Question d'origine :
Bonjour,
J'aurais aimé connaitre le sens qui était donné au terme d'apostat / apostasie à l'époque médiévale, mais aux alentours de l'an mil, avant que Saint Thomas d'Aquin ne définisse le terme dans sa Somme théologique.
Plus précisément, je me demandais si le terme recouvrait uniquement une valeur de désengagement envers l'Eglise et la charge cléricale, ou s'il pouvait désigner une valeur plus "symbolique".
En d'autres termes, pouvait-on parler d'apostasie pour accuser un prélat qui n'aurait pas respecté un mode de vie suffisamment clérical ou ne concordant pas avec les préconisations instaurées par la réforme grégorienne, même si celui-ci n'avait pas exprimé le désir d'abandonner sa charge ?
Je vous remercie par avance pour votre réponse.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 23/10/2015 à 08h03
Bonjour,
Sur la question de l’apostasie, les différents dictionnaires que nous avons consultés sont assez clairs : il s’agit d’un reniement, d’un abandon volontaire et public d’une religion.
Ainsi, dans les premiers siècles de notre ère, lorsque les persécutions envers les chrétiens étaient nombreuses, l’apostasie était fréquente. Les chrétiens ayant abjuré leur foi par peur des persécutions étaient nommés des lapsi (lapsus au singulier…).
L’encyclopédie Le Catholicisme, hier aujourd’hui demain précise que l’apostasie de la foi « se définit [comme] le rejet total des vérités révélées. Elle diffère de l’hérésie qui en est le rejet partiel ».
Pour le catholicisme, l’apostasie ne concerne pas uniquement ceux qui ont une charge cléricale mais tout chrétien qui renie sa foi et renonce au baptême.
Néanmoins, il existe en effet des formes d’apostasie spécifiques (dites ab ordine ou a religione) liées aux religieux ou aux clercs qui abandonnent définitivement leur communauté ou leur état ecclésiastique.
Dans le livre V des Décrétales (promulguées en 1234) du Pape Grégoire IX (collection de textes canoniques officiels du 3è au 13e siècle), un chapitre est consacré à cette question de l’apostasie. Nous vous livrons une partie de la traduction de Louis de Héricourt (18ème siècle) :
« Un clerc qui a été surpris dans un crime, sans avoir un habit clérical, et qui vit comme un laïc, est privé du privilège clérical, et peut être jugé comme laïc par le juge séculier. Lorsqu’un moine a quitté l’habit de son ordre, ses supérieurs doivent le faire arrêter, et ensuite le mettre dans une prison, et le faire jeûner au pain et à l’eau, jusqu’à qu’il se soit converti, et qu’il ait expié son crime par une sévère pénitence. Si ce Religieux a reçu les ordres pendant son apostasie, il demeure suspendu de toutes ses fonctions, jusqu’à que le Pape lui ait accordé une dispense ».
Ce texte, qui précède d’environ 30 années la Somme Théologique, insiste donc spécifiquement sur ces formes d’apostasie évoquées plus haut (ab ordine ou a religione) et notamment sur ceux qu’on appellerait plus communément aujourd’hui les « défroqués ». N’ayant pas les connaissances et les compétences requises pour analyser au plus juste ce texte, nous nous contenterons de suggérer que le premier paragraphe (« Un clerc qui a été surpris dans un crime, sans avoir un habit clérical, et qui vit comme un laïc… ») pourrait correspondre à ce que vous nommez le non-respect « d’un mode de vie suffisamment clérical »…
Dans le temps qui nous est imparti, nous n’avons pas trouvé d’autre document nous permettant de faire le point de façon décisive sur la définition de l’apostasie au Moyen-âge, avant la rédaction de la Somme Théologique de Thomas d’Aquin.
Mais on peut affirmer à l’aide de la Grande Encyclopédie de 1885 que les pénalités à l’encontre de l’apostasie ont été déterminées bien avant le 13e siècle. « Elles ont été établies successivement par les constitutions des empereurs Constantin le Grand (315), Constance (357), Théodore le Grand (381), Valentinien II (383 et 391) ; elle forment un ensemble réuni (438) dans le code Théodosien ». L’apostasie constitue donc très tôt dans le christianisme un acte bien défini et cet acte entraîne des pénalités spécifiques. A la lecture des documents utilisés pour vous répondre, il ne nous apparaît donc pas que l’apostasie possède une « valeur plus symbolique », si toutefois nous comprenons bien ce que vous entendez par là.
Pour finir, nous vous invitons à vous adresser à la bibliothèque de L’Université Catholique de Lyon qui pourrait vous fournir d’autres sources et d’autres éléments de réponse.
A bientôt
Sources :
Catholicisme : hier, aujourd’hui, demain, Ed. Letouzey et Aié, 1947-2000.
Dictionnaire de théologie catholique, Ed. Letouzey et Aié, 1925-1951
Dictionnaire de la civilisation chrétienne, de Fernand Comte, Larousse, 1999.
La Grande Encyclopédie : inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts, 1885
Catholic Encyclopedia, article « Apostasy » (en anglais).
Sur la question de l’apostasie, les différents dictionnaires que nous avons consultés sont assez clairs : il s’agit d’un reniement, d’un abandon volontaire et public d’une religion.
Ainsi, dans les premiers siècles de notre ère, lorsque les persécutions envers les chrétiens étaient nombreuses, l’apostasie était fréquente. Les chrétiens ayant abjuré leur foi par peur des persécutions étaient nommés des lapsi (lapsus au singulier…).
L’encyclopédie Le Catholicisme, hier aujourd’hui demain précise que l’apostasie de la foi « se définit [comme] le rejet total des vérités révélées. Elle diffère de l’hérésie qui en est le rejet partiel ».
Pour le catholicisme, l’apostasie ne concerne pas uniquement ceux qui ont une charge cléricale mais tout chrétien qui renie sa foi et renonce au baptême.
Néanmoins, il existe en effet des formes d’apostasie spécifiques (dites ab ordine ou a religione) liées aux religieux ou aux clercs qui abandonnent définitivement leur communauté ou leur état ecclésiastique.
Dans le livre V des Décrétales (promulguées en 1234) du Pape Grégoire IX (collection de textes canoniques officiels du 3è au 13e siècle), un chapitre est consacré à cette question de l’apostasie. Nous vous livrons une partie de la traduction de Louis de Héricourt (18ème siècle) :
« Un clerc qui a été surpris dans un crime, sans avoir un habit clérical, et qui vit comme un laïc, est privé du privilège clérical, et peut être jugé comme laïc par le juge séculier. Lorsqu’un moine a quitté l’habit de son ordre, ses supérieurs doivent le faire arrêter, et ensuite le mettre dans une prison, et le faire jeûner au pain et à l’eau, jusqu’à qu’il se soit converti, et qu’il ait expié son crime par une sévère pénitence. Si ce Religieux a reçu les ordres pendant son apostasie, il demeure suspendu de toutes ses fonctions, jusqu’à que le Pape lui ait accordé une dispense ».
Ce texte, qui précède d’environ 30 années la Somme Théologique, insiste donc spécifiquement sur ces formes d’apostasie évoquées plus haut (ab ordine ou a religione) et notamment sur ceux qu’on appellerait plus communément aujourd’hui les « défroqués ». N’ayant pas les connaissances et les compétences requises pour analyser au plus juste ce texte, nous nous contenterons de suggérer que le premier paragraphe (« Un clerc qui a été surpris dans un crime, sans avoir un habit clérical, et qui vit comme un laïc… ») pourrait correspondre à ce que vous nommez le non-respect « d’un mode de vie suffisamment clérical »…
Dans le temps qui nous est imparti, nous n’avons pas trouvé d’autre document nous permettant de faire le point de façon décisive sur la définition de l’apostasie au Moyen-âge, avant la rédaction de la Somme Théologique de Thomas d’Aquin.
Mais on peut affirmer à l’aide de la Grande Encyclopédie de 1885 que les pénalités à l’encontre de l’apostasie ont été déterminées bien avant le 13e siècle. « Elles ont été établies successivement par les constitutions des empereurs Constantin le Grand (315), Constance (357), Théodore le Grand (381), Valentinien II (383 et 391) ; elle forment un ensemble réuni (438) dans le code Théodosien ». L’apostasie constitue donc très tôt dans le christianisme un acte bien défini et cet acte entraîne des pénalités spécifiques. A la lecture des documents utilisés pour vous répondre, il ne nous apparaît donc pas que l’apostasie possède une « valeur plus symbolique », si toutefois nous comprenons bien ce que vous entendez par là.
Pour finir, nous vous invitons à vous adresser à la bibliothèque de L’Université Catholique de Lyon qui pourrait vous fournir d’autres sources et d’autres éléments de réponse.
A bientôt
Sources :
Catholicisme : hier, aujourd’hui, demain, Ed. Letouzey et Aié, 1947-2000.
Dictionnaire de théologie catholique, Ed. Letouzey et Aié, 1925-1951
Dictionnaire de la civilisation chrétienne, de Fernand Comte, Larousse, 1999.
La Grande Encyclopédie : inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts, 1885
Catholic Encyclopedia, article « Apostasy » (en anglais).
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