Question d'origine :
Bonjour
je désirerais savoir si Albert Camus a adhéré aux réflexions sur l'Existentialisme de J.P. Sartre. Je crois savoir qu'ils ont été en froid à ce sujet... Merci d'éclairer ma lanterne...
Réponse du Guichet

Sur Le site du Collège du Greenhead on trouve l’analyse suivante :
L'EXISTENTIALISME ET LA POLEMIQUE SARTRE-CAMUS
Depuis 1943, Sartre et Camus, grands amis, se montrent partout ensemble. Le public, sans faire de détail, engloble l'auteur de 'La Nausée' et celui de 'L'Etranger' sous l'étiquette 'Existentialiste'.
A la libération, l'existentialisme est non seulement une philosophie à la mode, mais un style de vie et un lieu: Saint-Germain-Des-Prés (quartier de Paris). La plaquette de Sartre, l'existentialisme est-il une humanisme? résume de façon commode cette philosophie. Pour le grand public elle se résume en une formule: 'l'existence précède l'essence'. Sartre conçoit l'existentialisme d'abord comme une philosophie de la liberté et de la responsabilité: nous sommes ce que nous faisons et non des êtres dont le destin serait fixé à l'avance. Le maître mot d'alors est 'l'engagement'. Camus ne refuse certes pas de s'engager mais refuse l'étiquette 'existentialiste' et même celle de philosophe. A partir de 1947, les désaccords politiques entre Sartre et Camus s'approfondissent: Camus dénonce les camps staliniens, Sartre ménage les communistes.
En 1952, Francis Jeanson fait paraître dans la revue de Sartre, 'Les Temps Modernes', un compte-rendu très critique de L'Homme Révolté. Le dernier livre de Camus est jugé réactionnaire, et certains de ses jugements erronés. Camus, ignorant Jeanson, répond directement à Sartre. Le numéro suivant des temps Modernes publie à côté de la lettre de Camus la réponse vigoureuse de Sartre:
"Un mélange de suffisance sombre et de vulnérabilité a toujours découragé de vous dire des vérités entières … Il se peut que vous ayez été pauvre, mais vous ne l'êtes plus. Vous êtes un bourgeois comme Jeanson et comme moi … Votre morale s'est d'abord changée en moralisme, aujourd'hui elle n'est plus que littérature, demain elle sera peut-être immoralité."
Camus et Sartre ne vont plus jamais se rencontrer. Pourtant quatre ans plus tard, alors que l'armée rouge écrase l'insurrection de Budapest, Sartre à son tour (suivi d'un grand nombre d'intellectuels) rompt avec le parti communiste. Mais la guerre d'Algérie oppose à nouveau Sartre, partisan de l'indépendance, à Camus, qui veut encore croire à un compromis.
L’exposition sur Sartre actuellement en cours à la Bibliothèque Nationale de France et en ligne sur le site évoque les relations entre Camus et Sartre :
À Alger, Albert Camus, critique littéraire, a salué dans les colonnes d'Alger républicain la naissance d'un écrivain "du talent le plus rare" après la publication de La Nausée, puis du Mur. De son côté Sartre n'est pas insensible à L'Étranger. Cette même année, à la générale des Mouches, Camus se présente à Sartre qui, peu après, lui demande de mettre en scène Huis clos et d'en jouer le rôle principal. Une attitude commune face à l'occupant les lie, Combat les rapproche. À la demande de Camus, plus engagé que lui, Sartre écrit des reportages sur la libération de Paris, puis sur l'Amérique. De "fiesta" en querelle, de réconciliation en rupture se raconte l'histoire de cette amitié à éclipses entre deux personnalités proches et dissemblables, écrivains, hommes de théâtre, philosophes, journalistes, hommes politiques enfin, amitié à laquelle une querelle au grand jour vint mettre un terme. Aujourd'hui encore, l'opinion publique ne peut s'empêcher de les rapprocher et de les opposer.
Quelques jours après la mort accidentelle de Camus, Sartre lui rendait hommage dans un article court, émouvant, très littéraire, un bel exercice de style. S'il semblait regretter le silence des dernières années, "trop prudent et parfois douloureux", de Camus - sans doute Sartre pensait-il à l'Algérie dont Camus ne voulait ni ne pouvait parler -, il lui reconnaissait bien d'autres mérites : "Il représentait en ce siècle, et contre l'Histoire, l'héritier actuel de cette longue lignée de moralistes dont les œuvres constituent peut-être ce qu'il y a de plus original dans les lettres françaises." (France Observateur, 7 janvier 1960 ; texte repris dans Situations IV.)
Dans le Dictionnaire des philosophes il est précisé :
Camus n’a pas le choix , il est contraint de prendre position devant la philosophie qui, pendant une génération, va marquer la France. En soi cette nécessité est un peu humiliante et explique le ton un peu irrité qui perce déjà : « Non, je ne suis pas existentialiste. Sartre et moi nous étonnons toujours de voir nos deux noms associés (…) Sartre est existentialiste, et le seul livre d’idées que j’ai publié, le mythe de Sisyphe, était dirigé contre les philosophies dites existentialistes (15 novembre 1945)
Deux semaines avant sa mort Camus écrivait à un professeur américain : L’existentialisme chez nous aboutit à une théologie sans dieu et à une scholastique dont il était inévitable qu’elles finissent par justifier des régimes d’inquisition.(Essais, 1965). On ne peut qu’admirer la persévérance de ces critiques littéraires et de ces historiens de la pensée qui passent outre à de telles prises de position et qui, aujourd’hui encore, taxent d’existentialiste celui qui écrivit dans le Mythe de Sisyphe (1942) : L’existentialisme est un suicide philosophique.
Les notions même d’essence et d’existence n’intéressent pas Camus, il y voit des mots dénués de sens et la question de priorité de l’une sur l’autre lui semble parfaitement oiseuse, rappelant les débats médiévaux de la querelle des universaux, disputes entièrement verbales sans rapport avec la réalité du monde.
Pour approfondir
Camus et Sartre : Amitié et combat
Extrait de la fiche de présentation de la Librairie Decitre
Camus et Sartre se rencontrent en 1943 au cœur de l'Occupation. Une relation d'amitié et de complicité intellectuelle est née, qui durera jusqu'en 1951, date de la publication de L'Homme révolté. Parce que Camus refuse la conception marxiste de la révolution qui légitime l'usage de la violence et qu'il dénonce les perversions de 1789 et 1917, Les Temps modernes le qualifient " d'intellectuel au-dessus des conflits réels ". Camus rétorque en évoquant l'hommage qu'il rend dans ce texte aux révolutionnaires de 1905 et il accuse ses détracteurs " qui n'ont jamais placé que leurs fauteuils dans le sens de l'Histoire. " La rupture est consommée et les deux hommes ne se parleront plus. Ronald Aronson décrit le rapport complexe qu'entretenaient ces deux géants. S'ils s'accordent sur la question de la liberté et de la responsabilité devant le mal, leurs divergences s'accentuent au fur et à mesure que la Guerre froide s'intensifie : Sartre privilégiera en effet la lutte contre le patronat et la classe dominante, Camus fera le choix d'un humanisme chrétien. Aronson offre une remarquable analyse critique et synthétique d'une relation dont la confrontation dépasse les œuvres respectives de ces deux intellectuels.
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