive, vers l’Asie Mineure. […]
Homère n’était pas un historien, mais un poète. Il est admis aujourd’hui que ses récits sont composés d’éléments d’époques différentes, transmis par la tradition orale, qui fait la part belle à l’imaginaire. Et il n’en demeure pas moins que la chute de Troie a représenté dans l’esprit des Grecs un événement d’une telle importance qu’ils l’ont choisie comme point de départ de leur histoire.
(Source : La réalité de Troie / BnF)
Pour avoir plus de détails sur les recherches archéologiques autour de la guerre de Troie, vous pouvez consulter l’article La guerre fantôme : le guerre de Troie dans une perspective archéologique par Mario Benzi.
Pour finir, l’ouvrage Thèbes de Boétie de Paul Cloché étant relativement récent, il vous est possible de le consulter (sur place) dans la salle du fonds ancien (au 5ème étage de la bibliothèque municipale de la Part-Dieu) en faisant une demande directement auprès du bureau d’accueil et en présentant une pièce d’identité. C’est pour les ouvrages les plus anciens et donc les plus fragiles que la consultation doit être motivée par une recherche universitaire. Pour les ouvrages plus récents, il est tout à fait possible de faire preuve de curiosité (en dehors de toute recherche universitaire) et de souhaiter consulter un ouvrage.
Bonne journée
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