Lundis de Pâques et Pentecôte fériés. Pourquoi ?
CIVILISATION
+ DE 2 ANS
Le 05/04/2021 à 08h29
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Question d'origine :
Pourquoi et depuis quand les lundis de Pâques et de Pentecôte sont-ils fériés ?
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 09/04/2021 à 07h30
Bonjour,
La fête est un marqueur identitaire. En Europe, à travers l’interruption du temps quotidien, celui de la famille et du travail, l’Eglise favorise la prière et une forme d’instruction, car la fête, avec ses rituels, ses sermons et ses processions, prend la forme d’une catéchèse. Au cours des siècles, le pouvoir politique ne reste pas en retrait vis-à-vis de cette démarche. L’instauration d’une solennité religieuse est un moyen de contrôler la population afin de la rassembler autour de thèmes aussi bien religieux que civiques.
Le mot « férié » vient du latin feriae, qui signifie jour de repos. Il est de la même famille que ferior (être en fête) et feria (oisif : qui n’exerce pas d’activité). Les jours fériés dont la date varie en fonction du calendrier sont exclusivement des jours célébrant des évènements liés à la religion chrétienne.
Lundi de Pâques
Le lundi de Pâques, dont la date est variable en fonction du calendrier, peut tomber entre le 23 mars et le 26 avril. Pâques est une fête chrétienne qui commémore la résurrection de Jésus Christ, 3 jours après sa crucifixion. Cette fête commune aux catholiques et aux protestants est célébrée pendant 2 jours : le jour de Pâques, un dimanche, et le lendemain, le lundi de Pâques. En France, la tradition veut que les cloches passent le jour de Pâques, apportant des œufs en chocolat qu’elles déposent dans les jardins. Dans les églises, elles ont cessé de sonner trois jours précédant Pâques, en signe de deuil pour la mort du Christ. On dit aux enfants qu’elles partent à Rome et reviennent le jour de Pâques.
Depuis le XIème siècle, Pâques faisait l’objet d’une semaine complète fériée, réduite au seul lundi depuis le Concordat
- accord religieux - entre Napoléon Bonaparte et le pape signé en 1801.
Au XIIIe siècle, en Europe, la célébration de la veillée pascale ou « la vigile de Pâques » fut avancée au samedi matin et une messe solennelle était célébrée le Dimanche de Pâques. Selon les préceptes du 4e concile du Latran qui s’est tenu en 1215, le fidèle était invité à « faire ses pâques », c’est-à-dire à se confesser avant d’aller communier. A cette époque, communier était un geste exceptionnel et il a fallu attendre la pastorale du
Concile de Trente au XVIe siècle pour permettre aux fidèles de communier plus souvent.
Le terme de Pâques vient de l’Ancien Testament. Son nom hébreu Pessah signifie « passage » et apparaît pour la première fois dans le Livre de l’Exode à l’occasion de la sortie d’Egypte du peuple d’Israël, sous la conduite de Moïse. C’est la libération des esclaves hébreux qui est donc célébrée à Pâques. Les chrétiens ont reconnu dans la mort et la résurrection de Jésus l’accomplissement de ce que préfigurait la sortie d’Egypte : la libération du mal et de la mort. Les premières festivités de la résurrection furent les célébrations hebdomadaires du dimanche et ce n’est qu’à partir du
IIe Concile de Nicée en 325 que la Pâque chrétienne est célébrée le dimanche qui suit la pleine lune, après l’équinoxe du printemps.
Lundi de Pentecôte
La fête chrétienne de la Pentecôte, dont le nom grec signifie « cinquante » a lieu exactement 50 jours après Pâques. Elle commémore la descente de l’Esprit Saint parmi les apôtres. Tertullien, un auteur chrétien du IIe siècle, nomme cette période « la cinquantaine d’allégresse ». Elle est fêtée pendant deux jours : le jour de la Pentecôte, un dimanche, et le lundi de Pentecôte, qui est par conséquent férié.
Tout comme Pâques, la Pentecôte était à l’origine une fête juive pendant laquelle on remerciait Dieu pour les moissons et on commémorait le don de l’alliance dans la joie.
Au début du IIIe siècle, lorsque l’Eglise commence à mentionner la Pentecôte, c’est pour désigner la durée des 50 jours et non la fête du cinquantième jour. Toute la période était vécue comme festive. Dans la tradition chrétienne, la célébration du lundi de Pentecôte est attestée depuis le IVème siècle ap. J.-C., lorsque les fidèles célèbrent le don de l’Esprit Saint ainsi que le départ en mission des apôtres. Aurélie Godefroy, dans son livre sur Le catholicisme. Fêtes, rites et symboles, précise qu’au IVe siècle, les fidèles
« commencent à célébrer le cinquantième jour, mais sous le nom de l’Ascension et ce n’est qu’à la fin du siècle qu’on se mit à célébrer la Pentecôte comme une fête distincte de l’Ascension. »
C’était également l’occasion de renouveler la solennité pascale pour ceux qui n’avaient pas pu recevoir le baptême à Pâques et le faisaient donc à ce moment-là.
En France, la loi du 8 mars 1886 déclare le lundi de Pentecôte officiellement férié. En 2004, le gouvernement Raffarin décide de faire du lundi de Pentecôte une journée de solidarité envers les personnes âgées.
François Fillon, alors ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, déposa à l’Assemblée nationale un projet de loi qui fut promulguée pour modifier le chapitre II du titre Ier du livre II du Code du travail. D’après les nouvelles dispositions, pour les salariés fut instaurée une journée supplémentaire de travail non rémunérée « afin d’assurer le financement des actions en faveur de l’autonomie des personnes âgées ou handicapées », les employeurs étant, eux, soumis à une contribution, prévue par l’article 11 de la loi.
Il reste férié mais non chômé dans beaucoup d’entreprises : en ce qui concerne le privé, la date de la journée de solidarité était déterminée par une convention ou un accord d’entreprise. Si tel n’était pas le cas, la journée de solidarité était le lundi de Pentecôte. Pour le secteur public, l’article 6 de la loi du 30 juin 2004 consacré aux trois fonctions publiques françaises – territoriale, hospitalière et de l’Etat - stipula qu’à défaut d’une décision arrêtée avant le 31 décembre d’une année, la date retenue pour l’année suivante devait être le lundi de Pentecôte. C’est donc par défaut que ce jour pouvait perdre son caractère férié.
Un revirement de situation s’est opéré en 2008, date à laquelle ce jour redevient férié, sauf dans certaines branches relevant de l’Etat.
Pour aller plus loin :
Fêtes de précepte et jours chômés du Moyen Age au XIXe siècle sous la dir. de Philippe Desmette et Philippe Martin ;
Les fêtes religieuses. 50 fiches pour découvrir et comprendre d’Alexandre Astier, Ghaleb Bencheikh, éd. Eyrolles, 2015 ;
Jours de fête. Jours fériés et fêtes légales dans la France contemporaine de Jacqueline Lalouette, éd. Tallandier, 2010 ;
Le jour de repos : des origines au concile de Nicée en 325. Essai historique de Daniel F. Cohen, éd. Memogrames, 2015.
La fête est un marqueur identitaire. En Europe, à travers l’interruption du temps quotidien, celui de la famille et du travail, l’Eglise favorise la prière et une forme d’instruction, car la fête, avec ses rituels, ses sermons et ses processions, prend la forme d’une catéchèse. Au cours des siècles, le pouvoir politique ne reste pas en retrait vis-à-vis de cette démarche. L’instauration d’une solennité religieuse est un moyen de contrôler la population afin de la rassembler autour de thèmes aussi bien religieux que civiques.
Le mot « férié » vient du latin feriae, qui signifie jour de repos. Il est de la même famille que ferior (être en fête) et feria (oisif : qui n’exerce pas d’activité). Les jours fériés dont la date varie en fonction du calendrier sont exclusivement des jours célébrant des évènements liés à la religion chrétienne.
Le lundi de Pâques, dont la date est variable en fonction du calendrier, peut tomber entre le 23 mars et le 26 avril. Pâques est une fête chrétienne qui commémore la résurrection de Jésus Christ, 3 jours après sa crucifixion. Cette fête commune aux catholiques et aux protestants est célébrée pendant 2 jours : le jour de Pâques, un dimanche, et le lendemain, le lundi de Pâques. En France, la tradition veut que les cloches passent le jour de Pâques, apportant des œufs en chocolat qu’elles déposent dans les jardins. Dans les églises, elles ont cessé de sonner trois jours précédant Pâques, en signe de deuil pour la mort du Christ. On dit aux enfants qu’elles partent à Rome et reviennent le jour de Pâques.
Depuis le XIème siècle, Pâques faisait l’objet d’une semaine complète fériée, réduite au seul lundi depuis le Concordat
- accord religieux - entre Napoléon Bonaparte et le pape signé en 1801.
Au XIIIe siècle, en Europe, la célébration de la veillée pascale ou « la vigile de Pâques » fut avancée au samedi matin et une messe solennelle était célébrée le Dimanche de Pâques. Selon les préceptes du 4e concile du Latran qui s’est tenu en 1215, le fidèle était invité à « faire ses pâques », c’est-à-dire à se confesser avant d’aller communier. A cette époque, communier était un geste exceptionnel et il a fallu attendre la pastorale du
Concile de Trente au XVIe siècle pour permettre aux fidèles de communier plus souvent.
Le terme de Pâques vient de l’Ancien Testament. Son nom hébreu Pessah signifie « passage » et apparaît pour la première fois dans le Livre de l’Exode à l’occasion de la sortie d’Egypte du peuple d’Israël, sous la conduite de Moïse. C’est la libération des esclaves hébreux qui est donc célébrée à Pâques. Les chrétiens ont reconnu dans la mort et la résurrection de Jésus l’accomplissement de ce que préfigurait la sortie d’Egypte : la libération du mal et de la mort. Les premières festivités de la résurrection furent les célébrations hebdomadaires du dimanche et ce n’est qu’à partir du
IIe Concile de Nicée en 325 que la Pâque chrétienne est célébrée le dimanche qui suit la pleine lune, après l’équinoxe du printemps.
La fête chrétienne de la Pentecôte, dont le nom grec signifie « cinquante » a lieu exactement 50 jours après Pâques. Elle commémore la descente de l’Esprit Saint parmi les apôtres. Tertullien, un auteur chrétien du IIe siècle, nomme cette période « la cinquantaine d’allégresse ». Elle est fêtée pendant deux jours : le jour de la Pentecôte, un dimanche, et le lundi de Pentecôte, qui est par conséquent férié.
Tout comme Pâques, la Pentecôte était à l’origine une fête juive pendant laquelle on remerciait Dieu pour les moissons et on commémorait le don de l’alliance dans la joie.
Au début du IIIe siècle, lorsque l’Eglise commence à mentionner la Pentecôte, c’est pour désigner la durée des 50 jours et non la fête du cinquantième jour. Toute la période était vécue comme festive. Dans la tradition chrétienne, la célébration du lundi de Pentecôte est attestée depuis le IVème siècle ap. J.-C., lorsque les fidèles célèbrent le don de l’Esprit Saint ainsi que le départ en mission des apôtres. Aurélie Godefroy, dans son livre sur Le catholicisme. Fêtes, rites et symboles, précise qu’au IVe siècle, les fidèles
« commencent à célébrer le cinquantième jour, mais sous le nom de l’Ascension et ce n’est qu’à la fin du siècle qu’on se mit à célébrer la Pentecôte comme une fête distincte de l’Ascension. »
C’était également l’occasion de renouveler la solennité pascale pour ceux qui n’avaient pas pu recevoir le baptême à Pâques et le faisaient donc à ce moment-là.
En France, la loi du 8 mars 1886 déclare le lundi de Pentecôte officiellement férié. En 2004, le gouvernement Raffarin décide de faire du lundi de Pentecôte une journée de solidarité envers les personnes âgées.
François Fillon, alors ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, déposa à l’Assemblée nationale un projet de loi qui fut promulguée pour modifier le chapitre II du titre Ier du livre II du Code du travail. D’après les nouvelles dispositions, pour les salariés fut instaurée une journée supplémentaire de travail non rémunérée « afin d’assurer le financement des actions en faveur de l’autonomie des personnes âgées ou handicapées », les employeurs étant, eux, soumis à une contribution, prévue par l’article 11 de la loi.
Il reste férié mais non chômé dans beaucoup d’entreprises : en ce qui concerne le privé, la date de la journée de solidarité était déterminée par une convention ou un accord d’entreprise. Si tel n’était pas le cas, la journée de solidarité était le lundi de Pentecôte. Pour le secteur public, l’article 6 de la loi du 30 juin 2004 consacré aux trois fonctions publiques françaises – territoriale, hospitalière et de l’Etat - stipula qu’à défaut d’une décision arrêtée avant le 31 décembre d’une année, la date retenue pour l’année suivante devait être le lundi de Pentecôte. C’est donc par défaut que ce jour pouvait perdre son caractère férié.
Un revirement de situation s’est opéré en 2008, date à laquelle ce jour redevient férié, sauf dans certaines branches relevant de l’Etat.
Pour aller plus loin :
Fêtes de précepte et jours chômés du Moyen Age au XIXe siècle sous la dir. de Philippe Desmette et Philippe Martin ;
Les fêtes religieuses. 50 fiches pour découvrir et comprendre d’Alexandre Astier, Ghaleb Bencheikh, éd. Eyrolles, 2015 ;
Jours de fête. Jours fériés et fêtes légales dans la France contemporaine de Jacqueline Lalouette, éd. Tallandier, 2010 ;
Le jour de repos : des origines au concile de Nicée en 325. Essai historique de Daniel F. Cohen, éd. Memogrames, 2015.
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