Question d'origine :
Bonjour,
On entend actuellement beaucoup parler de BURKINI.
Pourriez-vous indiquer l'origine de ce vêtement, de quoi il s'agit exactement, s'il y a des codes à respecter (ample ou près du corps, couleur, longueur...) et dans quel sens il répond à un précepte de la religion musulmane.
Vous remerciant pour ces précisions pour mieux comprendre les débats actuels,
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 19/08/2016 à 12h55
Après avoir largement disparu de l’espace publique occidental au XXe siècle, le voile y a fait sa réapparition à partir des années 1980 en lien avec une réislamisation de certaines catégories sociales issues de la migration. Ce phénomène a été largement instrumentalisé tant par ses détracteurs que par ses promoteurs, également opposés au métissage de la population et à la mondialisation, reléguant le voile à un rôle de marqueur d’une volonté de conquête des esprits, des corps et des moeurs affichées par un islam européen en pleine croissance. Cet ouvrage propose une lecture dépassionnée de ce phénomène sans pour autant sous-estimer les craintes qui se font jour dans la population par rapport au statut de la femme et à celui des libertés en général. Douze auteurs issus pour la plupart de l’Université proposent une approche renouvelée de la question du voile, faisant la synthèse sur certaines questions déjà étudiées et proposant des approches nouvelles et originales de la représentation contemporaine du « vêtement islamique féminin » dans l’espace public du monde arabe et musulman ou en Occident, de la burqa au burkini.
Voile, corps et pudeur, approches historiques et anthropologiques
Voici un passage de cet ouvrage consacré au burkini:
Le burkini ou mycozzie ou encore veilkini est un maillot de bain qui se veut conforme aux normes islamiques contemporaines adoptées par les fidèles de nombreux pays : il est apparu sur les plages et dans les piscines dans la seconde moitié des années 2000. Une styliste australienne d’origine libanaise a lancé sur le marché les premiers modèles de maillot de bain islamique afin de concilier la culture de la plage australienne avec la religion d’une partie des habitants de cette nation. Le burkini est fait d’un tissu imperméable qui, même mouillé, ne colle pas à la peau, couvrant l’entier du corps et laissant émerger les pieds, les mains et le visage. Le burkini est devenu un objet commercial qui, comme les « nouveaux voiles », est vendu en différents modèles et couleurs.Il est présenté comme une tenue, qui tout en préservant la pudeur de la femme qui le porte, est capable de valoriser sa beauté… Il existe des modèles plus pudiques qui cachent davantage les formes du corps et sont de couleurs sobres et des modèles plus décorés et moulants, qui en couvrant la peau, laissent deviner beaucoup plus les formes de la femme qui les porte ; il existe même des modèles courts qui ne couvrent les bras que jusqu’aux coudes et les jambes jusqu’aux genoux et qui ne prévoient pas de couverture pour la tête.
L’apparition du burkini montre que les nouveaux voiles obéissent à des logiques de consommation modernes liées aux flux commerciaux et à la mode de l’économie mondialisée. Les burkinis s’inscrivent doublement dans la modernité et dans l’espace cosmopolite qui la caractérise : ils constituent des nouvelles tenues qui n’ont pas d’antécédents et qui permettent aux femmes musulmanes voulant préserver la pudeur de pratiquer des activités d’origine européennes, tels aller à la plage, se baigner, nager, pratiquer des loisirs et des sports aquatiques ; le burkini permet donc de réaliser un compromis entre les exigences des formes de religiosité et de culture corporelle qui se sont développées durant les deux dernières décennies et le désir de prendre part à un mode de vie cosmopolite et consumériste incluant la mode et les activités sur la plage…
Si le voile est souvent associé à l’inégalité entre hommes et femmes, différentes interprétations existent chez les chercheurs sur la signification à attribuer au dernier mouvement de retour au voile qui a émergé à la fin des années 90 dans divers pays arabes où les femmes avaient abandonné le voile « traditionnel » après l’indépendance et dans les communautés musulmanes en Europe. Pour certains, ce mouvement constitue un retour en arrière, un signe de l’oppression patriarcale à laquelle sont soumises les femmes, tandis que pour d’autres, c’est le signe d’une nouvelle modernité qui permet aux femmes de s’approprier l’espace public autrefois interdit. Pour d’autres encore, c’est un durcissement des identités communautaires ou nationales en opposition à la mondialisation et à l’oppression politico-économique exercée par l’Europe et les Etats-Unis. Le voile est aussi mis en relation avec la construction d’une subjectivité pieuse dont les femmes qui adhèrent à des nouvelles formes de religiosité sont les seules actrices. De manière générale, les études des dernières années ont mis en avant la multiplicité et la complexité des nouveaux voiles, ainsi que l’impossibilité de les interpréter de manière univoque et surtout de les expliquer sans interpeller directement les femmes qui les portent. Ces dernières ont été reconnues comme des actrices à part entière, abandonnant la conviction, enracinée dans la tradition euro-américaine, selon laquelle elles seraient caractérisées par la passivité, l’infériorité et l’incapacité d’exercer l’autonomie.
Suivent diverses considérations sur la « géographie corporelle », « les pratiques conservatrices » du corps et la sexualité « moderne » et le « corps des téléprédicateurs » dont nous vous conseillons la lecture.
Voir aussi :
Petite histoire du birkini, un article du Monde
L’article de Wikipédia
Sociologie de la femme voilée. Du voile hérité au voile révélé, dans une revue en ligne, Pensée plurielle, un article intéressant par la parole qu’il donne aux femmes qui ont choisi de porter le voile et par la bibliographie qu’il contient.
Le voile islamique, une question de pudeur, sur le même portail
Une question similaire sur le Guichet du Savoir
La condition de la femme dans l'Islam, par Fahmy Mansour.
Bonnes lectures
Voile, corps et pudeur, approches historiques et anthropologiques
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Le burkini ou mycozzie ou encore veilkini est un maillot de bain qui se veut conforme aux normes islamiques contemporaines adoptées par les fidèles de nombreux pays : il est apparu sur les plages et dans les piscines dans la seconde moitié des années 2000. Une styliste australienne d’origine libanaise a lancé sur le marché les premiers modèles de maillot de bain islamique afin de concilier la culture de la plage australienne avec la religion d’une partie des habitants de cette nation. Le burkini est fait d’un tissu imperméable qui, même mouillé, ne colle pas à la peau, couvrant l’entier du corps et laissant émerger les pieds, les mains et le visage. Le burkini est devenu un objet commercial qui, comme les « nouveaux voiles », est vendu en différents modèles et couleurs.Il est présenté comme une tenue, qui tout en préservant la pudeur de la femme qui le porte, est capable de valoriser sa beauté… Il existe des modèles plus pudiques qui cachent davantage les formes du corps et sont de couleurs sobres et des modèles plus décorés et moulants, qui en couvrant la peau, laissent deviner beaucoup plus les formes de la femme qui les porte ; il existe même des modèles courts qui ne couvrent les bras que jusqu’aux coudes et les jambes jusqu’aux genoux et qui ne prévoient pas de couverture pour la tête.
L’apparition du burkini montre que les nouveaux voiles obéissent à des logiques de consommation modernes liées aux flux commerciaux et à la mode de l’économie mondialisée. Les burkinis s’inscrivent doublement dans la modernité et dans l’espace cosmopolite qui la caractérise : ils constituent des nouvelles tenues qui n’ont pas d’antécédents et qui permettent aux femmes musulmanes voulant préserver la pudeur de pratiquer des activités d’origine européennes, tels aller à la plage, se baigner, nager, pratiquer des loisirs et des sports aquatiques ; le burkini permet donc de réaliser un compromis entre les exigences des formes de religiosité et de culture corporelle qui se sont développées durant les deux dernières décennies et le désir de prendre part à un mode de vie cosmopolite et consumériste incluant la mode et les activités sur la plage…
Si le voile est souvent associé à l’inégalité entre hommes et femmes, différentes interprétations existent chez les chercheurs sur la signification à attribuer au dernier mouvement de retour au voile qui a émergé à la fin des années 90 dans divers pays arabes où les femmes avaient abandonné le voile « traditionnel » après l’indépendance et dans les communautés musulmanes en Europe. Pour certains, ce mouvement constitue un retour en arrière, un signe de l’oppression patriarcale à laquelle sont soumises les femmes, tandis que pour d’autres, c’est le signe d’une nouvelle modernité qui permet aux femmes de s’approprier l’espace public autrefois interdit. Pour d’autres encore, c’est un durcissement des identités communautaires ou nationales en opposition à la mondialisation et à l’oppression politico-économique exercée par l’Europe et les Etats-Unis. Le voile est aussi mis en relation avec la construction d’une subjectivité pieuse dont les femmes qui adhèrent à des nouvelles formes de religiosité sont les seules actrices. De manière générale, les études des dernières années ont mis en avant la multiplicité et la complexité des nouveaux voiles, ainsi que l’impossibilité de les interpréter de manière univoque et surtout de les expliquer sans interpeller directement les femmes qui les portent. Ces dernières ont été reconnues comme des actrices à part entière, abandonnant la conviction, enracinée dans la tradition euro-américaine, selon laquelle elles seraient caractérisées par la passivité, l’infériorité et l’incapacité d’exercer l’autonomie.
Suivent diverses considérations sur la « géographie corporelle », « les pratiques conservatrices » du corps et la sexualité « moderne » et le « corps des téléprédicateurs » dont nous vous conseillons la lecture.
Voir aussi :
Petite histoire du birkini, un article du Monde
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