Question d'origine :
Bonjour, pour les besoins d'une pièce de théâtre engagée, nous recherchons l'affiche de la publicité Nestlé dans les années 70 qui a fait polémique sur l'affaire du lait artificiel envoyé en Afrique, cette affiche aurait une femme blanche en train d'allaiter. Je n'ai trouvé qu'une affiche de boycott. Merci si vous pouviez la trouver.
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 06/01/2021 à 15h32
Bonjour,
Nous avons trouvé de très nombreuses images publicitaires pour des substituts à l’allaitement produits par Nestlé pouvant correspondre à celle que vous cherchez, tant le marketing de Nestlé était omniprésent partout dans le monde dans les années 1970. Il pourrait s’agir de cette publicité pour le lait en poudre Lactogen, trouvé sur Pinterest, ou encore de celle-ci, reproduite dans l'ouvrage Nestlé contre les bébés ? / [Livre] / Groupe de travail Tiers Monde ; trad. de l'allemand par Patrick Demerin :
Comme vous le voyez, ce sont des mères pratiquant l’allaitement artificiel qui sont mises en scène, puisqu’il s’agit de vendre des laits en poudre.
D’après les sources que nous avons pu consulter, le boycott de Nestlé dans les années 1970 n’est cependant pas lié à un visuel en particulier, mais résulte d’un désastre sanitaire dû à une stratégie marketing plus globale, utilisant « de manière raffinée la situation des habitants des bidonvilles et ne font que l’aggraver. Elles emploient des stéréotypes occidentaux et misent ainsi sur la dépendance psychologique dans lequel se trouvent les habitants déracinés des bidonvilles », même si ceux-ci n’ont pas les moyens de se procurer les produits vantés.
« La publicité des aliments pour enfants offre ici un exemple particulièrement évocateur, parce que très bien documenté, de ces méthodes. Le biberon est son symbole : il n’est pas un simple instrument, il possède des qualités presque magiques [….]
La publicité des aliments pour enfants utilise adroitement les préjugés existants : le fait que les Européennes et les femmes de la minorité privilégiée locale aient, dans leur large majorité, abandonné l’allaitement pour le biberon est repris de façon très subtile dans la publicité. Les pères que l’on découvre sur les dépliants en couleurs de Nestlé appartiennent de toute évidence aux couches supérieures et vivent manifestement dans un cadre confortable et européanisé. […]
En plus de l’utilisation systématique de modèles choisis parmi la classe supérieure, la publicité du lait pour enfant fait appel aux autorités médicales. [notamment en offrant des fournitures et des échantillons de produits pour enfants à des hôpitaux et dispensaires, mais aussi faisant distribuer des échantillons par des commerciales… déguisées en infirmières] Mais la méthode de loin la plus perfide est encore celle qui consiste, par des distributions gratuites d’échantillons, à rendre les mères dépendantes des laits de remplacement. Le petit enfant marque vite sa préférence pour le lait sucré et savoureux du biberon, et moins il tète le sein de sa mère, moins celui-ci produit de lait, jusqu’à ce que la source soit définitivement tarie. C’est alors que la mère est obligée d’utiliser ces produits à la fois coûteux et dangereux que lui proposent les fabricants de lait en poudre. »
Car au sein de populations ne disposant pas d’installations culinaires correspondant aux standards occidentaux, et pas d’accès à l’eau potable, toute préparation de biberon à base de lait en poudre devient potentiellement pathogène, comme l’explique Bénédicte Foix dans son mémoire « État des lieux et perspectives de l’allaitement maternelen France et dans le monde », consultables sur cnrs.fr:
L’utilisation du biberon multiplie les risques de contamination par des organismes pathogènes, dans ces pays où la plupart du temps les conditions d’hygiène sont médiocres avec :
-Un accès à une eau saine très compliqué: elle provient le plus souvent d’un puit ou d’un cours d’eau contaminé par les excréments humains. Cette eau est non seulement utilisée pour diluer le lait en poudre, mais aussi pour nettoyer le matériel. La seule solution pour stériliser les accessoires est alors d’allumer un feu, ce qui implique d’acheter des combustibles.
-Un environnement domestique contaminé par les excréments et les insectes.
-L’absence de système de conservation ou lieu de stockage sain pour le lait.
Par ailleurs, les populations manquent de matériel adapté et parfois le biberon n’est qu’une bouteille en plastique, difficile à nettoyer. Enfin, les mères sont souvent peu informées sur la contamination microbienne et les règles d’hygiène et de conservation du lait.
Dans ces conditions les préparations pour nourrissons deviennent rapidement des bouillons de culture. L’OMS estime d’ailleurs que dans les pays en voie de développement :
-Pour les enfants âgés de 0 à 5 mois uniquement nourris au lait artificiel, les risques de décès par diarrhée ou pneumonie sont respectivement 7 et 5 fois plus élevés que chez les enfants bénéficiant d’un allaitement maternel exclusif. -Dans la même tranche d’âge, les enfants recevant un allaitement mixte présentent un risque de décès par diarrhée ou pneumonie 2 fois plus élevé que celui des enfants exclusivement nourris au sein.
[…]
Dans les pays en développement, la malnutrition est un des problèmes de santé publique les plus graves. Dévastatrice, elle joue y un rôle dans plus d’un tiers des décès d’enfants. Bien que le nombre d’enfants sous-alimentés ait diminué par rapport aux années 90, 150 millions souffrent toujours d’insuffisance pondérale, dont plus de la moitié vivent en Asie du Sud. Une partie de ces chiffres est due à l’utilisation du lait artificiel au biberon à la place de l'allaitement maternel."
Comme le rapporte l'article "OBJECTIFS ET RÉSULTATS D'UNE PUBLICITÉ ALIMENTAIRE ENAFRIQUELe problème du lait en poudre, en marge du procès Nestlé" de Fançoise Berthoud (Présence Africaine, 1980, consultable sur Cairn en bibliothèque, Nestlé a intenté en 1974 un procès au Groupe de travail Tiers-Monde, auteur de l'ouvrage cité plus haut. Bien que la firme ait gagné son procès, l'indulgence de la cour - condamnant le Groupe de travail à seulement 300 francs suisses de dommages et intérêts - ainsi que la prise de conscience suscitée au sein de l'opinion publique occidentale ont fait de ce procès une "victoire morale" des boycotteurs de Nestlé. Et, d'après un article de Libération, " un code de commercialisation des substituts du lait maternel a été adopté en 1981 par l'OMS: il interdit toute publicité visible ou déguisée en faveur du lait en poudre, toute distribution d'échantillons gratuits et fait obligation de mentionner la supériorité du lait maternel sur les produits artificiels."
Bonne journée.
Nous avons trouvé de très nombreuses images publicitaires pour des substituts à l’allaitement produits par Nestlé pouvant correspondre à celle que vous cherchez, tant le marketing de Nestlé était omniprésent partout dans le monde dans les années 1970. Il pourrait s’agir de cette publicité pour le lait en poudre Lactogen, trouvé sur Pinterest, ou encore de celle-ci, reproduite dans l'ouvrage Nestlé contre les bébés ? / [Livre] / Groupe de travail Tiers Monde ; trad. de l'allemand par Patrick Demerin :
Comme vous le voyez, ce sont des mères pratiquant l’allaitement artificiel qui sont mises en scène, puisqu’il s’agit de vendre des laits en poudre.
D’après les sources que nous avons pu consulter, le boycott de Nestlé dans les années 1970 n’est cependant pas lié à un visuel en particulier, mais résulte d’un désastre sanitaire dû à une stratégie marketing plus globale, utilisant « de manière raffinée la situation des habitants des bidonvilles et ne font que l’aggraver. Elles emploient des stéréotypes occidentaux et misent ainsi sur la dépendance psychologique dans lequel se trouvent les habitants déracinés des bidonvilles », même si ceux-ci n’ont pas les moyens de se procurer les produits vantés.
« La publicité des aliments pour enfants offre ici un exemple particulièrement évocateur, parce que très bien documenté, de ces méthodes. Le biberon est son symbole : il n’est pas un simple instrument, il possède des qualités presque magiques [….]
La publicité des aliments pour enfants utilise adroitement les préjugés existants : le fait que les Européennes et les femmes de la minorité privilégiée locale aient, dans leur large majorité, abandonné l’allaitement pour le biberon est repris de façon très subtile dans la publicité. Les pères que l’on découvre sur les dépliants en couleurs de Nestlé appartiennent de toute évidence aux couches supérieures et vivent manifestement dans un cadre confortable et européanisé. […]
En plus de l’utilisation systématique de modèles choisis parmi la classe supérieure, la publicité du lait pour enfant fait appel aux autorités médicales. [notamment en offrant des fournitures et des échantillons de produits pour enfants à des hôpitaux et dispensaires, mais aussi faisant distribuer des échantillons par des commerciales… déguisées en infirmières] Mais la méthode de loin la plus perfide est encore celle qui consiste, par des distributions gratuites d’échantillons, à rendre les mères dépendantes des laits de remplacement. Le petit enfant marque vite sa préférence pour le lait sucré et savoureux du biberon, et moins il tète le sein de sa mère, moins celui-ci produit de lait, jusqu’à ce que la source soit définitivement tarie. C’est alors que la mère est obligée d’utiliser ces produits à la fois coûteux et dangereux que lui proposent les fabricants de lait en poudre. »
Car au sein de populations ne disposant pas d’installations culinaires correspondant aux standards occidentaux, et pas d’accès à l’eau potable, toute préparation de biberon à base de lait en poudre devient potentiellement pathogène, comme l’explique Bénédicte Foix dans son mémoire « État des lieux et perspectives de l’allaitement maternelen France et dans le monde », consultables sur cnrs.fr:
L’utilisation du biberon multiplie les risques de contamination par des organismes pathogènes, dans ces pays où la plupart du temps les conditions d’hygiène sont médiocres avec :
-Un accès à une eau saine très compliqué: elle provient le plus souvent d’un puit ou d’un cours d’eau contaminé par les excréments humains. Cette eau est non seulement utilisée pour diluer le lait en poudre, mais aussi pour nettoyer le matériel. La seule solution pour stériliser les accessoires est alors d’allumer un feu, ce qui implique d’acheter des combustibles.
-Un environnement domestique contaminé par les excréments et les insectes.
-L’absence de système de conservation ou lieu de stockage sain pour le lait.
Par ailleurs, les populations manquent de matériel adapté et parfois le biberon n’est qu’une bouteille en plastique, difficile à nettoyer. Enfin, les mères sont souvent peu informées sur la contamination microbienne et les règles d’hygiène et de conservation du lait.
Dans ces conditions les préparations pour nourrissons deviennent rapidement des bouillons de culture. L’OMS estime d’ailleurs que dans les pays en voie de développement :
-Pour les enfants âgés de 0 à 5 mois uniquement nourris au lait artificiel, les risques de décès par diarrhée ou pneumonie sont respectivement 7 et 5 fois plus élevés que chez les enfants bénéficiant d’un allaitement maternel exclusif. -Dans la même tranche d’âge, les enfants recevant un allaitement mixte présentent un risque de décès par diarrhée ou pneumonie 2 fois plus élevé que celui des enfants exclusivement nourris au sein.
[…]
Dans les pays en développement, la malnutrition est un des problèmes de santé publique les plus graves. Dévastatrice, elle joue y un rôle dans plus d’un tiers des décès d’enfants. Bien que le nombre d’enfants sous-alimentés ait diminué par rapport aux années 90, 150 millions souffrent toujours d’insuffisance pondérale, dont plus de la moitié vivent en Asie du Sud. Une partie de ces chiffres est due à l’utilisation du lait artificiel au biberon à la place de l'allaitement maternel."
Comme le rapporte l'article "OBJECTIFS ET RÉSULTATS D'UNE PUBLICITÉ ALIMENTAIRE ENAFRIQUELe problème du lait en poudre, en marge du procès Nestlé" de Fançoise Berthoud (Présence Africaine, 1980, consultable sur Cairn en bibliothèque, Nestlé a intenté en 1974 un procès au Groupe de travail Tiers-Monde, auteur de l'ouvrage cité plus haut. Bien que la firme ait gagné son procès, l'indulgence de la cour - condamnant le Groupe de travail à seulement 300 francs suisses de dommages et intérêts - ainsi que la prise de conscience suscitée au sein de l'opinion publique occidentale ont fait de ce procès une "victoire morale" des boycotteurs de Nestlé. Et, d'après un article de Libération, " un code de commercialisation des substituts du lait maternel a été adopté en 1981 par l'OMS: il interdit toute publicité visible ou déguisée en faveur du lait en poudre, toute distribution d'échantillons gratuits et fait obligation de mentionner la supériorité du lait maternel sur les produits artificiels."
Bonne journée.
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