Question d'origine :
Bonsoir,
Je m'interroge sur les récits de saints, de visionnaires qui après avoir vu l'au-delà reviennent au monde terrestre. Comment ce retour se passe-t-il ? comment en apprendre davantage sur le sujet ? Pour le moment, je n'ai trouvé qu'un seul livre qui y fait allusion. Il s'agit de
Caractères et portée religieuse et sociale des "Visiones" en Occident du VIe au XIe siècle
Par exemple, lorsque saint Sauve quitte le paradis, il s'exclame en pleurant : "Le parfum m'abandonne."
Auriez-vous d'autres exemples ? des livres qui traitent du sujet ?
Je vous remercie d'avance pour votre réponse !
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 05/01/2021 à 17h23
Bonjour,
Nous vous proposons la lecture du document intitulé Le Voyage de l'âme dans l'au-delà d'après la littérature latine (Ve-XIIIe siècle) (Publication de l'École française de Rome, 189 - 1994. 720 p.)
En voici quelques extraits :
Tout d'abord en page 71, on retrouve le passage que vous citiez à propos du retour de Salvi :
"Salvi, après son retour, reste trois jours sans s'alimenter ni boire, ce n'est qu'après qu'il eût révélé à ses moines le contenu de sa vision que la sensation du parfum qu'il avait senti l'abandonne, il a besoin à nouveau à son grand désespoir de nourriture solide . L'un comme l'autre reçoivent également la promesse de la protection du Christ. La jeune fille qui se désaltère à la fontaine de vie a aussi accès à une boisson surnaturelle, qui est celle que donne le Christ : les trois textes se réfèrent donc à une symbolique christologique, en rapport avec les mets et les boissons dont bénéficient ceux qu'il protège. Ces nourritures sont liées à l'éternité que procure le Christ. " [...]
Le retour de Maximus est décrit aux pages 73-74 :
" Le premier concerne un moine nommé Maximus que Valerius a connu au début de sa vie monastique, à Complutum sans doute. C'était un frère très assidu à la psalmodie et au comportement réglé, mais aussi un copiste de livres. Il tombe malade, meurt, puis, après plusieurs heures, revient dans son corps. Il raconte alors qu'après en être sorti, il avait été accueilli par un ange de lumière et conduit dans un amoenissimus locus, dont les délices sont décrites suivant les règles de la rhétorique. Au milieu de ce Paradis coule une merveilleuse rivière dont l'eau limpide miroite sur un sable argenté. L'ange lui fait boire de cette eau dont le goût est incomparable. Il lui demande alors si sa terre connaît quelque chose de semblable et où il préfère habiter. Maximus déclare vouloir rester ici car, sur terre, il n'y a aucune eau semblable, mais seulement scandales et perditions. Après cela l'ange le conduit jusqu'à l'extrémité de la terre, là où elle s'arrête, et lui montre un horrible abîme creusé jusqu'au fond de l'Enfer. Il lui ordonne de se pencher et de tendre l'oreille. Maximus ne peut rien voir, car une nuée noire monte des profondeurs et forme comme un mur au bout du Paradis. Par contre, il entend des hurlements, gémissements, lamentations, pleurs et grincements de dents, et sent une horrible puanteur. Il est saisi soudain de la peur de tomber, mais l'ange le rassure et l'interroge pour connaître le destin qu'il préfère. Il choisit le Paradis sans hésiter.L'ange le renvoie alors dans sa maison en lui recommandant de bien se conduire et de faire pénitence, s'il veut le rejoindre, sinon il sera précipité en Enfer. Prosterné à ses pieds Maximus le supplie de lui faire miséricorde parce qu'il désire vivre avec lui. Puis il avoue ne pas savoir comment retourner chez lui. L'ange lui prescrit, en réponse, de franchir une montagne. De l'autre côté il verra trois hommes, l'un qui écrit, un autre qui dicte et le troisième qui tient un bâton à la main. Il devra saluer ce dernier qui lui indiquera le chemin à suivre. Tout se passe ainsi mais dès que Maximus s'est engagé sur le chemin, il ouvre les yeux et voit ses familiers en train de vaquer à ses obsèques. Il guérit aussitôt et vit encore quelques temps qu'il consacre à la pénitence puis, définitivement, il meurt. " ...
Le retour de Baldarius est également décrit en page 76 :
"Baldarius et ses colombes redescendent vers la terre en survolant les mers, les fleuves, les villes, les églises et les montagnes, en contemplant aussi les hommes et les nations diverses. Pendant ce trajet il se sent soudain revenu dans son corps et, ouvrant les yeux, il fait cesser la plainte funèbre de ceux qui entouraient son corps , et elle cède la place à la joie."
En page 222, on lit :
"Le retour de l'âme du moine n'est pas décrit en détail comme dans le cas de Fursy ou Barontus. On ne sait pas si elle rentre par la poitrine ou par la bouche. La durée de l'absence est cependant notée. Partie au chant du coq elle revient au point du jour, un jour après. Pour Fursy, seul le moment du départ est connu : media nocte. Barontus, lui, avait quitté son corps le matin après les matines et était revenu ad pullorum cantum, le lendemain comme le moine de Wenlock. En faitcelui-ci insiste surtout sur la répulsion à l'égard de son corps . Elle avait déjà été marquée par Fursy en termes discrets : son âme redoutait d'approcher un corps qui lui apparaissait comme un cadavre inconnu. Ici le thème est plus lourdement développé. L'âme éprouve une véritable horreur du corps, parmi ses visions rien ne lui est apparu «plus haïssable, aussi méprisable et exhalant une aussi forte puanteur, exceptés les démons et l'odeur du feu». Il prend même également en horreur les frères qu'il voit s'adonner avec bonté aux soins funèbres, à cause de ce corps haï. Le thème de la répulsion devant le cadavre n'est pas une nouveauté, seule la façon dont il est abordé par le visionnaire est originale. Le corps est vu de l'Au-delà et de l'extérieur par l'âme elle-même. Fursy soulignait surtout cette étrangeté : elle craignait son corps comme un cadavre inconnu. Elle s'en était désappropriée. L'âme a donc une autonomie totale. La crainte du cadavre, et notamment d'avoir à s'en approcher, n'était pas liée à l'odeur ou à l'aspect, comme pour le moine de Wenlock mais, semble-t-il, à une difficulté quasi insurmontable à le reconnaître comme sien. L'ange lui avait ordonné auparavant de reconnaître son propre corps et de le reprendre. Pour l'inciter ensuite à vaincre sa répugnance, il lui avait expliqué qu'il pouvait agréer ce corps quod sine ulla repugnatione infirmitatis uel uitiorum repugnantium quamuis inualidum habere potes. Bien que faible le corps est dépourvu d'infirmité ou de défauts répugnants. La raison est que Fursy dans sa tribulation a surmonté les désirs illicites et qu'en conséquence les uetera ne prévaudront plus contre lui. Il y a donc un lien entre aspect extérieur répugnant et état intérieur. "
Nous vous laissons poursuivre cette lecture aux pages 223 et suivantes. Y est notamment abordé le cas de Bède qui s'impose des rigueurs après son retour ou encore celui de Drythelm qui, après son retour, raconte son histoire, mais seulement à ceux qui sont susceptibles d'en tirer un profit spirituel.
A consulter aussi :
- Gourevitch Aaron. Au Moyen Âge : conscience individuelle et image de l'au-delà. In: Annales. Economies, sociétés, civilisations. 37ᵉ année, N. 2, 1982. pp. 255-275.
- Voir l’au-delà : L’expérience visionnaire et sa représentation dans l’art italien de la Renaissance / Sous la direction deAndreas Beyer, Philippe Morel et Alessandro Nova ; avec la collaboration de Cyril Gerbron
- Myriam White-Le Goff, «L’Espurgatoire seint Patriz « première œuvre littéraire à parler du Purgatoire»1 », Fabula / Les colloques, Marie de France, en son temps
- Bovon François, « Retour de l'âme : immortalité et résurrection dans le christianisme primitif », Études théologiques et religieuses, 2011/4 (Tome 86), p. 433-453.
- Andrei Timotin, « La vision du paradis d’André Salos. Héritages anciens et idéologie impériale byzantine », Revue de l’histoire des religions, 3 | 2011, 389-402.
- Le voyage de l'âme et l'ineffable au-delà au Moyen Âge La construction de l'autre monde dans la Visio Tnugdali / Daniel Romain
Quelques livres (que nous n'avons toutefois pas pu consulter pour vérifier leur adéquation avec le sujet traité) :
- Saints, prophètes et visionnaires : le pouvoir surnaturel au Moyen Age / André Vauchez
- Apocalypses et voyages dans l'au-delà / Claude Kappler et collaborateurs
- Les voies de l'au-delà et l'essor de l'allégorie au Moyen Age / Fabienne Pomel
Bonne journée.
Nous vous proposons la lecture du document intitulé Le Voyage de l'âme dans l'au-delà d'après la littérature latine (Ve-XIIIe siècle) (Publication de l'École française de Rome, 189 - 1994. 720 p.)
En voici quelques extraits :
Tout d'abord en page 71, on retrouve le passage que vous citiez à propos du retour de Salvi :
"
Le retour de Maximus est décrit aux pages 73-74 :
" Le premier concerne un moine nommé Maximus que Valerius a connu au début de sa vie monastique, à Complutum sans doute. C'était un frère très assidu à la psalmodie et au comportement réglé, mais aussi un copiste de livres. Il tombe malade, meurt, puis, après plusieurs heures, revient dans son corps. Il raconte alors qu'après en être sorti, il avait été accueilli par un ange de lumière et conduit dans un amoenissimus locus, dont les délices sont décrites suivant les règles de la rhétorique. Au milieu de ce Paradis coule une merveilleuse rivière dont l'eau limpide miroite sur un sable argenté. L'ange lui fait boire de cette eau dont le goût est incomparable. Il lui demande alors si sa terre connaît quelque chose de semblable et où il préfère habiter. Maximus déclare vouloir rester ici car, sur terre, il n'y a aucune eau semblable, mais seulement scandales et perditions. Après cela l'ange le conduit jusqu'à l'extrémité de la terre, là où elle s'arrête, et lui montre un horrible abîme creusé jusqu'au fond de l'Enfer. Il lui ordonne de se pencher et de tendre l'oreille. Maximus ne peut rien voir, car une nuée noire monte des profondeurs et forme comme un mur au bout du Paradis. Par contre, il entend des hurlements, gémissements, lamentations, pleurs et grincements de dents, et sent une horrible puanteur. Il est saisi soudain de la peur de tomber, mais l'ange le rassure et l'interroge pour connaître le destin qu'il préfère. Il choisit le Paradis sans hésiter.
Le retour de Baldarius est également décrit en page 76 :
"
En page 222, on lit :
"Le retour de l'âme du moine n'est pas décrit en détail comme dans le cas de Fursy ou Barontus. On ne sait pas si elle rentre par la poitrine ou par la bouche. La durée de l'absence est cependant notée. Partie au chant du coq elle revient au point du jour, un jour après. Pour Fursy, seul le moment du départ est connu : media nocte. Barontus, lui, avait quitté son corps le matin après les matines et était revenu ad pullorum cantum, le lendemain comme le moine de Wenlock. En fait
Nous vous laissons poursuivre cette lecture aux pages 223 et suivantes. Y est notamment abordé le cas de Bède qui s'impose des rigueurs après son retour ou encore celui de Drythelm qui, après son retour, raconte son histoire, mais seulement à ceux qui sont susceptibles d'en tirer un profit spirituel.
A consulter aussi :
- Gourevitch Aaron. Au Moyen Âge : conscience individuelle et image de l'au-delà. In: Annales. Economies, sociétés, civilisations. 37ᵉ année, N. 2, 1982. pp. 255-275.
- Voir l’au-delà : L’expérience visionnaire et sa représentation dans l’art italien de la Renaissance / Sous la direction deAndreas Beyer, Philippe Morel et Alessandro Nova ; avec la collaboration de Cyril Gerbron
- Myriam White-Le Goff, «L’Espurgatoire seint Patriz « première œuvre littéraire à parler du Purgatoire»1 », Fabula / Les colloques, Marie de France, en son temps
- Bovon François, « Retour de l'âme : immortalité et résurrection dans le christianisme primitif », Études théologiques et religieuses, 2011/4 (Tome 86), p. 433-453.
- Andrei Timotin, « La vision du paradis d’André Salos. Héritages anciens et idéologie impériale byzantine », Revue de l’histoire des religions, 3 | 2011, 389-402.
- Le voyage de l'âme et l'ineffable au-delà au Moyen Âge La construction de l'autre monde dans la Visio Tnugdali / Daniel Romain
Quelques livres (que nous n'avons toutefois pas pu consulter pour vérifier leur adéquation avec le sujet traité) :
- Saints, prophètes et visionnaires : le pouvoir surnaturel au Moyen Age / André Vauchez
- Apocalypses et voyages dans l'au-delà / Claude Kappler et collaborateurs
- Les voies de l'au-delà et l'essor de l'allégorie au Moyen Age / Fabienne Pomel
Bonne journée.
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