Question d'origine :
Bonjour, Meilleurs vœux à toutes et tous... Que se passe-t-il dans la tête d'un musicien lorsqu'il de lance dans une improvisation ? Entend-il avant et transmet-il à l'instrument ce qu'il entend ? Agit-il de manière mécanique sans aucune autre intervention ? Comment ça fonctionne l'improvisation en Musique ? Je vous remercie pour votre travail Cordialement
Réponse du Guichet

Comment fonctionne l'improvisation musicale ? C'est très simple et très compliqué.
C'est, vous vous en doutez, un espace de liberté dans un cadre contraint. Les contraintes peuvent être multiples : il faut tenir compte des partenaires si on en a, le discours musical DOIT tenir compte des autres instrumentistes et proposer une expression compatible musicalement et ne pas prendre trop de place. Lorsque l'improvisateur est seul tout en étant plus libre il est soumis à d'autres contraintes. Improviser c'est s'exprimer SUR quelque chose. Donc à partir d'un matériau de base. Sauf exception on n'improvise pas ex nihilo et hors sol musical. C'est là qu'apparaissent les notions fondamentales de "thème" (le motif choisi) et d'"harmonie". L'improvisateur ne peut pas piocher de façon anarchique dans un stock de notes "à volonté" . Il lui faudra tenir compte de la tonalité (le kit de notes utililisables de préférence). Dans le jazz où l'improvisation est de mise, celle ci se fait sur la base de grilles, les accords sont chiffrés de façon conventionnelle. On sait par exemple que pendant 4 mesures on va "être en sol mineur" [donc tous les mi et si seront bémolisés, joués un demi-ton plus bas], une note extérieure à la tonalité ne serait utilisée qu'a bon escient, volontairement et pour des besoins expressifs. Puis le musicien voit apparaitre le signe D7, pour 1 mesure et hop il sait qu'il doit se concentrer sur telles notes, celles qui forment cet accord précis de ré septième : do, ré, fa dièse, la. Ainsi de suite.
Oui un bon improvisateur "pré-entend" intérieurement et intuitivement ce qu'il va jouer.
En dehors des contraintes harmoniques, il va de soi qu'il existe des contraintes stylistiques, si on improvise dans le style ragtime, il FAUT des syncopes, décalages entre basse de la main gauche et mélodie de la main droite, c'est le style qui veut ça, un organiste qui improvise sur un prélude pendant la communion à la messe s'en tiendra non seulement à un thème mais un style approprié, ambiance musique sacrée, tempo lent etc ...
L'improvisation est une discipline, une matière en soi, qui s'étudie, se travaille (il faut énormément travailler les gammes et les arpèges dans toutes les tonalités et modes) Avoir du feeling est certes nécessaire mais certainement pas suffisant. Il ya des épreuves d'improvisation dans les études musicales classiques. Voir improviser un maitre peut être très impressionnant. Voir et entendre Thierry Escaich improviser à l'orgue sur un film muet est stupéfiant de justesse et de virtuosité, le discours musical restant évidemment en prise directe avec le discours des images. C'est l'impro à son zénith artistique, hissée au rang de l'art. Certains jazzmen sont également époustoufflants. S'ils ne lisent pas de grilles d'accords c'est que les grilles sont dans leur tête. Et une grande complicité (partenaires habituels, connaissance de leur jeu, de leurs signaux) donnent un supplément de liberté pour s'affranchir de règles trop strictes.
On peut parler aussi de l'improvisation dans la musique baroque où l'exécutant se base sur une basse fixe et chiffrée (avec des symboles conventionnels). C'est souvent un semi-improvisation ou une impro un peu préparée. les chanteurs sont censés aussi improviser dans leurs Da Cappi (les reprises avec ornementations et fioritures pour en mettre plein les oreilles aux auditeurs). Là encore les contraintes sont les mêmes il faut "rentrer" dans un cadre harmonique et rythmique. Le plus souvent ces parties sont préparées, peaufinées, écrites noir sur blanc. Toutes les formes dites "à variations" sont aussi issues de l'esprit de l'improvisation même si, soigneusement composées et écrites", elles en ont perdu l'aspect immédiat et éphémère. C'est un répertoire passionnant et inépuisable. Egalement issue de l'esprit de l'improvisation et peut-être la plus libre, la cadence d'un concerto : l'orchestre se tait, le soliste peut "se lâcher" dans les grands longueurs et faire son numéro ... sauf que cette "impro", archi préparée, travaillée et à coup sûr écrite, n'en est pas réellement une.
Voici quelques élements de réponse, jetés un peu en vrac il est vrai, mais vous nous pardonnerez cet esprit d'improvisation.
Si vous avez envie de creuser un peu le sujet, nous vous recommandons la lecture de l'ouvrage De Derek Bailey L'improvisation, sa nature et sa pratique dans la musique, empruntable dans nos collections.
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