Question d'origine :
Bonjour,
Existe-t-il des sources retraçant la vie de Ramon Pané (auteur de Relation de l'histoire ancienne des Indiens), en particulier sur son vécu avant son voyage avec Christophe Colomb en 1494 ?
Et sait-on à quelle époque / lors de quel événement le manuscrit de son œuvre a été égaré ?
Je vous remercie par avance pour votre réponse.
Sophie
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 01/10/2015 à 13h14
Bonjour,
Dans nos collections, la Relation de l’histoire ancienne des indiens de Ramon Pané, traduit de l’italien par André Ugghetto contient une présentation intéressante, dont nous vous conseillons la lecture :
A son deuxième voyage vers les « Indes » par la voie maritime occidentale, qu’il a frayée avec trois caravelles au cours de l’été et de l’automne précédents de Palos aux îles Canaries, des Canaries aux Bahamas, à Cuba, à l’Ile Espagnole (Haïti)_, Christophe Colomb, partant cette fois de Cadix en septembre 1493, emmène sur les 17 navires que compte l’expédition une foule de futurs colons auxquels se mêlent quelques représentants de l’Eglise, chargés d’apprécier les possibilités d’évangélisation de ces « indiens » découverts « nus » et supposés sans religion ;
Ramon Pané, moine hiéronymite, soumis à la règle de Saint Augustin, dont la congrégation, fondée en Espagne au XIVe siècle, place donc la vocation érémitique de ses membres sous le patronage de saint Jérôme, est chargé par l’Amiral d’observer les mœurs et coutumes des population de l’Ile Espagnole (« Hispaniola » dans la transcription française de l’époque.) Ces indigènes « sont des Taïnos, du large groupe linguistique des Arawaks »…
Le mérite de l’enquêteur est de consigner, sans parti pris, en s’effaçant le plus possible_ et donc le plus souvent, sans aucun commentaire, avec une simplicité qui témoigne, précisément, de sa volonté de rester neutre ou objectif, les récits qu’il recueille « en leur langue », auprès des insulaires dont il partage, pendant plusieurs années les condition d’existence ; les rares repères temporels, de nature autobiographique, disséminés vers la fin de sa « relation », au chapitre XX, permettant de penser qu’il a dû vivre six ou sept ans en Haïti avant de revoir la Castille, peut-être à l’automne de l’an 1500, à la faveur du retour catastrophique pour Colomb de son troisième voyage. Le début et la fin du texte de pané disent le respect, la fidélité, l’admiration du religieux pour le Découvreur : c’est une des raisons qui ont probablement fait intégrer l’ouvrage au chapitre 62 de la biographie écrite sur Colomb par son propre fils Fernando…
On ne connaît que la version italienne des deux textes, celui de la biographie et celui de Pané, publiée en en 1571 à Venise, l’original en castillan ayant disparu.
La notice biographique de Ramon Pané de la Bibiothèque Nationale indique les autres formes de son patronyme, et les différentes traductions de la « Relation de l’histoire ancienne des indiens » en sa possession.
Voir aussi sur Gallica :
Christophe colomb : son origine, sa vie, ses voyages, sa famille et ses descendants, d’après des documents inédits tirés des archives de Gênes, de Savone, de Séville et de Madrid :
p.118
"Fray Ramon el ermitaño"
p.119
"catalan, appartenant aux ermites de Saint-Jérôme, du nom de Ramon Pane, qui, ayant acquis quelques notions du langage des indigènes, fut chargé par l'Amiral I de les évangéliser et de mettre par écrit ce qu'il avait pu apprendre de leur religion primitive ou de leurs superstitions. Cependant on ne doit pas regretter que les Historie aient consacré quarante pages à une traduction prise évidemment sur l'original du travail de Ramon Pane."
p.438
"Voir la description de leur croyance que donne Ramon PANE, dans les Océaniques de Pedro MARTYR."
Mêmes renseignements mais plus circonstanciés dans l’article du Journal de la société des américanistes intitulé : l’insaisissable religion des Taïnos. Esquisse d’anthropologie historique.
On peut y lire :
De Ramón Pané nous ne savons quasiment rien, même la façon d’écrire son nom prête à controverse. Il était catalan, moine de l’ordre hiéronymite, participa (probablement) au deuxième voyage de Colomb en 1493.
Selon Las Casas, il ne parlait pas très bien le castillan, vu qu’il était catalan. Il était plein de bonne volonté et essaya de faire connaître Dieu aux Indiens mais, étant un « hombre simple », il fut incapable de le faire, il réussit seulement à inculquer quelques mots de prières et à tenir quelques discours vagues et confus sur Dieu créateur dans le ciel. Pané, en somme, aurait raconté beaucoup de choses confuses et de peu de substance. Pierre Martyr semble avoir une opinion sur cet homme bien différente : Pané aurait été « persona dotta e di santissima vita »
Pané serait donc parti de Cadix le 25 septembre 1493 pour arriver à Hispaniola à la fin novembre de la même année. Plus précisément, le 28 novembre, Colomb entre à la Navidad et constate, pour la première fois, l’agressivité des « bons » Indiens : sa forteresse avait été détruite, les hommes qu’il y avait laissés étaient tous morts. Pané serait avec lui. Ensuite, il aurait débarqué, toujours avec Colomb, dans la baie où a été fondée Isabela, en début janvier 1494. En tout cas, au début du printemps, il s’installe dans la région de Macoris où se trouve le cacique Guanaoconel (c’est là que Colomb fait construire la forteresse de la Madeleine). Il y passe à peu près un an et apprend la langue locale. Après cette période, Colomb l’envoie dans la région du cacique Guarionex, où l’on parle la langue la plus répandue : c’est le centre, pourrions-nous dire en suivant Rouse (1992), des Taïnos « classiques », au nord-est, à côté de la forteresse de la Concepción en construction. Il fait donc vraisemblablement partie de l’avant-garde qui pénètre à l’intérieur de l’île. Il y serait demeuré à peu près deux ans, ou peut-être un peu moins, accompagné par l’Indien converti, Guaticaua, qui lui sert d’interprète..
Selon toute vraisemblance, c’est entre 1494 et 1497 (ou 1498) que Pané aurait rédigé son œuvre. Le début, en particulier, pourrait être daté de 1494 ou – et c’est plus probable – d’un peu plus tard : en 1494, le moine n’avait pas encore eu le temps d’apprendre aucune langue indigène. Précisons, sans entrer dans le détail, que les chercheurs ne sont pas d’accord sur les dates de début et de fin de l’œuvre. Ils se disputent également pour savoir quand le manuscrit serait arrivé dans les mains de l’Amiral et quand il serait arrivé en Europe. En tout cas, avec ces dates incertaines concernant la fin de l’œuvre, nous perdons aussi les traces du moine. Rentra-t-il en Espagne ? Quand mourut-il et où ? Nous n’en savons rien. Peut-être pouvons-nous présumer que le moine était encore à Hispaniola quand Las Casas y arriva en 1502.
Le manuscrit de Pané
Nous l’avons mentionné : la « Relation » de Pané a été perdue. Nous en retrouvons des traces dans plusieurs écrits qui s’échelonnent tout au long du XVIe siècle et qui, quand on les recoupe et les superpose, dessinent une sorte de chassé-croisé dont il est essentiel de tenir compte. Les éléments de transformation que ce chassé-croisé met en valeur sont une clé importante pour analyser les diverses interprétations des Taïnos. Considérons d’abord les deux principaux témoignages, celui de Pierre Martyr d’Anghiera et celui de Bartolomé de Las Casas, puis les témoignages secondaires ou d’« appoint », comme ceux d’Angelo Trevisan, de Giovanni Strozzi et d’Andrea Navagero. Finalement, au fondement de ce chassé-croisé, il y a la relation « perdue » mais que l’on a pu « reconstruire ». En fait, comme nous l’avons déjà mentionné (supra notes 8, 9 et 32), le texte de Pané ainsi qu’un fragment de lettre de Colomb qui sert d’introduction ont été englobés dans leur totalité dans le chapitre LXI de la Historia del Almirante don Cristobal Colón por su hijo don Fernando. Or cette œuvre aussi a été perdue. Il nous en reste toutefois une traduction en italien faite, selon toute probabilité, par Alfonso de Ulloa et publiée à Venise en 1571. Certes, cette version italienne voit le jour 32 ans après la mort de son auteur (1539) et presque un siècle après les faits racontés. De plus, elle n’est pas sans poser de problèmes, mais elle reste, pour nous, le seul point de départ possible et, dans l’ensemble, la source la plus fiable.
Cela va-t-il de soi ? Peut-être, mais le contexte nous oblige à le souligner. En fait, dans ce cas comme dans d’autres (à commencer par le texte de F. Colomb dans son intégralité), les péripéties du manuscrit ont été, pour ainsi dire, censurées. Aujourd’hui, les spécialistes font souvent référence à l’espagnol pour une présumée version originale qui, en réalité, n’est qu’une traduction contemporaine d’une traduction ancienne et donc, de toute façon, plus proche de l’original..
6. Les « antiquités » des Indiens, selon Pané
Je voudrais insister sur le fait que Pané est le premier et le seul – au moins en ce qui concerne les Taïnos – missionnaire à agir de la sorte : il parle parce qu’il a appris la langue. Pour cette raison, son récit peut être considéré comme une tentative, peut-être la première, de travail ethnologique et, de toute façon, en tant qu’unique étude directe des anciens habitants des Antilles, ce texte est une pierre angulaire pour les études américanistes. Du reste, comme nous l’avons vu, c’est de lui que sont partis tous les commentateurs du XVIe siècle sur les Taïnos.
Dans cette perspective, nous devrions repenser la présumée « simplicité » de Pané. Ou mieux, il faudrait dire : Pané était simple et profond à la fois – mais la simplicité lui a été reprochée, la profondeur ne lui a pas été assez reconnue. Notre point de vue, en revanche, lui reconnaît une profondeur originale, en la comprenant comme fonctionnellement liée à la simplicité. Car, qu’est-ce, au juste, que cette « simplicité » ? Las Casas67 l’a dit de façon explicite et presque paradigmatique : selon lui, Pané a raconté beaucoup de choses confuses et de peu de substance. Surtout, il n’a pas été capable de sélectionner, de mettre de côté, d’effacer ce qui n’était pas « important » : c’est ce que Las Casas fera abondamment pour servir son interprétation. Voilà pourquoi, pour nous, ethnologiquement, cette « simplicité » constitue avant tout une défense contre les déformations possibles et un atout formidable.
…Fruit de ce travail minutieux, la scrittura consiste en un préambule et vingt six chapitres (certains avec un titre, d’autres sans) : en tout, dans l’édition originale, une vingtaine de pages.
-Voir aussi :
En espagnol, ce Tiempos dificiles : Fray Ramon Pane en la espaniola, 1494-1498
Dans nos collections, la Relation de l’histoire ancienne des indiens de Ramon Pané, traduit de l’italien par André Ugghetto contient une présentation intéressante, dont nous vous conseillons la lecture :
A son deuxième voyage vers les « Indes » par la voie maritime occidentale, qu’il a frayée avec trois caravelles au cours de l’été et de l’automne précédents de Palos aux îles Canaries, des Canaries aux Bahamas, à Cuba, à l’Ile Espagnole (Haïti)_, Christophe Colomb, partant cette fois de Cadix en septembre 1493, emmène sur les 17 navires que compte l’expédition une foule de futurs colons auxquels se mêlent quelques représentants de l’Eglise, chargés d’apprécier les possibilités d’évangélisation de ces « indiens » découverts « nus » et supposés sans religion ;
Ramon Pané, moine hiéronymite, soumis à la règle de Saint Augustin, dont la congrégation, fondée en Espagne au XIVe siècle, place donc la vocation érémitique de ses membres sous le patronage de saint Jérôme, est chargé par l’Amiral d’observer les mœurs et coutumes des population de l’Ile Espagnole (« Hispaniola » dans la transcription française de l’époque.) Ces indigènes « sont des Taïnos, du large groupe linguistique des Arawaks »…
Le mérite de l’enquêteur est de consigner, sans parti pris, en s’effaçant le plus possible_ et donc le plus souvent, sans aucun commentaire, avec une simplicité qui témoigne, précisément, de sa volonté de rester neutre ou objectif, les récits qu’il recueille « en leur langue », auprès des insulaires dont il partage, pendant plusieurs années les condition d’existence ; les rares repères temporels, de nature autobiographique, disséminés vers la fin de sa « relation », au chapitre XX, permettant de penser qu’il a dû vivre six ou sept ans en Haïti avant de revoir la Castille, peut-être à l’automne de l’an 1500, à la faveur du retour catastrophique pour Colomb de son troisième voyage. Le début et la fin du texte de pané disent le respect, la fidélité, l’admiration du religieux pour le Découvreur : c’est une des raisons qui ont probablement fait intégrer l’ouvrage au chapitre 62 de la biographie écrite sur Colomb par son propre fils Fernando…
On ne connaît que la version italienne des deux textes, celui de la biographie et celui de Pané, publiée en en 1571 à Venise, l’original en castillan ayant disparu.
La notice biographique de Ramon Pané de la Bibiothèque Nationale indique les autres formes de son patronyme, et les différentes traductions de la « Relation de l’histoire ancienne des indiens » en sa possession.
Voir aussi sur Gallica :
Christophe colomb : son origine, sa vie, ses voyages, sa famille et ses descendants, d’après des documents inédits tirés des archives de Gênes, de Savone, de Séville et de Madrid :
p.118
"Fray Ramon el ermitaño"
p.119
"catalan, appartenant aux ermites de Saint-Jérôme, du nom de Ramon Pane, qui, ayant acquis quelques notions du langage des indigènes, fut chargé par l'Amiral I de les évangéliser et de mettre par écrit ce qu'il avait pu apprendre de leur religion primitive ou de leurs superstitions. Cependant on ne doit pas regretter que les Historie aient consacré quarante pages à une traduction prise évidemment sur l'original du travail de Ramon Pane."
p.438
"Voir la description de leur croyance que donne Ramon PANE, dans les Océaniques de Pedro MARTYR."
Mêmes renseignements mais plus circonstanciés dans l’article du Journal de la société des américanistes intitulé : l’insaisissable religion des Taïnos. Esquisse d’anthropologie historique.
On peut y lire :
De Ramón Pané nous ne savons quasiment rien, même la façon d’écrire son nom prête à controverse. Il était catalan, moine de l’ordre hiéronymite, participa (probablement) au deuxième voyage de Colomb en 1493.
Selon Las Casas, il ne parlait pas très bien le castillan, vu qu’il était catalan. Il était plein de bonne volonté et essaya de faire connaître Dieu aux Indiens mais, étant un « hombre simple », il fut incapable de le faire, il réussit seulement à inculquer quelques mots de prières et à tenir quelques discours vagues et confus sur Dieu créateur dans le ciel. Pané, en somme, aurait raconté beaucoup de choses confuses et de peu de substance. Pierre Martyr semble avoir une opinion sur cet homme bien différente : Pané aurait été « persona dotta e di santissima vita »
Pané serait donc parti de Cadix le 25 septembre 1493 pour arriver à Hispaniola à la fin novembre de la même année. Plus précisément, le 28 novembre, Colomb entre à la Navidad et constate, pour la première fois, l’agressivité des « bons » Indiens : sa forteresse avait été détruite, les hommes qu’il y avait laissés étaient tous morts. Pané serait avec lui. Ensuite, il aurait débarqué, toujours avec Colomb, dans la baie où a été fondée Isabela, en début janvier 1494. En tout cas, au début du printemps, il s’installe dans la région de Macoris où se trouve le cacique Guanaoconel (c’est là que Colomb fait construire la forteresse de la Madeleine). Il y passe à peu près un an et apprend la langue locale. Après cette période, Colomb l’envoie dans la région du cacique Guarionex, où l’on parle la langue la plus répandue : c’est le centre, pourrions-nous dire en suivant Rouse (1992), des Taïnos « classiques », au nord-est, à côté de la forteresse de la Concepción en construction. Il fait donc vraisemblablement partie de l’avant-garde qui pénètre à l’intérieur de l’île. Il y serait demeuré à peu près deux ans, ou peut-être un peu moins, accompagné par l’Indien converti, Guaticaua, qui lui sert d’interprète..
Selon toute vraisemblance, c’est entre 1494 et 1497 (ou 1498) que Pané aurait rédigé son œuvre. Le début, en particulier, pourrait être daté de 1494 ou – et c’est plus probable – d’un peu plus tard : en 1494, le moine n’avait pas encore eu le temps d’apprendre aucune langue indigène. Précisons, sans entrer dans le détail, que les chercheurs ne sont pas d’accord sur les dates de début et de fin de l’œuvre. Ils se disputent également pour savoir quand le manuscrit serait arrivé dans les mains de l’Amiral et quand il serait arrivé en Europe. En tout cas, avec ces dates incertaines concernant la fin de l’œuvre, nous perdons aussi les traces du moine. Rentra-t-il en Espagne ? Quand mourut-il et où ? Nous n’en savons rien. Peut-être pouvons-nous présumer que le moine était encore à Hispaniola quand Las Casas y arriva en 1502.
Le manuscrit de Pané
Nous l’avons mentionné : la « Relation » de Pané a été perdue. Nous en retrouvons des traces dans plusieurs écrits qui s’échelonnent tout au long du XVIe siècle et qui, quand on les recoupe et les superpose, dessinent une sorte de chassé-croisé dont il est essentiel de tenir compte. Les éléments de transformation que ce chassé-croisé met en valeur sont une clé importante pour analyser les diverses interprétations des Taïnos. Considérons d’abord les deux principaux témoignages, celui de Pierre Martyr d’Anghiera et celui de Bartolomé de Las Casas, puis les témoignages secondaires ou d’« appoint », comme ceux d’Angelo Trevisan, de Giovanni Strozzi et d’Andrea Navagero. Finalement, au fondement de ce chassé-croisé, il y a la relation « perdue » mais que l’on a pu « reconstruire ». En fait, comme nous l’avons déjà mentionné (supra notes 8, 9 et 32), le texte de Pané ainsi qu’un fragment de lettre de Colomb qui sert d’introduction ont été englobés dans leur totalité dans le chapitre LXI de la Historia del Almirante don Cristobal Colón por su hijo don Fernando. Or cette œuvre aussi a été perdue. Il nous en reste toutefois une traduction en italien faite, selon toute probabilité, par Alfonso de Ulloa et publiée à Venise en 1571. Certes, cette version italienne voit le jour 32 ans après la mort de son auteur (1539) et presque un siècle après les faits racontés. De plus, elle n’est pas sans poser de problèmes, mais elle reste, pour nous, le seul point de départ possible et, dans l’ensemble, la source la plus fiable.
Cela va-t-il de soi ? Peut-être, mais le contexte nous oblige à le souligner. En fait, dans ce cas comme dans d’autres (à commencer par le texte de F. Colomb dans son intégralité), les péripéties du manuscrit ont été, pour ainsi dire, censurées. Aujourd’hui, les spécialistes font souvent référence à l’espagnol pour une présumée version originale qui, en réalité, n’est qu’une traduction contemporaine d’une traduction ancienne et donc, de toute façon, plus proche de l’original..
6. Les « antiquités » des Indiens, selon Pané
Je voudrais insister sur le fait que Pané est le premier et le seul – au moins en ce qui concerne les Taïnos – missionnaire à agir de la sorte : il parle parce qu’il a appris la langue. Pour cette raison, son récit peut être considéré comme une tentative, peut-être la première, de travail ethnologique et, de toute façon, en tant qu’unique étude directe des anciens habitants des Antilles, ce texte est une pierre angulaire pour les études américanistes. Du reste, comme nous l’avons vu, c’est de lui que sont partis tous les commentateurs du XVIe siècle sur les Taïnos.
Dans cette perspective, nous devrions repenser la présumée « simplicité » de Pané. Ou mieux, il faudrait dire : Pané était simple et profond à la fois – mais la simplicité lui a été reprochée, la profondeur ne lui a pas été assez reconnue. Notre point de vue, en revanche, lui reconnaît une profondeur originale, en la comprenant comme fonctionnellement liée à la simplicité. Car, qu’est-ce, au juste, que cette « simplicité » ? Las Casas67 l’a dit de façon explicite et presque paradigmatique : selon lui, Pané a raconté beaucoup de choses confuses et de peu de substance. Surtout, il n’a pas été capable de sélectionner, de mettre de côté, d’effacer ce qui n’était pas « important » : c’est ce que Las Casas fera abondamment pour servir son interprétation. Voilà pourquoi, pour nous, ethnologiquement, cette « simplicité » constitue avant tout une défense contre les déformations possibles et un atout formidable.
…Fruit de ce travail minutieux, la scrittura consiste en un préambule et vingt six chapitres (certains avec un titre, d’autres sans) : en tout, dans l’édition originale, une vingtaine de pages.
-Voir aussi :
En espagnol, ce Tiempos dificiles : Fray Ramon Pane en la espaniola, 1494-1498
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