Question d'origine :
Bonjour
le parti national-socialiste allemande soit le parti nazi
avait quoi de socialiste ?
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 12/03/2018 à 13h26
Bonjour,
La question de la dimension socialiste ou non du Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei (NSDAP) a été largement abordée dans notre réponse à la question « Hitler était-il de gauche ? »
Nous expliquions ainsi que n’étant pas dans un débat d’opinion, contrairement à ce que pourrait laisser penser les différents forums qui discutent de cette question sur le net, nous nous référions aux études publiées par des historiens. Nous citions ainsi le numéro de la Documentation photographique de janvier /février 2012 intitulé :
Le nazisme, une idéologie en actes, écrit pas un historien spécialiste de l’Allemagne et de cette période notamment : Johann Chapoutot .
A ceux qui dans les années 1960 et 1970 conspuaient la droite en l’affublant des épithètes infamantes de « fascistes » et de « nazie » , celle-ci répondait que « nazi » signifiait aussi bien « national » que « socialiste » - argument spécieux , car un socialisme national n’est , par définition, plus un socialisme , attendu que le mouvement ouvrier s’est défini depuis le XIX° siècle comme internationaliste par essence. Ce qui était une dispute politique a également été un débat historiographique : le nazisme a-t-il été un projet révolutionnaire ou réactionnaire ?
Force est de constater que le discours est à l’origine révolutionnaire : le programme de février 1920 demande la fin des rentiers, la nationalisation des industries, la confiscation des profits de guerre. Le discours nazi redevient fortement antibourgeois à partir de 1943 quand, dans un contexte militaire désespéré, Joseph Goebbels, en charge de la propagande nazie, retrouve ses accents révolutionnaires des débuts pour fustiger une aristocratie anémique et une bourgeoisie lâche et égoïste. Cela dit, le « socialisme » des débuts est d’un genre bien particulier : si projet révolutionnaire il y a, c’est un projet national-révolutionnaire et non internationaliste. A l’oppose du mouvement ouvrier socialiste et communiste, les nazis ne connaissent que la nation comme cadre indépassable de l’existence et de l’épanouissement d’une communauté raciale fermée sur elle-même. La rhétorique socialiste (et nationaliste) du parti a aussi une visée tactique : elle doit aimanter les ouvriers et soldats démobilisés, frappés par le chômage et tentés, comme partout en Europe, par la séduction communiste. La bourgeoisie conservatrice munichoise ne s’y trompe pas , qui accueille Hitler dans ses salons et finance le NSADP, lui permettant de fonder son propre journal , le Völksiher Beobachter, d’organiser ses meetings et d’équiper ses SA
[…]
De fait, les douze ans de régime nazi change rien à la structure sociale de l’Allemagne : si quelques établissements scolaires d’élite sont créés pour faciliter la sélection et la formation des futurs cadres du régime, les anciennes élites systématiquement dépouillées, voire décimées en URSS par exemple, sont choyées par le pouvoir nazi, qui en adopte les usages et les codes, comme l’a bien montré l’historien français Fabrice d’Almeida (la vie mondaine sous le nazisme 2006). »
Le même auteur développe par ailleurs la question dans l’article consacré au nazisme sur universalis.fr :
Le terme « socialisme » mentionné dans « national-socialisme » annonce ce programme de création d’une communauté d’égaux entre les membres du même peuple (Volk), c’est-à-dire entre les membres de la même race aryenne. Les promesses « socialistes » sont présentes dans le programme de 1920, mais dans un cadre strictement national et exclusiviste, sans visée internationaliste comme dans le marxisme. De plus, derrière cet affichage de gauche qui vise à détourner l’électorat social-démocrate ou communiste, le parti nazi épouse néanmoins très clairement les intérêts des élites dominantes et se situe résolument à droite : le marxisme, « doctrine juive », crée de la division là où il n’y en a pas ; la lutte des classes est inexistante quand il y a communauté de race ; le pluralisme politique et syndical est l’expression même de cette division, qui affaiblit le peuple allemand.
[…]
C’est à crédit également qu’est financée une politique fiscale et sociale très généreuse envers les membres de la « communauté du peuple », qui doit venir panser les plaies des humiliations nationales subies depuis 1918. Les ouvriers allemands, qui ont fait l’expérience de la faim pendant la Grande Guerre, de la misère causée par l’hyperinflation de 1923 et à nouveau par la Grande Dépression de 1929, sont particulièrement soignés. Si le réarmement se fait au détriment de la production des biens de consommation, le pouvoir nazi veut très clairement rattraper un niveau de vie américain : l’objectif est, à terme, une société industrielle, automobile et consommatrice. En attendant, le N.S.D.A.P. veille aux loisirs des « camarades du peuple » (Volksgenossen) : week-ends, sorties au théâtre, concerts et quinzaines de vacances à bord de paquebots qui croisent dans les fjords sont offerts par l’organisation Kraft durch Freude (KdF, « Force par la Joie »), sorte de gigantesque comité d’entreprise du IIIe Reich, qui fait construire des navires de croisière (à l’instar du paquebot Wilhelm-Gustloff) et d’immenses résidences hôtelières, comme le complexe de Prora-Rügen sur la Baltique. C’est à cela que se résume le « socialisme » du nazisme : un confort matériel plus grand pour les masses, et une identité renforcée : les Volksdeutsche « Allemands par le peuple » séparés du Reich, authentiques « Germains », sont exaltés comme étant le sel de la terre, la future « race des seigneurs » (Herrenrasse).
[…]
Pas de révolution sociale, donc : les anciennes élites (industrielles et financières, militaires et religieuses) n’ont généralement qu’à se féliciter d’une collaboration avec le régime qui renforce leur pouvoir. L’accord se fait également sur les fondamentaux idéologiques : nationalisme, anticommunisme et antisémitisme font du N.S.D.A.P. et du IIIe Reich un pivot de la famille. En cela, les élites allemandes ne se distinguent guère de celles des autres pays, qui lorgnent avec envie sur l’expérience nazie : « plutôt Hitler que Blum », soupire la bourgeoisie française dénoncée par Marc Bloch, dans L’Étrange Défaite ; les élites britanniques observent avec un intérêt à peine dissimulé ce régime qui a su conjuguer paix sociale, élimination de la gauche et haute productivité industrielle et financière.
Nous vous laissons consulter ces articles dans leur intégralité.
Bonne lecture.
La question de la dimension socialiste ou non du Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei (NSDAP) a été largement abordée dans notre réponse à la question « Hitler était-il de gauche ? »
Nous expliquions ainsi que n’étant pas dans un débat d’opinion, contrairement à ce que pourrait laisser penser les différents forums qui discutent de cette question sur le net, nous nous référions aux études publiées par des historiens. Nous citions ainsi le numéro de la Documentation photographique de janvier /février 2012 intitulé :
Le nazisme, une idéologie en actes, écrit pas un historien spécialiste de l’Allemagne et de cette période notamment : Johann Chapoutot .
A ceux qui dans les années 1960 et 1970 conspuaient la droite en l’affublant des épithètes infamantes de « fascistes » et de « nazie » , celle-ci répondait que « nazi » signifiait aussi bien « national » que « socialiste » - argument spécieux , car un socialisme national n’est , par définition, plus un socialisme , attendu que le mouvement ouvrier s’est défini depuis le XIX° siècle comme internationaliste par essence. Ce qui était une dispute politique a également été un débat historiographique : le nazisme a-t-il été un projet révolutionnaire ou réactionnaire ?
Force est de constater que le discours est à l’origine révolutionnaire : le programme de février 1920 demande la fin des rentiers, la nationalisation des industries, la confiscation des profits de guerre. Le discours nazi redevient fortement antibourgeois à partir de 1943 quand, dans un contexte militaire désespéré, Joseph Goebbels, en charge de la propagande nazie, retrouve ses accents révolutionnaires des débuts pour fustiger une aristocratie anémique et une bourgeoisie lâche et égoïste. Cela dit, le « socialisme » des débuts est d’un genre bien particulier : si projet révolutionnaire il y a, c’est un projet national-révolutionnaire et non internationaliste. A l’oppose du mouvement ouvrier socialiste et communiste, les nazis ne connaissent que la nation comme cadre indépassable de l’existence et de l’épanouissement d’une communauté raciale fermée sur elle-même. La rhétorique socialiste (et nationaliste) du parti a aussi une visée tactique : elle doit aimanter les ouvriers et soldats démobilisés, frappés par le chômage et tentés, comme partout en Europe, par la séduction communiste. La bourgeoisie conservatrice munichoise ne s’y trompe pas , qui accueille Hitler dans ses salons et finance le NSADP, lui permettant de fonder son propre journal , le Völksiher Beobachter, d’organiser ses meetings et d’équiper ses SA
[…]
De fait, les douze ans de régime nazi change rien à la structure sociale de l’Allemagne : si quelques établissements scolaires d’élite sont créés pour faciliter la sélection et la formation des futurs cadres du régime, les anciennes élites systématiquement dépouillées, voire décimées en URSS par exemple, sont choyées par le pouvoir nazi, qui en adopte les usages et les codes, comme l’a bien montré l’historien français Fabrice d’Almeida (la vie mondaine sous le nazisme 2006). »
Le même auteur développe par ailleurs la question dans l’article consacré au nazisme sur universalis.fr :
Le terme « socialisme » mentionné dans « national-socialisme » annonce ce programme de création d’une communauté d’égaux entre les membres du même peuple (Volk), c’est-à-dire entre les membres de la même race aryenne. Les promesses « socialistes » sont présentes dans le programme de 1920, mais dans un cadre strictement national et exclusiviste, sans visée internationaliste comme dans le marxisme. De plus, derrière cet affichage de gauche qui vise à détourner l’électorat social-démocrate ou communiste, le parti nazi épouse néanmoins très clairement les intérêts des élites dominantes et se situe résolument à droite : le marxisme, « doctrine juive », crée de la division là où il n’y en a pas ; la lutte des classes est inexistante quand il y a communauté de race ; le pluralisme politique et syndical est l’expression même de cette division, qui affaiblit le peuple allemand.
[…]
C’est à crédit également qu’est financée une politique fiscale et sociale très généreuse envers les membres de la « communauté du peuple », qui doit venir panser les plaies des humiliations nationales subies depuis 1918. Les ouvriers allemands, qui ont fait l’expérience de la faim pendant la Grande Guerre, de la misère causée par l’hyperinflation de 1923 et à nouveau par la Grande Dépression de 1929, sont particulièrement soignés. Si le réarmement se fait au détriment de la production des biens de consommation, le pouvoir nazi veut très clairement rattraper un niveau de vie américain : l’objectif est, à terme, une société industrielle, automobile et consommatrice. En attendant, le N.S.D.A.P. veille aux loisirs des « camarades du peuple » (Volksgenossen) : week-ends, sorties au théâtre, concerts et quinzaines de vacances à bord de paquebots qui croisent dans les fjords sont offerts par l’organisation Kraft durch Freude (KdF, « Force par la Joie »), sorte de gigantesque comité d’entreprise du IIIe Reich, qui fait construire des navires de croisière (à l’instar du paquebot Wilhelm-Gustloff) et d’immenses résidences hôtelières, comme le complexe de Prora-Rügen sur la Baltique. C’est à cela que se résume le « socialisme » du nazisme : un confort matériel plus grand pour les masses, et une identité renforcée : les Volksdeutsche « Allemands par le peuple » séparés du Reich, authentiques « Germains », sont exaltés comme étant le sel de la terre, la future « race des seigneurs » (Herrenrasse).
[…]
Pas de révolution sociale, donc : les anciennes élites (industrielles et financières, militaires et religieuses) n’ont généralement qu’à se féliciter d’une collaboration avec le régime qui renforce leur pouvoir. L’accord se fait également sur les fondamentaux idéologiques : nationalisme, anticommunisme et antisémitisme font du N.S.D.A.P. et du IIIe Reich un pivot de la famille. En cela, les élites allemandes ne se distinguent guère de celles des autres pays, qui lorgnent avec envie sur l’expérience nazie : « plutôt Hitler que Blum », soupire la bourgeoisie française dénoncée par Marc Bloch, dans L’Étrange Défaite ; les élites britanniques observent avec un intérêt à peine dissimulé ce régime qui a su conjuguer paix sociale, élimination de la gauche et haute productivité industrielle et financière.
Nous vous laissons consulter ces articles dans leur intégralité.
Bonne lecture.
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