Production de l'agriculture mécanisée
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 22/12/2015 à 13h17
1182 vues
Question d'origine :
Bonjour, je souhaiterais savoir quelle est la part de l'agriculture mécanisée dans la production d'aliments pour les humains dans le monde, en excluant donc les biocarburants et le fourrage. J'ai cherché des statistiques, mais je n'ai pas réussi à en obtenir.
Merci beaucoup !
Raphaël
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 24/12/2015 à 09h21
Bonjour,
Nous trouvons des données statistiques sur la production agricole ou le nombre de tracteurs pour 100 km de terres arables, mais ces statistiques ne distinguent pas la production destinée uniquement à l’alimentation humaine et concernent l’ensemble de la production agricole dans le monde :
quantités de production par pays, Faostat
machinerie agricole, banque mondiale
L’alimentation du monde (FAO) donne quelques indications supplémentaires sur la proportion de la production agricole destinée directement à l’alimentation humaine, ainsi que sur la consommation.
D’après cette analyse de la FAO : L'impact économique et social de la modernisation agricole, la majorité des agriculteurs dans le monde ne disposent que d’un outillage manuel, et l’écart de productivité entre les systèmes de culture mécanisés et manuels est écrasant :
En 1950, l'agriculture mondiale comptait 700 millions d'actifs, et utilisait moins de 7 millions de tracteurs (4 millions aux États-Unis, 180 000 en Allemagne de l'Ouest et 150 000 en France) et moins de 1,5 million de moissonneuses-batteuses. Aujourd'hui, pour 1,3 milliard d'actifs agricoles, elle compte 28 millions de tracteurs et 4,5 millions de moissonneuses-batteuses, matériels qui sont principalement concentrés dans les pays développés. En 1950 toujours, on n'utilisait guère que 17 millions de tonnes d'engrais minéraux, soit quatre fois plus qu'en 1900, mais huit fois moins qu'aujourd'hui. Quant aux aliments concentrés pour le bétail, on utilisait, en 1950, 30 de millions de tonnes d'équivalent-tourteaux, soit six fois moins qu'aujourd'hui.
[…]
Au milieu du XXe siècle, après des milliers d'années d'histoire agraire très différente d'une région à l'autre, les peuples du monde se sont retrouvés héritiers de niveaux d'équipement agricoles très divers et ils pratiquaient des systèmes de production très inégalement productifs. La figure 18 illustre ces inégalités en comparant la productivité nette accessible pour chacun de ces systèmes. Comme le montre cette figure, ces systèmes peuvent être classés, par ordre de productivité nette croissante, de la manière suivante :
• les systèmes de culture manuelle, dont la productivité nette maximale est de l'ordre de 1 000 kg d'équivalent-céréales par travailleur;
• les systèmes à jachère et culture attelée légère (araire, bât, etc.), dont la productivité nette maximum est de l'ordre de 2 000 kg par travailleur;
• les systèmes à jachère et culture attelée lourde (charrue, charrette, etc.), dont la productivité nette maximum est de l'ordre de 3 500 kg par travailleur;
• les systèmes de culture irriguée à deux récoltes par an avec traction animale, dont la productivité nette est du même ordre de grandeur;
• les systèmes sans jachère avec culture attelée lourde, dont la productivité nette est de l'ordre de 5 000 kg par travailleur;
• les systèmes sans jachère avec culture attelée mécanisée, dont la productivité nette est de l'ordre de 10 000 kg par travailleur;
• les premiers systèmes de culture motomécanisée (moto-mécanisation I), dont la productivité nette maximum dépassait déjà 30 000 kg par travailleur.
Ainsi, en 1950, le rapport de productivité entre les systèmes de culture manuelle les moins performants du monde et les systèmes motomécanisés les plus performants était de l'ordre de 1:30.
À la fin du XXe siècle, après 50 années supplémentaires d'histoire agraire, la productivité de la culture manuelle, qui est toujours la moins performante et la plus répandue dans le monde, est encore de l'ordre de 1 000 kg d'équivalent-céréales par travailleur, alors que la productivité nette de la culture la plus lourdement motomécanisée et utilisant le plus d'intrants dépasse 500 000 kg. Le rapport de productivité entre ces deux agricultures est donc d'environ 1:500 (voir figure 19): en 50 ans, ce rapport a été multiplié par près de 20.
En 2007 Marcel Mazoyer revient sur les inégalités face à l’équipement agricole dans ce dossier : La situation agricole et alimentaire mondiale : causes, conséquences, perspectives publié dans la revue Recherches Internationales n°80 (octobre-décembre 2007, pp. 47-64) :
Rappelons tout d’abord qu’à l’échelle du monde, sur 6,5 milliards de personnes, les ruraux et les agriculteurs sont encore très nombreux : la population rurale s’élève à 3,4 milliards de personnes, soit 52 % de la population mondiale ; la population agricole totale (active et non active) s’élève à 2,7 milliards de personnes, soit 41 % de cette même population mondiale ; quant à la population agricole active, elle s’élève à 1,34 milliard de personnes, soit 43 % de la population active du monde.
Rappelons aussi que dans presque tous les pays, le revenu moyen des agriculteurs est très inférieur à celui des citadins, et même inférieur à celui des salariés non qualifiés.
Mais surtout, il faut savoir que pour 1,34 milliard d’actifs agricoles, on ne compte dans le monde en tout et pour tout que 28 millions de tracteurs (soit 2 % du nombre des actifs agricoles), et 250 millions d’animaux de travail (soit 19 % du nombre des actifs agricoles). C’est dire que la grande motorisation-mécanisation qui a triomphé dans les pays industrialisés et dans quelques secteurs des pays émergents n’a touché qu’une infime minorité des agriculteurs du monde, que la culture à traction animale ne bénéficie aujourd’hui qu’à un cinquième environ d’entre eux, et que les quatre cinquièmes des actifs agricoles du monde, soit plus de un milliard de paysans, travaillent uniquement avec des outils à main (machette, bêche, houe, bâton-fouisseur, faucille...).
D’un autre côté, sachant que moins de 800 millions d’agriculteurs, tous types d’équipement confondus, utilisent couramment des semences sélectionnées, des engrais minéraux et des pesticides, il faut en déduire qu’environ 500 millions de paysans n’ayant généralement ni tracteur, ni animal de travail, n’utilisent pas non plus ces intrants.
Les inégalités d’équipement, de productivité et de revenu entre les différentes agricultures du monde sont donc énormes : d’un côté, quelques millions d’agriculteurs disposant de puissants tracteurs et de machines valant plusieurs centaines de milliers d’euros et utilisant des intrants efficaces peuvent produire plus de 1 000 tonnes de céréales ou équivalent-céréales par travailleur et par an (plus de 100 hectares/travailleur x près de 10 tonnes/hectare) ; de l’autre côté, des centaines de millions de paysans disposant seulement d’un outillage manuel valant quelques dizaines d’euros et n’utilisant pas ces intrants ne peuvent pas produire plus de une tonne de céréales ou d’équivalent-céréales par travailleur et par an (1 hectare/travailleur x 1 tonne/hectare).
Pour aller plus loin :
- Mécanisation et motorisation agricole en Afrique : entre mythe et réalités, revue d’Inter-réseaux développement rural
- Agricultures familiales et mondes à venir, sous la direction de Jean-Michel Sourisseau
- Production agricole de l'Union européenne en 2014, Insee
Bonnes recherches.
Nous trouvons des données statistiques sur la production agricole ou le nombre de tracteurs pour 100 km de terres arables, mais ces statistiques ne distinguent pas la production destinée uniquement à l’alimentation humaine et concernent l’ensemble de la production agricole dans le monde :
quantités de production par pays, Faostat
machinerie agricole, banque mondiale
L’alimentation du monde (FAO) donne quelques indications supplémentaires sur la proportion de la production agricole destinée directement à l’alimentation humaine, ainsi que sur la consommation.
D’après cette analyse de la FAO : L'impact économique et social de la modernisation agricole, la majorité des agriculteurs dans le monde ne disposent que d’un outillage manuel, et l’écart de productivité entre les systèmes de culture mécanisés et manuels est écrasant :
En 1950, l'agriculture mondiale comptait 700 millions d'actifs, et utilisait moins de 7 millions de tracteurs (4 millions aux États-Unis, 180 000 en Allemagne de l'Ouest et 150 000 en France) et moins de 1,5 million de moissonneuses-batteuses. Aujourd'hui, pour 1,3 milliard d'actifs agricoles, elle compte 28 millions de tracteurs et 4,5 millions de moissonneuses-batteuses, matériels qui sont principalement concentrés dans les pays développés. En 1950 toujours, on n'utilisait guère que 17 millions de tonnes d'engrais minéraux, soit quatre fois plus qu'en 1900, mais huit fois moins qu'aujourd'hui. Quant aux aliments concentrés pour le bétail, on utilisait, en 1950, 30 de millions de tonnes d'équivalent-tourteaux, soit six fois moins qu'aujourd'hui.
[…]
Au milieu du XXe siècle, après des milliers d'années d'histoire agraire très différente d'une région à l'autre, les peuples du monde se sont retrouvés héritiers de niveaux d'équipement agricoles très divers et ils pratiquaient des systèmes de production très inégalement productifs. La figure 18 illustre ces inégalités en comparant la productivité nette accessible pour chacun de ces systèmes. Comme le montre cette figure, ces systèmes peuvent être classés, par ordre de productivité nette croissante, de la manière suivante :
• les systèmes de culture manuelle, dont la productivité nette maximale est de l'ordre de 1 000 kg d'équivalent-céréales par travailleur;
• les systèmes à jachère et culture attelée légère (araire, bât, etc.), dont la productivité nette maximum est de l'ordre de 2 000 kg par travailleur;
• les systèmes à jachère et culture attelée lourde (charrue, charrette, etc.), dont la productivité nette maximum est de l'ordre de 3 500 kg par travailleur;
• les systèmes de culture irriguée à deux récoltes par an avec traction animale, dont la productivité nette est du même ordre de grandeur;
• les systèmes sans jachère avec culture attelée lourde, dont la productivité nette est de l'ordre de 5 000 kg par travailleur;
• les systèmes sans jachère avec culture attelée mécanisée, dont la productivité nette est de l'ordre de 10 000 kg par travailleur;
• les premiers systèmes de culture motomécanisée (moto-mécanisation I), dont la productivité nette maximum dépassait déjà 30 000 kg par travailleur.
Ainsi, en 1950, le rapport de productivité entre les systèmes de culture manuelle les moins performants du monde et les systèmes motomécanisés les plus performants était de l'ordre de 1:30.
À la fin du XXe siècle, après 50 années supplémentaires d'histoire agraire, la productivité de la culture manuelle, qui est toujours la moins performante et la plus répandue dans le monde, est encore de l'ordre de 1 000 kg d'équivalent-céréales par travailleur, alors que la productivité nette de la culture la plus lourdement motomécanisée et utilisant le plus d'intrants dépasse 500 000 kg. Le rapport de productivité entre ces deux agricultures est donc d'environ 1:500 (voir figure 19): en 50 ans, ce rapport a été multiplié par près de 20.
En 2007 Marcel Mazoyer revient sur les inégalités face à l’équipement agricole dans ce dossier : La situation agricole et alimentaire mondiale : causes, conséquences, perspectives publié dans la revue Recherches Internationales n°80 (octobre-décembre 2007, pp. 47-64) :
Rappelons tout d’abord qu’à l’échelle du monde, sur 6,5 milliards de personnes, les ruraux et les agriculteurs sont encore très nombreux : la population rurale s’élève à 3,4 milliards de personnes, soit 52 % de la population mondiale ; la population agricole totale (active et non active) s’élève à 2,7 milliards de personnes, soit 41 % de cette même population mondiale ; quant à la population agricole active, elle s’élève à 1,34 milliard de personnes, soit 43 % de la population active du monde.
Rappelons aussi que dans presque tous les pays, le revenu moyen des agriculteurs est très inférieur à celui des citadins, et même inférieur à celui des salariés non qualifiés.
Mais surtout, il faut savoir que pour 1,34 milliard d’actifs agricoles, on ne compte dans le monde en tout et pour tout que 28 millions de tracteurs (soit 2 % du nombre des actifs agricoles), et 250 millions d’animaux de travail (soit 19 % du nombre des actifs agricoles). C’est dire que la grande motorisation-mécanisation qui a triomphé dans les pays industrialisés et dans quelques secteurs des pays émergents n’a touché qu’une infime minorité des agriculteurs du monde, que la culture à traction animale ne bénéficie aujourd’hui qu’à un cinquième environ d’entre eux, et que les quatre cinquièmes des actifs agricoles du monde, soit plus de un milliard de paysans, travaillent uniquement avec des outils à main (machette, bêche, houe, bâton-fouisseur, faucille...).
D’un autre côté, sachant que moins de 800 millions d’agriculteurs, tous types d’équipement confondus, utilisent couramment des semences sélectionnées, des engrais minéraux et des pesticides, il faut en déduire qu’environ 500 millions de paysans n’ayant généralement ni tracteur, ni animal de travail, n’utilisent pas non plus ces intrants.
Les inégalités d’équipement, de productivité et de revenu entre les différentes agricultures du monde sont donc énormes : d’un côté, quelques millions d’agriculteurs disposant de puissants tracteurs et de machines valant plusieurs centaines de milliers d’euros et utilisant des intrants efficaces peuvent produire plus de 1 000 tonnes de céréales ou équivalent-céréales par travailleur et par an (plus de 100 hectares/travailleur x près de 10 tonnes/hectare) ; de l’autre côté, des centaines de millions de paysans disposant seulement d’un outillage manuel valant quelques dizaines d’euros et n’utilisant pas ces intrants ne peuvent pas produire plus de une tonne de céréales ou d’équivalent-céréales par travailleur et par an (1 hectare/travailleur x 1 tonne/hectare).
- Mécanisation et motorisation agricole en Afrique : entre mythe et réalités, revue d’Inter-réseaux développement rural
- Agricultures familiales et mondes à venir, sous la direction de Jean-Michel Sourisseau
- Production agricole de l'Union européenne en 2014, Insee
Bonnes recherches.
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