Question d'origine :
Quand les vaches servaient d'affûts en Vendée...
Je souhaiterais obtenir des renseignements sur ce mode de chasse: quand, où plus précisément, comment, pour chasser quel gibier?
Avec mes remerciements.
Réponse du Guichet

Bonjour,
La chasse à la vache semble avoir été pratiquée àPoiré-sur-Velluire , La Taillée et Vouillé-les-Marais. Interdite dès 1932 par un arrêté préfectoral, elle se serait arrêtée en 1974. Elle consistait à chasser des oiseaux d'eau sur les terrains communaux en se cachant derrière une vache, habituée aux tirs de fusils.
Voici quelques extrait d'un article du journal Ouest France Une chasse d’hier dans le communal du Poiré (Ouest-France - La Roche-sur-Yon - Vendée, dimanche 20 septembre 2020) :
" Cette pratique s’appuyait sur le fait que le gibier de passage n’était pas perturbé par la présence d’animaux domestiques en train de paître. D’où l’utilisation d’une vache pour se dissimuler et approcher vanneaux, canards, oies…
Première nécessité, le dressage de la compagne, l’accoutumance aux détonations. « Dix coups de fusil en prenant l’encolure comme appui et la jeune vache ne réagissait plus », confie Jean (prénom d'emprunt) le dernier pratiquant de la chasse à la vache au Poiré.
Le dressage consistait alors à faire de la vache un affût mobile. « L’idéal, c’était une génisse d’un an et demi. Il fallait alors l’habituer à obéir aux ordres à voix basse. Elle devait s’arrêter de temps en temps, ne devait pas cesser de dissimuler le chasseur, ne devait pas s’arrêter brusquement alors que le chasseur continuait à marcher », explique Jean.
Tout l’art consistait à s’approcher des oiseaux convoités en tournant autour d’eux. En moyenne, Jean prélevait à l’aube, d’octobre à fin mars,500 vanneaux, une centaine de canards, des pluviers et quelques oies, très convoitées .
Pour les pratiquants, la chasse à la vache n’était pas répréhensible. Mais en 1954, la Fédération de chasse intente un procès à quatre chasseurs s’appuyant sur un arrêté de 1932 stipulant « la chasse en voiture, à cheval, ou à l’aide de bestiaux est interdite ».
[...]
Dans les années 1970, l’irréductible Jean maintient le flambeau. Il continue contre vents et marées par passion, plus que par souci mercantile. Sans doute dénoncé, il est interpellé en décembre 1971. Cette fois, le tribunal condamne et inflige une amende. Qu’on ne réclamera pas. On a voulu faire peur. Mais pas trop dissuasif car on raconte que Jean s’adonnait encore à quelques sorties. En marge de la loi ? De toute façon, la mise en réserve de chasse du communal en 1974 sonne la fin de la tradition. "
Cette technique de chasse est attestée depuis le Moyen-âge :
" Bien souvent, il existe d’ailleurs un pré villageois où se tiennent assemblées, frairies et foires des fêtes patronales. Autant dire que, hormis la nuit, le pré n’est pas un lieu pour le gibier. Il n’empêche que le petit gibier peut y venir, et c’est alors l’occasion de le piéger sans avoir besoin de courir les lisières dès potron-minet pour relever les collets.
Il n’en va pas de même de la pâture où les grands animaux de chasse sont souvent vus au gagnage avec les animaux domestiques :c’est là que des chasseurs, se dissimulant derrière une vache convenablement dressée ou même derrière un simulacre de bovin ou de cheval en toile, peuvent approcher cerfs et biches et les flécher à petite distance. (pages 122)
[…]
Quant à l’approche dissimulée, elle avait recours au génie inventif de l’homme. L’une des solutions les plus courantes était de se cacher derrière un animal domestique, vache ou cheval, et de s’approcher ainsi à portée de tir du gibier. […]
Et si l’on a ni vache ni cheval ? Un simple simulacre fera l’affaire : quelque toile plus ou moins peinte, tendue sur un châssis de bois et contrefaisant un ruminant ou un équidé. On se dissimulera derrière et, pendant qu’un compère l’avancera doucement, on se préparera à décocher son trait sur les cervidés qui ne se sont guère méfiés de cet autre animal. Une miniature du Livre de chasse de Gaston Phébus nous montre d’ailleurs un arbalétrier ajustant un cerf après s’en être approché au moyen d’un mannequin de toile évoquant la silhouette d’un cheval en train de brouter. De telles ruses étaient d’ailleurs utilisées pour approcher de plus petits animaux, comme les perdrix." (pages 264-264)
source : La chasse au Moyen Âge: Occident latin, VIe-XVe siècle / Lucien-Jean Bord, Jean-Pierre Mugg
A lire aussi :
- De la chasse... à la vache / Gérard Baud - Aguiaine : revue de recherches ethnographiques n° 168 - janvier-février 1992 - Société d'ethnologie et de folklore du Centre-Ouest
- Traité de la chasse, contenant les chasses à l'affut à tir et à courre / Adolphe René, C. Sellier
- Nous retrouvons une proposition de loi visant à interdire la "chasse au fusil à l'aide de chevaux, vaches, charrues, mannequins ou buissons artificiels servant à masquer le chasseur pour approcher le gibier de plaine" dès 1881, cf Chasseurs et braconniers / Jules Leclerc - 1883
Bonne journée.
La chasse à la vache semble avoir été pratiquée à
Voici quelques extrait d'un article du journal Ouest France Une chasse d’hier dans le communal du Poiré (Ouest-France - La Roche-sur-Yon - Vendée, dimanche 20 septembre 2020) :
" Cette pratique s’appuyait sur le fait que le gibier de passage n’était pas perturbé par la présence d’animaux domestiques en train de paître. D’où l’utilisation d’une vache pour se dissimuler et approcher vanneaux, canards, oies…
Première nécessité, le dressage de la compagne, l’accoutumance aux détonations. « Dix coups de fusil en prenant l’encolure comme appui et la jeune vache ne réagissait plus », confie Jean (prénom d'emprunt) le dernier pratiquant de la chasse à la vache au Poiré.
Le dressage consistait alors à faire de la vache un affût mobile. « L’idéal, c’était une génisse d’un an et demi. Il fallait alors l’habituer à obéir aux ordres à voix basse. Elle devait s’arrêter de temps en temps, ne devait pas cesser de dissimuler le chasseur, ne devait pas s’arrêter brusquement alors que le chasseur continuait à marcher », explique Jean.
Tout l’art consistait à s’approcher des oiseaux convoités en tournant autour d’eux. En moyenne, Jean prélevait à l’aube, d’octobre à fin mars,
Pour les pratiquants, la chasse à la vache n’était pas répréhensible. Mais en 1954, la Fédération de chasse intente un procès à quatre chasseurs s’appuyant sur un arrêté de 1932 stipulant « la chasse en voiture, à cheval, ou à l’aide de bestiaux est interdite ».
[...]
Dans les années 1970, l’irréductible Jean maintient le flambeau. Il continue contre vents et marées par passion, plus que par souci mercantile. Sans doute dénoncé, il est interpellé en décembre 1971. Cette fois, le tribunal condamne et inflige une amende. Qu’on ne réclamera pas. On a voulu faire peur. Mais pas trop dissuasif car on raconte que Jean s’adonnait encore à quelques sorties. En marge de la loi ? De toute façon, la mise en réserve de chasse du communal en 1974 sonne la fin de la tradition. "
" Bien souvent, il existe d’ailleurs un pré villageois où se tiennent assemblées, frairies et foires des fêtes patronales. Autant dire que, hormis la nuit, le pré n’est pas un lieu pour le gibier. Il n’empêche que le petit gibier peut y venir, et c’est alors l’occasion de le piéger sans avoir besoin de courir les lisières dès potron-minet pour relever les collets.
Il n’en va pas de même de la pâture où les grands animaux de chasse sont souvent vus au gagnage avec les animaux domestiques :
[…]
Quant à l’approche dissimulée, elle avait recours au génie inventif de l’homme. L’une des solutions les plus courantes était de se cacher derrière un animal domestique, vache ou cheval, et de s’approcher ainsi à portée de tir du gibier. […]
Et si l’on a ni vache ni cheval ? Un simple simulacre fera l’affaire : quelque toile plus ou moins peinte, tendue sur un châssis de bois et contrefaisant un ruminant ou un équidé. On se dissimulera derrière et, pendant qu’un compère l’avancera doucement, on se préparera à décocher son trait sur les cervidés qui ne se sont guère méfiés de cet autre animal. Une miniature du Livre de chasse de Gaston Phébus nous montre d’ailleurs un arbalétrier ajustant un cerf après s’en être approché au moyen d’un mannequin de toile évoquant la silhouette d’un cheval en train de brouter. De telles ruses étaient d’ailleurs utilisées pour approcher de plus petits animaux, comme les perdrix." (pages 264-264)
source : La chasse au Moyen Âge: Occident latin, VIe-XVe siècle / Lucien-Jean Bord, Jean-Pierre Mugg
A lire aussi :
- De la chasse... à la vache / Gérard Baud - Aguiaine : revue de recherches ethnographiques n° 168 - janvier-février 1992 - Société d'ethnologie et de folklore du Centre-Ouest
- Traité de la chasse, contenant les chasses à l'affut à tir et à courre / Adolphe René, C. Sellier
- Nous retrouvons une proposition de loi visant à interdire la "chasse au fusil à l'aide de chevaux, vaches, charrues, mannequins ou buissons artificiels servant à masquer le chasseur pour approcher le gibier de plaine" dès 1881, cf Chasseurs et braconniers / Jules Leclerc - 1883
Bonne journée.
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