Plante

Réponse du département Sciences et Techniques

Bonjour,

Charles Darwin fut le premier, en 1860 à évoquer la sensibilité des plantes à leur environnement.

La question agita beaucoup la communauté scientifique à la fin des années 1960, lorsque l’Américain Cleve Backster publia les résultats de ses expériences menées sur les plantes, prouvant selon lui leur capacité de perception. Ses idées furent ensuite relayées par le chimiste Marcel Vogel, qui par ses expériences visant à démontrer l’importance des effets d’induction psychique de l’homme sur la plante, suggéra l’existence de d’interactions entre l’homme et le végétal, mais aussi par le best-seller de Peter Tompkins La vie secrète des plantes (Robert Laffont, 1975). Aujourd’hui, ces affirmations font toujours des émules, le livre de Cleve Backster ayant même été réédité en français en 2014 (L'intelligence émotionnelle des plantes, éd. Trédaniel).

Mais pour Jean-Marie Pelt, si « les publications spécialisées regorgent d’expériences plus extraordinaires les unes que les autres », « elles relèvent plus du domaine de la croyance que de celui de la science » - Marcel Vogel écrivant lui-même : « Je réussissais à percevoir au microscope des choses qui échappaient aux autres observateurs, et ceci non par la vue, mais grâce à l’œil de mon esprit ! » (source : Les langages secrets de la nature : la communication chez les animaux et les plantes (Fayard, 1996, rééd. 2005)


"Intelligence" ou "conscience" des plantes ?
C'est aussi le terme « intelligence » appliqué aux plantes qui pose question, voire est loin de faire l’unanimité parmi les scientifiques, comme en témoigne le manifeste signé par 36 biologistes et publié en 2008 dans la revue Trends in Plant Science, dénonçant l'emploi du mot « neurobiologie ».

« Depuis une dizaine d'années, un vif débat sur l'intelligence des plantes anime la communauté des biologistes spécialistes du monde végétal. Hérésie, crient les uns, vérité, affirment les autres. A la tête des seconds, Stefano Mancuso, fondateur du Laboratoire international de neurobiologie végétale, persiste et signe dans son dernier ouvrage, Brilliant Green (Michael Pollan, 2015, non traduit) : « Les études les plus récentes du monde végétal ont démontré que les plantes sont sensibles (et donc sont douées de sens), qu'elles communiquent (entre elles et avec les animaux), dorment, se souviennent et peuvent même manipuler d'autres espèces. Elles peuvent être décrites comme intelligentes. »
Source : Un vif débat sur l’« intelligence » des plantes (Le Monde, 29 février 2016)

(Pour en savoir plus sur les recherches de Stefano Mancuso, vous pouvez visionner la conférence TED qu'il a donnée en 2010 : Les racines de l'intelligence végétale, en anglais, sous-titré en français)

Pour le botaniste Francis Hallé, « le terme intelligence n'est pas adapté aux plantes, mais aux animaux et aux êtres humains », même s'il reconnaît que « la plante qui n'a pas de cerveau est capable de manipuler un animal qui en a un ».

Le biologiste Daniel Chamovitz préfère quant à lui décrire la plante comme « consciente de son environnement ». Auteur de La plante et ses sens (Buchet Chastel, 2014), il s’appuie sur les recherches les plus récentes en sciences végétales et montre que les plantes disposent d’une large palette de perceptions sensorielles. Selon lui, elles partagent avec nous, même si ce n’est pas de la même façon, différents sens : la vue, l’odorat, le toucher, l’ouïe, auxquels s’ajoutent la proprioception et la mémoire. Dans son ouvrage, il répond à des questions comme « Comment une plante carnivore sait-elle quand se refermer sur sa proie ? », « Comment une fleur devine-t-elle que le printemps arrive ? », « Les plantes réagissent-elles différemment à une chanson de Led Zeppelin et à un concerto de Bach ? », « Pourquoi un saule sait-il que ses voisins sont attaqués par des insectes ? »

Sur ce sujet nous vous invitons à écouter l’émission « Les plantes possèdent-elles une véritable intelligence ? » sur France Culture. Vous pouvez également consulter le dossier « L'intelligence des plantes enfin révélée », publié dans le n° 1146 du magazine Science et Vie.


Qu’en est-il de la « main verte » ?
Pour Jean-Marie Pelt, « si l’on interroge les personnes aux « mains vertes », elles affirment que l’humeur du jardinier ou de l’horticulteur se répercute sur l’aspect des plantes : l’état de santé et l’esthétique des végétaux refléteraient l’état d’âme de la personne qui s’en occupe. Si cette intuition devait se confirmer, il suffirait de voir comment les hommes traitent la planète pour nous représenter leur état d’âme ! » Et de conclure : « La main verte n’est autre qu’une combinaison entre des connaissances théoriques acquises et des connaissances empiriques résultant de l’expérience, le tout combiné avec un sens aigu de l’observation, de la tendresse et beaucoup d’amour. » (source : Les langages secrets de la nature : la communication chez les animaux et les plantes).


Sensibilité à des stimulus ou à la musique
Les plantes préfèrent-elles « écouter » du Bach plutôt que du rock ? Les études menées sur la sensibilité des plantes à la musique ont abouti à des résultats divergents.
Pour Michel Thellier, auteur du livre Les plantes ont-elles une mémoire ? (Quae, 2015) « il y a des stimulus que les plantes perçoivent et d’autres qu’elles ne perçoivent pas. Quoi qu’en pensent certains, il ne semble pas que les plantes soient sensibles à la musique (Braam & Davis, 1990) ; mais elles réagissent à des stimulus abiotiques tels que la durée relative du jour et de la nuit, la gravitation, le vent, la pluie, un simple contact, la sécheresse, le froid, et même les rayonnements électromagnétiques tels que ceux des téléphones mobiles. »
D’autres auteurs confirment en revanche la réalité d’une influence des sons sur les plantes, comme Lydie Suty dans Les végétaux. 1. Les relations avec leur environnement (Quae, 2014) : « Depuis des dizaines d’années, des chercheurs affirment que les plantes sont sensibles à la musique. Les expériences menant à cette affirmation ont été très critiquées, mais des expérimentations récentes menées avec des appareillages et des méthodes modernes ont permis de montrer que de nombreuses espèces végétales perçoivent les sons, et sont capables de les différencier en fonction de leurs fréquences pour orienter leur croissance en direction ou à l’opposé de la source sonore. La musique permettant la croissance la plus harmonieuse est la musique classique alors que le rock peut provoquer des anomalies de croissance et que la musique country n’a pas d’effet significatif. Des notes fa et ré jouées exclusivement et en permanence ont entrainé la mort de la quasi-totalité des espèces végétales. On a aussi montré que les plantes émettaient des sons à des fréquences précises. »

Peut-être pourriez-vous faire l’expérience avec vos propres plantes, avec cette playlist spécialement étudiée pour elles !


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Pour aller plus loin :

• L'esprit des plantes [D.V.D] / réal. de Jacques Mitsch (Gedeon Programmes, 2008) Un documentaire de 52 min qui tente de démontrer que l'intelligence des plantes, nommée neurobiologie des plantes, est une réalité insoupçonnée de la nature, d’après les études faites par des scientifiques internationaux.
• Dans la peau d'une plante : 70 questions impertinentes sur la vie cachée des plantes / Catherine Lenne (Belin, 2014)
• Les plantes ont-elles un zizi ? et autres questions fondamentales sur les végétaux / Jeanne Failevic, Véronique Pellissier (Actes Sud junior, 2013)
• Les plantes entendent-elles ? (billet du blog Passeur de Sciences, 13 juin 2012)