Question d'origine :
Bonjour et bonne année
Pour les chrétiens, la fin du monde s'est l’apocalypse.
Quel est le nom donné par les musulmans ?
et comment
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 06/01/2020 à 10h58
Bonjour,
Dissipons tout d'abord un malentendu : le terme "apocalypse " ne désigne pas la fin du monde selon les chrétiens, mais le dernier livre retenu dans le Nouveau testament . Il s'agit d'un des plus énigmatiques des libres de la Bible, et il s'inscrit dans une tradition littéraire juive déjà longue :
" Apocalypse vient du mot grec : /apocalypsis/, qui signifie "révélation". Ce genre littéraire juif apparaît en contexte de crise, après le retour d'exil, surtout au IIe siècle avant Jésus-Christ. Il voit surgir l'espérance en la résurrection dans le sens d'un accomplissement des Écritures, surtout du point de vue d'une articulation entre le dessein créateur de Dieu à l'origine et son jugement à la fin des temps. Il prolifère au tournant de l'ère chrétienne et est sous-jacent au Nouveau Testament tout entier.
[...]
Le titre du livre : "Apocalypse de Jean", invoque l'autorité de Jean l'apôtre et en fait apparemment son auteur. Mais : "Apocalypse de Jean" ne veut pas nécessairement dire : "Apocalypse écrite par Jean". Cependant, dès les premiers chapitres, ce lien est établi entre le visionnaire et le livre où il consigne ses visions. "
(Source : La Croix)
Comme le fait remarquer Yves-Marie Blanchard dans L'Apocalypse [Livre] /, on doit l'appellation d'"Apocalypse" simplement au fait qu'il s'agit du premier mot du texte dans sa version grecque - mais c'est un usage spécifique des traducteurs francophones : les anglophones n'hésitent pas à traduire par revelation et les germanophones par Offenbarung .
Ainsi, si le titre du dernier livre de la Bible a pu, par glissement de sens, en venir à désigner la fin du monde dans le langage courant, il serait plus propre de parler deJugement dernier quand on évoque le retour du Christ sur terre et tout ce qui s'ensuit l
" A la fin du monde, le Christ reviendra sur terre " comme l'éclair, en effet, part du levant et brille jusqu'au couchant" (Mt 24, 27). Il sera le Juge suprême des vivants et des morts. Ce sera " le moment pour les morts d'être jugés ; le temps de récompenser tes serviteurs les prophètes, les saints, et ceux qui craignent ton nom " (Ap 11, 18). [...] Le dogme catholique affirme que "tous les hommes comparaîtront avec leur corps "devant le tribunal du Christ" pour rendre compte de leurs actes personnels, "afin que chacun reçoive le salaire de ce qu'il aura fait pendant qu'il était dans son corps, soit en bien, soit en mal" (Benoît XII) [...] Ce sera le dernier avènement du Christ-Roi, la parousie."
(Source : Les mots du christianisme [Livre] : catholicisme, protestantisme, orthodoxie / Dominique Le Tourneau)
L'islam, religion monothéiste fortement inspirée par le judaïsme et le christianisme, prévoit également un jugement des défunts pour leurs actes, à la fin du monde tel qu'on le connaît :
"Toute une partie du dogme musulman concerne les bouleversements de la fin du monde, la résurrection, le jugement, le ciel et l'enfer. Comme chez les millénaristes, la description du bonheur futur fait une grande place à des promesses matérielles, dont celle des femmes (houris) paradisiaques réservées aux élus. Cependant, le sommet de ce bonheur consistera à se savoir agréé de Dieu et à être heureux de lui. Une certaine vision de Dieu est annoncée dans le Coran, mais les commentateurs discutent sans pouvoir la définir. Une minorité de musulmans pensent que les descriptions matérielles du paradis sont le symbole d'une félicité spirituelle d'un autre ordre. Quant à la responsabilité de l'homme, elle se trouve nettement bien qu'implicitement admise dans les textes sur le jugement.
Les hommes seront jugés selon leurs actions ; mais les actions n'ont aucune valeur sans la foi. Le désir du bon musulman est que le poids des bonnes œuvres l'emporte sur celui des mauvaises dans la balance du jugement. Le péché irrémissible, en fait le seul péché mortel pour la plupart des théoriciens, est le shirk, le crime d'associer à Dieu d'autres divinités. L'homme qui l'a commis perd le bénéfice de toutes ses bonnes actions qui, de ce fait, n'ont plus de valeur. Pour la majorité des musulmans, et suivant la position tenue par l'école théologique des ash‘arites, l'enfer ne sera pas éternel pour le croyant. L'intercession de Muḥammad obtiendra que sortent de l'enfer, après des milliers d'années de châtiment, ceux de ses fidèles au cœur de qui se trouvera encore un atome de foi. Plusieurs théologiens, tel al-Ghazālī (1058-1111), admettent que l'infidèle de bonne foi puisse être sauvé s'il n'est pas moralement responsable de son incroyance. Cependant, des positions beaucoup plus exclusives sur la damnation des infidèles demeurent très répandues.
Il existe des traditions qui classent les péchés en « grands » et « petits » ; mais cette distinction ne recouvre pas celle que le catholicisme met entre péchés mortels et péchés véniels. Il s'agit seulement d'importance relative : ne pas respecter les droits de ses parents, tuer un musulman, commettre l'adultère, calomnier une musulmane vertueuse, fuir à la guerre sainte sont considérés comme des fautes très graves.
Cette foi en l'au-delà est à mettre en rapport avec les sentiments familiaux les plus chers : elle est évoquée à la mort de tous les parents et amis. Elle est profondément enracinée dans les masses musulmanes et s'exprime différemment suivant les contrées, en liaison souvent avec les anciennes traditions locales. En pays arabe et turc, on trouve fréquemment, gravée ou peinte sur les tombes, cette inscription : « Tout ce qui se trouve sur la terre périra, mais la face de ton Seigneur demeurera, majestueuse et noble » (Coran, lv, 26)."
(Source : Encyclopaedia universalis)
Le jour où ces événements sont censés se produire possède plusieurs noms en arabe, selon l'article d'Ataa Denkha, " L'Eschatologie musulmane" (Revue des sciences religieuses, 2013, lisible sur openedition.org). Le plus courant est yawm al-hisâb, signifiant...jour du jugement . On trouve aussi yawm al-dîn ("jour de la rétribution"). Le motif de la fin du monde est tellement central dans l'islam que ces dénominations sont souvent abrégées en al-yawm (le jour), sans qu'il soit besoin de préciser :
"L’image que l’islam se fait du jugement au dernier jour « est proche de l’eschatologie biblique prophétique ». L’annonce du jour du jugement est l’une des toutes premières prédications coraniques et l’un des articles principaux du dogme musulman. Les textes coraniques consacrés au jugement dernier sont le plus souvent liés aux textes qui annoncent al-qiyâma (la résurrection des corps qui le précède) et à ceux de la justice divine exercée et symbolisée par la balance dans laquelle les œuvres sont pesées. Le jour du jugement est un jour derétribution , de décision où les hommes sont sanctionnés conformément à leurs actes par Dieu, et sont soit appelés à une vie éternelle de bonheur, soit condamnés à une éternité de malheur24. Mais ces actes perdent toute valeur sans la foi, donc « le jugement porte d’abord sur la foi ; ensuite une sorte de fignolage prend en compte les autres actes ». Emilio Platti ajoute qu’« il est à remarquer que la foi dans la transcendance du Jugement va de pair avec l’affirmation de la transcendance absolue de Dieu Lui-même ». De nombreuses sourates témoignent que Dieu est bien le seul acteur du jugement, qu’il s’exprime en son nom propre. Il peut être mentionné à la troisième personne du singulier ou par une formulation passive. Al-fâtiha, la sourate d’ouverture du Coran, annonce clairement que Dieu est « le Roi du Jour du Jugement » (Cor. I, 4).
L’emploi du mot al-yawm (jour) dans le Coran comme avertissement pour désigner le jugement dernier est utilisé 348 fois29. Bien d’autres termes le désignent30. Le plus souvent, il est appelé « l’Heure » (al-sâ‘a), parce qu’elle se hâte vers nous : « le Jour où l’Heure apparaîtra, le Jour où l’Heure se dressera » (Cor. XXX, 11, 13 ; XL, 49 ; XLV, 26). Cependant, la connaissance de l’Heure est une prérogative divine, comme le montre la sourate VII, al-A‘râf : « Ils t’interrogent au sujet de l’Heure : Quand viendra-t-elle ? Dis : La connaissance de l’Heure n’appartient qu’à Dieu ; nul autre que lui ne la fera paraître en son temps. Elle sera pesante dans les cieux et sur la terre, et elle vous surprendra à l’improviste… » (Cor. VII, 187)."
Si la date est inconnue, il y aura cependant, si on se réfère à un article de Malek Chebel dans La Point, quantité de signes avant-coureurs :
" La sourate LXXXI, Al-Koussouf, en particulier, que l'on traduit par "L'Obscurcissement", relate les conditions de ceux qui sont pris dans des rets : "Lorsque le soleil se sera éclipsé. Lorsque les étoiles seront tombées ternies. Lorsque les montagnes se seront mises en mouvement. Lorsque les chamelles déjà pleines auront été retardées dans leur mise bas. Lorsque les bêtes sauvages se seront rassemblées. Lorsque les mers auront suffisamment bouillonné. Lorsque les âmes se seront regroupées. Et que l'on demandera à la fillette enterrée vivante pour quel mal elle a subi ce sort. Et que les feuilles du registre auront été déroulées. Et que le ciel aura été zébré d'éclairs. Et que la Fournaise aura été attisée. Et que le Paradis aura été à proximité. Chaque âme saura alors ce qui l'attend."
Toutes ces manifestations anticipent l'extinction du monde et la résurrection des âmes (quiyama, une notion citée plus de trois cents fois). Elles sont prises à la lettre, et il suffit qu'un séisme plus fort que les autres se déclare, un feu abrasif, une catastrophe quelconque, ou que naisse une monstruosité biologique pour que les passions s'enflamment, et chacun de se rappeler les affres inquiétantes de l'immensité infernale. Dans d'autres sourates, nombre de précisions sont fournies et agissent de manière répétitive, quasi hallucinatoire. Le fait même qu'elles soient généralisables à l'ensemble des humains et non pas réservées aux seuls musulmans leur octroie une force prodigieuse.
Un ciel couvert d'une obscurité peu ordinaire
Ainsi, lorsque la femme perd ses enfants avant terme ou que les gens deviennent ivres sans qu'ils aient bu une goutte d'alcool (sourate XXII, verset 2), cela accrédite l'idée que le cataclysme est planétaire, et non pas seulement local. Dans une autre sourate, il est aussi question d'un ciel couvert d'une obscurité peu ordinaire, une "nuit éternelle". Enfin, d'autres phénomènes contrariant le sens commun interviennent à un moment où rien ne les laissait prévoir : les morts sortiront de leurs tombes, l'Arabie, qui subira une immense secousse, sera sens dessus dessous, l'Orient et l'Occident disparaîtront, au moment où Gog et Magog, des êtres à l'aspect hideux, apparaîtront et domineront le néant.
Ces deux entités de l'inframonde font d'autant plus peur qu'aucun texte n'a réussi à ce jour à les décrire. Ils inquiètent par la seule magie de leur nom. D'aucuns les décrivent comme des êtres tronqués, des moignons. La terre en particulier est observée de manière scrupuleuse, car les signes telluriques ont sur l'être humain un impact cataclysmique plus spectaculaire. D'abord, une première alerte est formulée en ouverture de la sourate XXII, "Le Pèlerinage", avec ces mots : "Ô vous les hommes, craignez votre Seigneur, car le jour où le séisme de l'Heure [finale] se produira, ce sera quelque chose d'immense. Lorsque vous verrez ce séisme, vous verrez fuir la femme allaitant son enfant et toute femelle enceinte déposera son faix sans l'avoir voulu ; tu verras des gens ivres alors qu'ils n'auront pas bu. De fait le châtiment d'Allah sera terrible." Le Coran est aussi explicite dans la sourate XCIX, "Le Tremblement de terre", aux quatre premiers versets : "Lorsque la terre sera secouée d'un séisme destructeur, et que la terre rejette tout son surpoids, et que l'homme se demandera ce qui lui arrive : ce jour-là, elle dira ce qu'elle sait." Quant au Prophète, il aurait dit : "La fin du monde sera d'actualité le jour où le soleil se lèvera à l'endroit où il se couche." Dès qu'ils verront ce phénomène, les hommes se prosterneront et comprendront que la fin des temps est proche. Pourtant, au-delà de ces indices à forte connotation symbolique - car ils sont réversibles -, une tradition ultérieure, que l'on ne peut dater avec précision, a tenté de développer le thème en l'élargissant aux confins de l'imagination humaine.
On se mit à évoquer l'Antéchrist (le Dajjal), la Bête apocalyptique (Jassassa), la résurrection du Christ, qui est selon le Coran l'un des signes définitifs de la fin des temps. Dans la sourate LXXVII, "Les Envoyés", aux versets 7 à 10, on peut lire que l'apocalypse se réalisera selon les plans divins expliqués dans le Coran : "Ce qui vous a été promis sera tenu, lorsque les étoiles s'éclipseront, et que le ciel se sera fendu, et que les montagnes se seront émiettées."
Une apocalypse est possible selon l'islam. Elle aura lieu tout juste avant la disparition de notre univers. On ne dénombre pas moins de treize occurrences explicitement consacrées à la fin du monde (ahwal al-akhira) et au déploiement eschatologique de la volonté d'Allah de mettre fin à sa Création : "Lorsqu'il sera soufflé dans la trompette du jugement un appel immense et unique. Et que la terre et les montagnes seront entraînées et pulvérisées de manière spectaculaire, ce Jour-là se produira l'inéluctable. Le ciel se fendra et tombera en lambeaux." (Sourate LXIX, "Celle qui doit venir", versets 13-16)."
Pour aller plus loin :
- Comprendre l'Apocalypse [Livre]. 1, : [1-14] / Jean-Pierre Charlier
- L'Apocalypse de saint Jean [Livre] / Pierre Prigent
- Le Jugement dernier [Livre] / Martin Zlatohlavek, Christian Rätsch, Claudia Müller-Ebeling ; trad. de l'allemand par Denis-Armand Canal
- Jugements derniers [Livre] / Yves Christe
- Le jugement dernier [Livre] : entre Orient et Occident / sous la direction de Valentino Pace ; texte de Marcello Angheben ; contributions de Peter K Klien, Catherine Jolivet-Lévy, Xenia Muratova
- Dictionnaire amoureux de l'Islam [Livre] / Malek Chebel ; dessins d' Alain Bouldouyre
- Comprendre l'islam [Livre] / Quentin Ludwig ; avec la collab. de Cyril-Igor Grigorieff
- Vocabulaire de l'islam [Livre] / Dominique Sourdel, Janine Sourdel-Thomine
- La perle précieuse [Livre] : exposé sur la vie future après la mort / Ghâzâli ; trad. de l'arabe par Lucien Gauthier [i.e. Gautier]
Bonne journée.
Dissipons tout d'abord un malentendu : le terme "
" Apocalypse vient du mot grec : /apocalypsis/, qui signifie "révélation". Ce genre littéraire juif apparaît en contexte de crise, après le retour d'exil, surtout au IIe siècle avant Jésus-Christ. Il voit surgir l'espérance en la résurrection dans le sens d'un accomplissement des Écritures, surtout du point de vue d'une articulation entre le dessein créateur de Dieu à l'origine et son jugement à la fin des temps. Il prolifère au tournant de l'ère chrétienne et est sous-jacent au Nouveau Testament tout entier.
[...]
Le titre du livre : "Apocalypse de Jean", invoque l'autorité de Jean l'apôtre et en fait apparemment son auteur. Mais : "Apocalypse de Jean" ne veut pas nécessairement dire : "Apocalypse écrite par Jean". Cependant, dès les premiers chapitres, ce lien est établi entre le visionnaire et le livre où il consigne ses visions. "
(Source : La Croix)
Comme le fait remarquer Yves-Marie Blanchard dans L'Apocalypse [Livre] /, on doit l'appellation d'"Apocalypse" simplement au fait qu'il s'agit du premier mot du texte dans sa version grecque - mais c'est un usage spécifique des traducteurs francophones : les anglophones n'hésitent pas à traduire par revelation et les germanophones par Offenbarung .
Ainsi, si le titre du dernier livre de la Bible a pu, par glissement de sens, en venir à désigner la fin du monde dans le langage courant, il serait plus propre de parler de
" A la fin du monde, le Christ reviendra sur terre " comme l'éclair, en effet, part du levant et brille jusqu'au couchant" (Mt 24, 27). Il sera le Juge suprême des vivants et des morts. Ce sera " le moment pour les morts d'être jugés ; le temps de récompenser tes serviteurs les prophètes, les saints, et ceux qui craignent ton nom " (Ap 11, 18). [...] Le dogme catholique affirme que "tous les hommes comparaîtront avec leur corps "devant le tribunal du Christ" pour rendre compte de leurs actes personnels, "afin que chacun reçoive le salaire de ce qu'il aura fait pendant qu'il était dans son corps, soit en bien, soit en mal" (Benoît XII) [...] Ce sera le dernier avènement du Christ-Roi, la parousie."
(Source : Les mots du christianisme [Livre] : catholicisme, protestantisme, orthodoxie / Dominique Le Tourneau)
L'islam, religion monothéiste fortement inspirée par le judaïsme et le christianisme, prévoit également un jugement des défunts pour leurs actes, à la fin du monde tel qu'on le connaît :
"Toute une partie du dogme musulman concerne les bouleversements de la fin du monde, la résurrection, le jugement, le ciel et l'enfer. Comme chez les millénaristes, la description du bonheur futur fait une grande place à des promesses matérielles, dont celle des femmes (houris) paradisiaques réservées aux élus. Cependant, le sommet de ce bonheur consistera à se savoir agréé de Dieu et à être heureux de lui. Une certaine vision de Dieu est annoncée dans le Coran, mais les commentateurs discutent sans pouvoir la définir. Une minorité de musulmans pensent que les descriptions matérielles du paradis sont le symbole d'une félicité spirituelle d'un autre ordre. Quant à la responsabilité de l'homme, elle se trouve nettement bien qu'implicitement admise dans les textes sur le jugement.
Les hommes seront jugés selon leurs actions ; mais les actions n'ont aucune valeur sans la foi. Le désir du bon musulman est que le poids des bonnes œuvres l'emporte sur celui des mauvaises dans la balance du jugement. Le péché irrémissible, en fait le seul péché mortel pour la plupart des théoriciens, est le shirk, le crime d'associer à Dieu d'autres divinités. L'homme qui l'a commis perd le bénéfice de toutes ses bonnes actions qui, de ce fait, n'ont plus de valeur. Pour la majorité des musulmans, et suivant la position tenue par l'école théologique des ash‘arites, l'enfer ne sera pas éternel pour le croyant. L'intercession de Muḥammad obtiendra que sortent de l'enfer, après des milliers d'années de châtiment, ceux de ses fidèles au cœur de qui se trouvera encore un atome de foi. Plusieurs théologiens, tel al-Ghazālī (1058-1111), admettent que l'infidèle de bonne foi puisse être sauvé s'il n'est pas moralement responsable de son incroyance. Cependant, des positions beaucoup plus exclusives sur la damnation des infidèles demeurent très répandues.
Il existe des traditions qui classent les péchés en « grands » et « petits » ; mais cette distinction ne recouvre pas celle que le catholicisme met entre péchés mortels et péchés véniels. Il s'agit seulement d'importance relative : ne pas respecter les droits de ses parents, tuer un musulman, commettre l'adultère, calomnier une musulmane vertueuse, fuir à la guerre sainte sont considérés comme des fautes très graves.
Cette foi en l'au-delà est à mettre en rapport avec les sentiments familiaux les plus chers : elle est évoquée à la mort de tous les parents et amis. Elle est profondément enracinée dans les masses musulmanes et s'exprime différemment suivant les contrées, en liaison souvent avec les anciennes traditions locales. En pays arabe et turc, on trouve fréquemment, gravée ou peinte sur les tombes, cette inscription : « Tout ce qui se trouve sur la terre périra, mais la face de ton Seigneur demeurera, majestueuse et noble » (Coran, lv, 26)."
(Source : Encyclopaedia universalis)
Le jour où ces événements sont censés se produire possède plusieurs noms en arabe, selon l'article d'Ataa Denkha, " L'Eschatologie musulmane" (Revue des sciences religieuses, 2013, lisible sur openedition.org). Le plus courant est yawm al-hisâb, signifiant...
"L’image que l’islam se fait du jugement au dernier jour « est proche de l’eschatologie biblique prophétique ». L’annonce du jour du jugement est l’une des toutes premières prédications coraniques et l’un des articles principaux du dogme musulman. Les textes coraniques consacrés au jugement dernier sont le plus souvent liés aux textes qui annoncent al-qiyâma (la résurrection des corps qui le précède) et à ceux de la justice divine exercée et symbolisée par la balance dans laquelle les œuvres sont pesées. Le jour du jugement est un jour de
L’emploi du mot al-yawm (jour) dans le Coran comme avertissement pour désigner le jugement dernier est utilisé 348 fois29. Bien d’autres termes le désignent30. Le plus souvent, il est appelé « l’Heure » (al-sâ‘a), parce qu’elle se hâte vers nous : « le Jour où l’Heure apparaîtra, le Jour où l’Heure se dressera » (Cor. XXX, 11, 13 ; XL, 49 ; XLV, 26). Cependant, la connaissance de l’Heure est une prérogative divine, comme le montre la sourate VII, al-A‘râf : « Ils t’interrogent au sujet de l’Heure : Quand viendra-t-elle ? Dis : La connaissance de l’Heure n’appartient qu’à Dieu ; nul autre que lui ne la fera paraître en son temps. Elle sera pesante dans les cieux et sur la terre, et elle vous surprendra à l’improviste… » (Cor. VII, 187)."
Si la date est inconnue, il y aura cependant, si on se réfère à un article de Malek Chebel dans La Point, quantité de signes avant-coureurs :
" La sourate LXXXI, Al-Koussouf, en particulier, que l'on traduit par "L'Obscurcissement", relate les conditions de ceux qui sont pris dans des rets : "Lorsque le soleil se sera éclipsé. Lorsque les étoiles seront tombées ternies. Lorsque les montagnes se seront mises en mouvement. Lorsque les chamelles déjà pleines auront été retardées dans leur mise bas. Lorsque les bêtes sauvages se seront rassemblées. Lorsque les mers auront suffisamment bouillonné. Lorsque les âmes se seront regroupées. Et que l'on demandera à la fillette enterrée vivante pour quel mal elle a subi ce sort. Et que les feuilles du registre auront été déroulées. Et que le ciel aura été zébré d'éclairs. Et que la Fournaise aura été attisée. Et que le Paradis aura été à proximité. Chaque âme saura alors ce qui l'attend."
Toutes ces manifestations anticipent l'extinction du monde et la résurrection des âmes (quiyama, une notion citée plus de trois cents fois). Elles sont prises à la lettre, et il suffit qu'un séisme plus fort que les autres se déclare, un feu abrasif, une catastrophe quelconque, ou que naisse une monstruosité biologique pour que les passions s'enflamment, et chacun de se rappeler les affres inquiétantes de l'immensité infernale. Dans d'autres sourates, nombre de précisions sont fournies et agissent de manière répétitive, quasi hallucinatoire. Le fait même qu'elles soient généralisables à l'ensemble des humains et non pas réservées aux seuls musulmans leur octroie une force prodigieuse.
Un ciel couvert d'une obscurité peu ordinaire
Ainsi, lorsque la femme perd ses enfants avant terme ou que les gens deviennent ivres sans qu'ils aient bu une goutte d'alcool (sourate XXII, verset 2), cela accrédite l'idée que le cataclysme est planétaire, et non pas seulement local. Dans une autre sourate, il est aussi question d'un ciel couvert d'une obscurité peu ordinaire, une "nuit éternelle". Enfin, d'autres phénomènes contrariant le sens commun interviennent à un moment où rien ne les laissait prévoir : les morts sortiront de leurs tombes, l'Arabie, qui subira une immense secousse, sera sens dessus dessous, l'Orient et l'Occident disparaîtront, au moment où Gog et Magog, des êtres à l'aspect hideux, apparaîtront et domineront le néant.
Ces deux entités de l'inframonde font d'autant plus peur qu'aucun texte n'a réussi à ce jour à les décrire. Ils inquiètent par la seule magie de leur nom. D'aucuns les décrivent comme des êtres tronqués, des moignons. La terre en particulier est observée de manière scrupuleuse, car les signes telluriques ont sur l'être humain un impact cataclysmique plus spectaculaire. D'abord, une première alerte est formulée en ouverture de la sourate XXII, "Le Pèlerinage", avec ces mots : "Ô vous les hommes, craignez votre Seigneur, car le jour où le séisme de l'Heure [finale] se produira, ce sera quelque chose d'immense. Lorsque vous verrez ce séisme, vous verrez fuir la femme allaitant son enfant et toute femelle enceinte déposera son faix sans l'avoir voulu ; tu verras des gens ivres alors qu'ils n'auront pas bu. De fait le châtiment d'Allah sera terrible." Le Coran est aussi explicite dans la sourate XCIX, "Le Tremblement de terre", aux quatre premiers versets : "Lorsque la terre sera secouée d'un séisme destructeur, et que la terre rejette tout son surpoids, et que l'homme se demandera ce qui lui arrive : ce jour-là, elle dira ce qu'elle sait." Quant au Prophète, il aurait dit : "La fin du monde sera d'actualité le jour où le soleil se lèvera à l'endroit où il se couche." Dès qu'ils verront ce phénomène, les hommes se prosterneront et comprendront que la fin des temps est proche. Pourtant, au-delà de ces indices à forte connotation symbolique - car ils sont réversibles -, une tradition ultérieure, que l'on ne peut dater avec précision, a tenté de développer le thème en l'élargissant aux confins de l'imagination humaine.
On se mit à évoquer l'Antéchrist (le Dajjal), la Bête apocalyptique (Jassassa), la résurrection du Christ, qui est selon le Coran l'un des signes définitifs de la fin des temps. Dans la sourate LXXVII, "Les Envoyés", aux versets 7 à 10, on peut lire que l'apocalypse se réalisera selon les plans divins expliqués dans le Coran : "Ce qui vous a été promis sera tenu, lorsque les étoiles s'éclipseront, et que le ciel se sera fendu, et que les montagnes se seront émiettées."
Une apocalypse est possible selon l'islam. Elle aura lieu tout juste avant la disparition de notre univers. On ne dénombre pas moins de treize occurrences explicitement consacrées à la fin du monde (ahwal al-akhira) et au déploiement eschatologique de la volonté d'Allah de mettre fin à sa Création : "Lorsqu'il sera soufflé dans la trompette du jugement un appel immense et unique. Et que la terre et les montagnes seront entraînées et pulvérisées de manière spectaculaire, ce Jour-là se produira l'inéluctable. Le ciel se fendra et tombera en lambeaux." (Sourate LXIX, "Celle qui doit venir", versets 13-16)."
Pour aller plus loin :
- Comprendre l'Apocalypse [Livre]. 1, : [1-14] / Jean-Pierre Charlier
- L'Apocalypse de saint Jean [Livre] / Pierre Prigent
- Le Jugement dernier [Livre] / Martin Zlatohlavek, Christian Rätsch, Claudia Müller-Ebeling ; trad. de l'allemand par Denis-Armand Canal
- Jugements derniers [Livre] / Yves Christe
- Le jugement dernier [Livre] : entre Orient et Occident / sous la direction de Valentino Pace ; texte de Marcello Angheben ; contributions de Peter K Klien, Catherine Jolivet-Lévy, Xenia Muratova
- Dictionnaire amoureux de l'Islam [Livre] / Malek Chebel ; dessins d' Alain Bouldouyre
- Comprendre l'islam [Livre] / Quentin Ludwig ; avec la collab. de Cyril-Igor Grigorieff
- Vocabulaire de l'islam [Livre] / Dominique Sourdel, Janine Sourdel-Thomine
- La perle précieuse [Livre] : exposé sur la vie future après la mort / Ghâzâli ; trad. de l'arabe par Lucien Gauthier [i.e. Gautier]
Bonne journée.
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