Est-ce que Françoise Sagan est une écrivaine populaire?
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 27/10/2020 à 03h39
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Question d'origine :
Est-ce que Françoise Sagan est une écrivaine de littérature populaire?
Ses oeuvres sont-elles des romans populaires?
Est-ce qu'elle a des influences sur autres femmes écrivains? ce sont lesquelles?
Des livres recomander à lire sur les bestsellers des femmes écrivains?
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 28/10/2020 à 11h52
Bonjour,
Le concept delittérature populaire n'est pas aisé à définir.
Dans son article " Qu'est-ce que le roman populaire ? ", publié dans l'ouvrage collectif Le roman populaire (2008) et dont on peut lire un extrait sur Cairn, Daniel Couégnas pose le problème :
" On a souvent montré l'ambivalence, l'ambiguïté, voire l'inadéquation, du qualificatif « populaire » appliqué au roman. S'agit-il de se référer à l'origine sociale de l'auteur ? Faut-il plutôt comprendre que le terme caractérise le contenu, le cadre, le décor, les personnages de l'œuvre ? « Populaire » renvoie-t-il au lectorat exclusivement visé ? Or, déjà au XIXe siècle, le mot « peuple » manque de précision, y compris dans son acception strictement sociopolitique (où se situent, dans l'échelle sociale, les limites des « classes populaires » ?). Au XXe siècle, le développement dans les sociétés démocratiques occidentales de la « classe moyenne » ne simplifie pas le problème. « Populaire » renverrait-il alors à la « popularité », c'est-à-dire à la réussite éditoriale éclatante d'œuvres aujourd'hui appelées « best-sellers » ? "
Or, dans les sources que nous avons consultées, cette définition large de "populaire" englobant tous les best-sellers ne suffit pas. Le roman populaire, en effet, est un produit éditorial avec des caractéristiques spécifiques, et une histoire.
D'après le Dictionnaire mondial de la littérature [Livre] / sous la direction de Pascal Mougin, Karen Haddad-Wotling, "au XIXè siècle, et encore aujourd'hui, la littérature populaire a été souvent condamnée comme une littérature mercantile, présentant des personnages sans épaisseur et sans vraisemblance, à travers des intrigues et un style stéréotypés. Fabriquée pour un large public, elle est souvent désignée par des appellation dévalorisantes : "romans à quatre sous", "littérature de gare", paralittérature ou sous-littérature. Opposée à la littérature reconnue par l'institution littéraire, elle constitue cependant la majeure partie de la production littéraire. "
Au cours de son histoire, qui commence vraiment dans les années 1830 et restera un phénomène commercial de masse jusqu'aux années 1980, le roman populaire se caractérisera plus par ses caractéristiques éditoriales (couverture illustrée de façon spectaculaire, bas coût parfois au détriment de la qualité du papier...) que par son genre : les modes succédant aux modes, il sera tout à tour gothique, historique, policier, sentimental, d'espionnage, érotique... l'article consacré de l'Encyclopaedia universalis,consultable en ligne avec votre abonnement BmL :
"Aux origines du roman populaire il y a la littérature de colportage – celle de la Bibliothèque bleue notamment – constituée de livres sans auteurs avoués,destinés à la « populace » , qui, souvent illettrée, se les faisait lire le soir, à la veillée, par des conteurs ou des enfants. Transportés dans des besaces, où ils voisinaient avec des images pieuses ou guerrières, ces ouvrages offraient à l'imagination de leurs acheteurs des adaptations des contes de Perrault ou les exploits embellis de brigands illustres, Cartouche et Mandrin. On y remarque déjà deux constantes : le fantastique et le crime , qui alimenteront les deux branches les plus fécondes du roman populaire.
Les sombres péripéties du roman gothique anglais (Udolpho, Le Moine et Melmoth), pleins de fantômes et de démons, puis les inépuisables aventures d'enfants trouvés ou perdus chères à Ducray-Duminil, à Pigault-Lebrun ou au vicomte d'Arlincourt ont eu une influence décisive sur la genèse du roman populaire. C'est avec l'avènement du feuilleton, en 1836, dans La Presse, puis dans Le Siècle, que le genre prend consistance. Frédéric Soulié, Alexandre Dumas et Balzac sont les premiers auteurs ainsi publiés, mais l'histoire « romancée » avec Horace Raisson et Marco de Saint-Hilaire n'est pas négligée. Trois auteurs connaissent de véritables triomphes : Eugène Sue, Paul de Kock, et Ponson du Terrail. Les journaux les plus lus sous la monarchie de Juillet ont entre 20 000 et 30 000 abonnés ; sous le second Empire, Le Petit Journal en compte 30 000. En 1914, les quatre grands de la presse parisienne totalisent quatre millions d'exemplaires. C'est dire l'audience sans cesse accrue du feuilleton, qui est ensuite repris en volume et peut être lu dans ces cabinets de lecture dont le développement date du premier Empire, suscitant les railleries de Jouy, « l'hermite de la chaussée d'Antin ».
Sous la IIIe République, plusieurs maisons d'édition lancent des collections à bon marché. Chez Fayard, le Livre populaire recueille sous une couverture illustrée Ponson du Terrail et Gustave Aimard, Louis Noir et Paul Féval, puis Fantômas de Marcel Allain et Pierre Souvestre. Plus abondamment fournie dans le domaine du dessin, l'Idéal-Bibliothèque de Pierre Lafitte édite Arsène Lupin et Rouletabille. Il faut citer aussi le Livre national de Tallandier, qui va du Belphégor d'Arthur Bernède au Grenadier Sans-Souci de Maurice Mario. Georges Ohnet, « le Paul Bourget du pauvre », est chez Ollendorff. Auparavant, Rouff avait publié L'Hôtel de Niorres d'Ernest Capendu.
Il s'agit de livres brochés,qui sont imprimés sur mauvais papier et dont le seul luxe réside dans les illustrations bariolées de la couverture . Celle-ci est un élément indispensable, comme le titre, qui doit être alléchant (Les Yeux verts de la morgue de Léo Lespès, Chaste et Flétrie de Charles Mérouvel) pour attirer l'acheteur. Toutefois, certains auteurs, tel Danrit ou Paul d'Ivoi, connaissent aussi des éditions reliées avec tranche dorée, souvent remises aux « bons élèves » lors des distributions de prix. Il n'est pas facile de déterminer quels ont été les tirages de ces livres en raison de la disparition de nombreuses maisons d'édition de cette époque. Les Cinq Sous de Lavarède (1894) par Paul d'Ivoi auraient été initialement tirés à 50 000 exemplaires."
C'est aussi dans ce contexte éditorial que s'inscrivent des séries aussi populaires que les Fantômas, par Souvestre et Allain, ou, plus près de nous, les San Antonio de Frédéric Dard. Dans une veine plus sentimentalo-érotique, la collection Harlequin a fait de beaux bénéfices jusque dans les années 1980...
Notons que le succès du roman populaire dépasse largement la "populace" citée dans l'article. Bourgeois et intellectuels dévorent volontiers ces publications, mais de façon moins avouée :
"Ils sont lus par le public tant bourgeois qu'ouvrier : « Ce qui fait la différence, c'est que les bourgeois avaient d'autres lectures, alors que les gens du peuple ne lisaient que cela ; et aussi qu'il était de bon ton chez les bourgeois de manifester publiquement du dédain pour ces livres qu'on dévorait en cachette, alors que les couches les plus modestes ne s'embarrassaient pas de subtilités. » (Goimard.) Le « monde où l'on s'ennuie » de Pailleron rejette avec dédain cette littérature du pauvre, mais la consomme clandestinement. Candidat à l'Académie française, Robert de Flers, qui, dit-on rendait visite à un « immortel » et qui attendait dans la bibliothèque, ouvrit par hasard un livre de patristique pour se mettre dans l'ambiance... La reliure dissimulait un épisode de Fantômas !"
Dans ces conditions, l'oeuvre de Françoise Sagan nous paraît difficile à classer dans le roman populaire. Car en plus de ses 500 000 exemplaires vendus, Sagan a reçu, dès son premier roman Bonjour tristesse, la reconnaissance de ses pairs et le prix de la Critique. Voici l'extrait d'un article du Monde du 26 mai 1954 :
"En attribuant leur prix, à deux voix de majorité, à Mlle Françoise Sagan, pour Bonjour tristesse, les critiques littéraires, constitués hier en jury, se sont mis d'accord sur le talent, mais non certes pas pour recommander au grand public ce livre immoral, où l'on voit dessiné avec beaucoup d'art le portrait d'un monstre. Bonjour tristesse est un petit chef-d'œuvre de cynisme et de cruauté, qui déjà même avant le prix faisait l'événement littéraire de la saison, en sorte que le jury des critiques a volé au secours du succès, pour le constater.
C'est l'ouvrage d'une jeune fille de 18 ans, probablement très pure, mais d'imagination inventive, et que l'on a pu comparer en bloc, toutes proportions gardées, pour cet extraordinaire début au féroce Laclos des Liaisons, à l'innocente vitrioleuse des Hauts-de-Hurlevent, Charlotte Brontë, et à Radiguet, le glacial incendiaire du Diable au corps."
La comparaison avec Brontë et Radiguet place tout de suite Sagan dans une filiation d'écrivains reconnus par la "grande" littérature. Ce qui peu surprenant lorsqu'on sait que Sagan fut une lectrice précoce et boulimique, et pas précisément de littérature de gare :
" Malgré son jeune âge, 18 ans, Françoise Sagan avait déjà acquis un capital littéraire précieux parce qu’elle avait été une lectrice précoce.
Petite, à Noël, elle demandait de l’argent pour acheter des piles de livres. Un amour qui lui venait de la bibliothèque de la maison de sa grand-mère à Cajarc. Dans Cajarc au ralenti, elle raconte qu’elle y passe des heures à lire.
Une bibliothécaire de Lyon, où elle a été scolarisée un temps, s’inquiétait qu’elle soit toujours un livre à la main : « Vous allez tomber malade avec tous ces livres volumineux ! ». Michèle Bouton, une de ses voisines du 167 boulevard Malesherbes et camarade de classe, confirme : enfant, Françoise Sagan lisait tout et tout le temps, même pendant la classe.A 13 ans, sa chambre était remplie de livres de Gide, Camus, Sartre, Prévert. Celle qui lisait aussi Musset, Balzac, Flaubert, Proust, Mérimée, ou Nietzsche sut très jeune qu’elle en ferait son métier."
(Source : France Inter)
Dans le même article, la biographe Valérie Mirarchi met particulièrement l'accent sur la filiation de Sagan avec l'oeuvre de Sartre :
« Dans les romans de Françoise Sagan, on retrouvetous les thèmes de l’existentialisme du philosophe Jean-Paul Sartre : la solitude, l’angoisse, la vacuité, la liberté, le mal de vivre, le désespoir, mais surtout l’ennui, et l’irréversibilité du temps.
Françoise Sagan, qui s’appelle encore Quoirez, a lu La Nausée au lycée et elle a été fascinée. Son troisième roman Dans un mois, dans un an, est encore très marqué par l’œuvre du philosophe : un parfum de néant flotte sur l’intrigue et les personnages ne semblent pas trouver de sens à leur existence et souffrent d’une mélancolie de l’homme sans dieu."
On est loin des intrigues stéréotypées du "roman à quatre sous" !
Concernant l'influence qu'a pu avoir Sagan sur les auteurs des générations suivantes, elle ne concerne pas que les femmes : un article de L'Express de 2008 compile les exercices d'admiration de six auteurs hommes, Eric Neuhoff, Christian Authier, Bernard Chapuis, Marc Lambron, Adrien Goetz et David Foenkinos. Pour les femmes, on peut citerAnne Berest , qui a publié en 2014 le livre-hommage Sagan 1954 [Livre]. Dans un article de L'Obs, Colette Fellous, Clara Dupont-Monod, Hélène Grémillon, Karine Tuil, Sophie Avon qui reconnaissent également leur dette envers l'oeuvre fondatrice de Sagan.
Nous n'avons pas trouvé d'ouvrages spécifiques sur les best-sellers dus à des auteures, mais vous pouvez consulter les articles suivants :
- " Quand les romancières prennent le pouvoir " dans L'Express
- " Des best-sellers au féminin " dans Paris-Match
- "Des femmes, des héroïnes et des best-sellers" par Chantal Savoie, dans Nuit blanche (1997) lisible sur erudit.org
- "8 écrivaines dans le top 10 des ventes de livres de l'été" dans Le Parisien
- "États-Unis : les autrices en tête des meilleures ventes de livres de fiction" sur Actualitte
Bonne journée.
Le concept de
Dans son article " Qu'est-ce que le roman populaire ? ", publié dans l'ouvrage collectif Le roman populaire (2008) et dont on peut lire un extrait sur Cairn, Daniel Couégnas pose le problème :
" On a souvent montré l'ambivalence, l'ambiguïté, voire l'inadéquation, du qualificatif « populaire » appliqué au roman. S'agit-il de se référer à l'origine sociale de l'auteur ? Faut-il plutôt comprendre que le terme caractérise le contenu, le cadre, le décor, les personnages de l'œuvre ? « Populaire » renvoie-t-il au lectorat exclusivement visé ? Or, déjà au XIXe siècle, le mot « peuple » manque de précision, y compris dans son acception strictement sociopolitique (où se situent, dans l'échelle sociale, les limites des « classes populaires » ?). Au XXe siècle, le développement dans les sociétés démocratiques occidentales de la « classe moyenne » ne simplifie pas le problème. « Populaire » renverrait-il alors à la « popularité », c'est-à-dire à la réussite éditoriale éclatante d'œuvres aujourd'hui appelées « best-sellers » ? "
Or, dans les sources que nous avons consultées, cette définition large de "populaire" englobant tous les best-sellers ne suffit pas. Le roman populaire, en effet, est un produit éditorial avec des caractéristiques spécifiques, et une histoire.
D'après le Dictionnaire mondial de la littérature [Livre] / sous la direction de Pascal Mougin, Karen Haddad-Wotling, "au XIXè siècle, et encore aujourd'hui, la littérature populaire a été souvent condamnée comme une littérature mercantile, présentant des personnages sans épaisseur et sans vraisemblance, à travers des intrigues et un style stéréotypés. Fabriquée pour un large public, elle est souvent désignée par des appellation dévalorisantes : "romans à quatre sous", "littérature de gare", paralittérature ou sous-littérature. Opposée à la littérature reconnue par l'institution littéraire, elle constitue cependant la majeure partie de la production littéraire. "
Au cours de son histoire, qui commence vraiment dans les années 1830 et restera un phénomène commercial de masse jusqu'aux années 1980, le roman populaire se caractérisera plus par ses caractéristiques éditoriales (couverture illustrée de façon spectaculaire, bas coût parfois au détriment de la qualité du papier...) que par son genre : les modes succédant aux modes, il sera tout à tour gothique, historique, policier, sentimental, d'espionnage, érotique... l'article consacré de l'Encyclopaedia universalis,consultable en ligne avec votre abonnement BmL :
"Aux origines du roman populaire il y a la littérature de colportage – celle de la Bibliothèque bleue notamment – constituée de livres sans auteurs avoués,
Les sombres péripéties du roman gothique anglais (Udolpho, Le Moine et Melmoth), pleins de fantômes et de démons, puis les inépuisables aventures d'enfants trouvés ou perdus chères à Ducray-Duminil, à Pigault-Lebrun ou au vicomte d'Arlincourt ont eu une influence décisive sur la genèse du roman populaire. C'est avec l'avènement du feuilleton, en 1836, dans La Presse, puis dans Le Siècle, que le genre prend consistance. Frédéric Soulié, Alexandre Dumas et Balzac sont les premiers auteurs ainsi publiés, mais l'histoire « romancée » avec Horace Raisson et Marco de Saint-Hilaire n'est pas négligée. Trois auteurs connaissent de véritables triomphes : Eugène Sue, Paul de Kock, et Ponson du Terrail. Les journaux les plus lus sous la monarchie de Juillet ont entre 20 000 et 30 000 abonnés ; sous le second Empire, Le Petit Journal en compte 30 000. En 1914, les quatre grands de la presse parisienne totalisent quatre millions d'exemplaires. C'est dire l'audience sans cesse accrue du feuilleton, qui est ensuite repris en volume et peut être lu dans ces cabinets de lecture dont le développement date du premier Empire, suscitant les railleries de Jouy, « l'hermite de la chaussée d'Antin ».
Sous la IIIe République, plusieurs maisons d'édition lancent des collections à bon marché. Chez Fayard, le Livre populaire recueille sous une couverture illustrée Ponson du Terrail et Gustave Aimard, Louis Noir et Paul Féval, puis Fantômas de Marcel Allain et Pierre Souvestre. Plus abondamment fournie dans le domaine du dessin, l'Idéal-Bibliothèque de Pierre Lafitte édite Arsène Lupin et Rouletabille. Il faut citer aussi le Livre national de Tallandier, qui va du Belphégor d'Arthur Bernède au Grenadier Sans-Souci de Maurice Mario. Georges Ohnet, « le Paul Bourget du pauvre », est chez Ollendorff. Auparavant, Rouff avait publié L'Hôtel de Niorres d'Ernest Capendu.
Il s'agit de livres brochés,
C'est aussi dans ce contexte éditorial que s'inscrivent des séries aussi populaires que les Fantômas, par Souvestre et Allain, ou, plus près de nous, les San Antonio de Frédéric Dard. Dans une veine plus sentimentalo-érotique, la collection Harlequin a fait de beaux bénéfices jusque dans les années 1980...
Notons que le succès du roman populaire dépasse largement la "populace" citée dans l'article. Bourgeois et intellectuels dévorent volontiers ces publications, mais de façon moins avouée :
"Ils sont lus par le public tant bourgeois qu'ouvrier : « Ce qui fait la différence, c'est que les bourgeois avaient d'autres lectures, alors que les gens du peuple ne lisaient que cela ; et aussi qu'il était de bon ton chez les bourgeois de manifester publiquement du dédain pour ces livres qu'on dévorait en cachette, alors que les couches les plus modestes ne s'embarrassaient pas de subtilités. » (Goimard.) Le « monde où l'on s'ennuie » de Pailleron rejette avec dédain cette littérature du pauvre, mais la consomme clandestinement. Candidat à l'Académie française, Robert de Flers, qui, dit-on rendait visite à un « immortel » et qui attendait dans la bibliothèque, ouvrit par hasard un livre de patristique pour se mettre dans l'ambiance... La reliure dissimulait un épisode de Fantômas !"
Dans ces conditions, l'oeuvre de
"En attribuant leur prix, à deux voix de majorité, à Mlle Françoise Sagan, pour Bonjour tristesse, les critiques littéraires, constitués hier en jury, se sont mis d'accord sur le talent, mais non certes pas pour recommander au grand public ce livre immoral, où l'on voit dessiné avec beaucoup d'art le portrait d'un monstre. Bonjour tristesse est un petit chef-d'œuvre de cynisme et de cruauté, qui déjà même avant le prix faisait l'événement littéraire de la saison, en sorte que le jury des critiques a volé au secours du succès, pour le constater.
C'est l'ouvrage d'une jeune fille de 18 ans, probablement très pure, mais d'imagination inventive, et que l'on a pu comparer en bloc, toutes proportions gardées, pour cet extraordinaire début au féroce Laclos des Liaisons, à l'innocente vitrioleuse des Hauts-de-Hurlevent, Charlotte Brontë, et à Radiguet, le glacial incendiaire du Diable au corps."
La comparaison avec Brontë et Radiguet place tout de suite Sagan dans une filiation d'écrivains reconnus par la "grande" littérature. Ce qui peu surprenant lorsqu'on sait que Sagan fut une lectrice précoce et boulimique, et pas précisément de littérature de gare :
" Malgré son jeune âge, 18 ans, Françoise Sagan avait déjà acquis un capital littéraire précieux parce qu’elle avait été une lectrice précoce.
Petite, à Noël, elle demandait de l’argent pour acheter des piles de livres. Un amour qui lui venait de la bibliothèque de la maison de sa grand-mère à Cajarc. Dans Cajarc au ralenti, elle raconte qu’elle y passe des heures à lire.
Une bibliothécaire de Lyon, où elle a été scolarisée un temps, s’inquiétait qu’elle soit toujours un livre à la main : « Vous allez tomber malade avec tous ces livres volumineux ! ». Michèle Bouton, une de ses voisines du 167 boulevard Malesherbes et camarade de classe, confirme : enfant, Françoise Sagan lisait tout et tout le temps, même pendant la classe.
(Source : France Inter)
Dans le même article, la biographe Valérie Mirarchi met particulièrement l'accent sur la filiation de Sagan avec l'oeuvre de Sartre :
« Dans les romans de Françoise Sagan, on retrouve
Françoise Sagan, qui s’appelle encore Quoirez, a lu La Nausée au lycée et elle a été fascinée. Son troisième roman Dans un mois, dans un an, est encore très marqué par l’œuvre du philosophe : un parfum de néant flotte sur l’intrigue et les personnages ne semblent pas trouver de sens à leur existence et souffrent d’une mélancolie de l’homme sans dieu."
On est loin des intrigues stéréotypées du "roman à quatre sous" !
Concernant l'influence qu'a pu avoir Sagan sur les auteurs des générations suivantes, elle ne concerne pas que les femmes : un article de L'Express de 2008 compile les exercices d'admiration de six auteurs hommes, Eric Neuhoff, Christian Authier, Bernard Chapuis, Marc Lambron, Adrien Goetz et David Foenkinos. Pour les femmes, on peut citer
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